Le livre des départs
Undine articule passé et présent par le prisme des maquettes de la ville de Berlin comme pour raccorder l’histoire aux traces qu’il en reste et les récits d’autrefois – l’inscription au fond de l’eau...
le 9 nov. 2020
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Undine articule passé et présent par le prisme des maquettes de la ville de Berlin comme pour raccorder l’histoire aux traces qu’il en reste et les récits d’autrefois – l’inscription au fond de l’eau – aux adaptations que l’on fait d’eux, simples variations autour d’un même thème. Cette articulation vitale de l’ancien et du neuf était déjà centrale dans Transit, puisque le cinéaste se proposait de mettre en scène les déportations de la Seconde Guerre mondiale dans un Paris et une Marseille d’aujourd’hui, sans tenir compte de l’exigence de reconstitution historique, ses décors, ses costumes… Un tel choix surprend mais séduit sans tarder l’intellect comme la rétine tant par la puissance esthétique qu’acquièrent d’aussi simples procédés que par leur pertinence pour dire la déportation non comme factuelle mais comme phénomène social universel. Le décalage convertit les personnages et le spectateur en sans-papiers sans date ni lieu de résidence, sinon un petit hôtel de qualité toute relative qui recourt à la délation et au chantage.
Nous suivons des corps aller et venir dans des décors en tension, constamment sur le point de se voir remplir de forces de police au son des sirènes ; leurs moyens de transport sont multiples, du train au bateau en passant par le taxi et la marche à pied. Ce qui transite ici, c’est de l’humain, c’est du sentiment qui réagit avec d’autres sentiments, ceux d’un enfant privé de son père ou d’une femme sourde-muette qui communique et communie par la comptine ; c’est aussi le roman que compose l’écrivain, Georg, mais qu’il ne publie jamais ; c’est enfin l’identité qui vole aux vents, les photos jetées dans les toilettes, les papiers qui ne viennent pas, une Marie revenue d’entre les noyés, entrevue dans la salle d’un café et destinée à être attendue. Christian Petzold se plaît à égarer son spectateur pour mieux le rattacher à l’intrigue amoureuse, belle parce que fugace : elle ne laisse pas de traces, elle semble irréelle, fruit des fantasmes du protagoniste principal, à l’image de la disparition d’une ressortissante allemande au son des mouettes.
Transit compose ainsi une réflexion concrète, tout en mouvement, sur notre condition de passager illégal parce qu’humaine parce que régie par des sentiments dont l’origine est une arabesque qui fond ensemble les temporalités pour ne garder que des motifs : une main posée sur celle de l’autre, un corps masculin perché à la fenêtre qui se reflète dans la vitre au féminin, un regard dernier lancé devant, pour avancer en marche arrière.
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le 9 nov. 2020
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