Le verbe devait tuer le cinéma. Prophétie. C'était il y a près d'un siècle. De fait, bien tardivement, le monstre Netflix aura imposé comme standard le débit à verbe. De l'Auteur on est passé à l'aéropage d'auteurs interchangeables, travaillant en batterie à produire de façon forcenée, puisqu'il s'agit avant tout de produire, de produire du "contenu". Et le verbe est un contenu peu cher. A produire comme à capter. Et qui retient facilement son client (les commerciales en savent quelque chose). Un produit miracle.

Contre point : tu ne mentiras point.

Qu'il est agréable pour une fiction de voir ces flow de mini drames incessant artificiellement entretenus et vulgairement restitués, qui font aujourd'hui la norme (sur Netflix comme dans la télé-réalité), se tarir un instant pour laisser place à un écoulement raisonnable, naturel et sensible, du temps.

Première vertu de ce long métrage qui pour sa tonalité nous ramène à ce magnifique Manchester by the Sea. Enfin un taiseux. Enfin du verbe qui parce qu'on n'en fait l'économie, ne fait pas que passer. Il a le temps de prendre corps. Comme tout ces protagonistes, ramenés à échelle humaine (à l'heure du trop permanent, de l'exception permanente).

Le film est par ailleurs en terme plastique magnifique (même si l'on croit comprendre qu'aujourd'hui une belle photo s'obtient sans les efforts et les miracles d'en temps (post-prod numérique surpuissante qui aura comme les trucages numériques, tué la magie de la photo)). Les teintes, mais aussi les cadres, les mouvements d'appareil comme ce panoramique inversé qui perd son homme pour le retrouver dans l'axe inverse (ainsi Travis Bickle à la station de Taxi il y a un demi siècle). Tout ça est très beau. Mais sans être un simple habillage comme on les produit et reproduit aujourd'hui insensiblement à la chaine. Une forme qui donne une matière, du poids au récit. Au service d'un récit édifiant (mais qui n'édifie plus rien tant il relève de refrain), qui interroge tout de même à l'heure où il y a à peine une semaine on mettait les drapeaux en berne.

Un très beau drame, parfaitement construit, bien incarné, et plus que recommandable.

HAL1
8
Écrit par

Créée

le 1 mai 2025

Critique lue 44 fois

5 j'aime

2 commentaires

HAL1

Écrit par

Critique lue 44 fois

5
2

D'autres avis sur Tu ne mentiras point

Tu ne mentiras point
Sergent_Pepper
7

Silent night, holy fight

Alors que l’actualité ne cesse de nous révéler les violences et la culture du silence dans les institutions religieuses, Tu ne mentiras point propose une sorte de retour dans le temps qui pourrait, à...

le 1 mai 2025

23 j'aime

3

Tu ne mentiras point
Cinephile-doux
6

Le choix du charbonnier

Ceux qui ont vu The Magdalene Sisters de Peter Mullan (2003) savent ce qu'est ce long "scandale" irlandais qui imprègne Small things like these, un faux conte de Noël écrit par Claire Keegan, adapté...

le 20 déc. 2024

15 j'aime

Tu ne mentiras point
Noel_Astoc
2

Oui mais nonnes

Partant d’un pitch alléchant, le cinéaste belge plombe son film à force d’effets appuyés, d’une psychologie lourdingue et d’un récit à la lenteur infinie. Il faut dire que l’interprétation de Cillian...

le 24 nov. 2024

10 j'aime

2

Du même critique

Les Naufragés du Wager
HAL1
6

Très grand script

Hasardeux d'émettre quelques critiques sur un ouvrage ayant suscité une adhésion semble t'il unanime. D'autant qu'il est impossible de ne pas relever la qualité du travail accompli ("travail" étant...

Par

le 9 mai 2024

7 j'aime

Tu ne mentiras point
HAL1
8

Bouche cousue

Le verbe devait tuer le cinéma. Prophétie. C'était il y a près d'un siècle. De fait, bien tardivement, le monstre Netflix aura imposé comme standard le débit à verbe. De l'Auteur on est passé à...

Par

le 1 mai 2025

5 j'aime

2

L’Aventura
HAL1
4

Y's'passe tout.

Alors non Sophie, là il ne se passe rien. Autant Voyage en Italie captait quelque chose, de ces divagations infimes, une matière sensible venait à précipiter. Autant là, on traine. On traine son...

Par

le 3 juil. 2025

4 j'aime

1