Tulpan réussit quelque chose d'absolument fabuleux, c'est-à-dire à montrer à la fois le quotidien des bergers des steppes kazakhes, les difficultés relationnelles entre les générations, l'attrait des jeunes pour la ville, mais surtout ne nous faire sentir ce que c'est que d'être un berger, de nous faire sentir l'exploit d'avoir sa brebis qui met bas.


Et ça c'est prodigieux.


Le dispositif, durant tout le film, est très simple, c'est du plan séquence (assez longues d'ailleurs), où il ne se passe pas forcément grand chose, avec pas beaucoup de personnages différents, et on les montre vivre. On les montre travailler. Et, encore une fois, j'adore voir des gens travailler, sans doute car je suis un fumiste, mais voir quelqu'un créer quelque chose de ses mains, quelqu'un d'intentionné, qui ferait tout pour son troupeau, qui s’inquiète. C'est tellement rare, c'est tellement premier degré dans un monde plein de cynisme, que ça a une beauté toute particulière.


Et puis on a la trame du film, qui lui donne son nom. Le Jeune Asa qui veut trouver une femme, en la personne de Tulpan. Chose géniale, je crois que je n'ai jamais vu ça, un film qui porte le nom d'un personnage qu'on ne voit pas et qui s'en fout totalement du héros. Parce que c'est fabuleux, le gars est amoureux, il la trouve belle, il a un projet de vie pour eux deux, mais elle refuse même de le considérer et ceci de manière absolue. C'est pas juste il ne lui plaît pas trop, mais elle peut quand même raconter ses déboires amoureux pendant qu'il sert de faire valoir, non, rien, nada.


Pour le coup c'est vraiment original.


Après on a, comme je l'ai dit, une histoire de tension générationnelle, entre le choix de la ville ou de la campagne et même si c'est très bien filmé, on a une scène de dispute assez géniale, mais dont l'issue est un peu écrite. Disons que j'ai déjà vu ce genre de conflits. Et la séquence se poursuit, on a Asa qui part et qui voit une brebis sur le point de mettre bas. Mon dieu, l'intensité de la scène. Parce que, encore une fois, c'est du plan séquence. La caméra passe du visage de la brebis, au visage d'Asa qui ne sait pas quoi faire, qui tire, qui ne sait pas où mettre ses mains, c'est long. C'est réellement essoufflant et fort.


Lorsque la scène se termine enfin, j'ai senti, tout comme Asa, le sentiment tu travail accompli, de fierté.Et ça c'est fou. Je m'étais totalement identifié à ce type qui ne sait pas comment faire et qui va tenter d'aider à la mise à bas, que j'étais fier moi-même, comme si c'était moi qui l'avais fait.


C'est vraiment un film qui un bel impact sur son spectateur... parce qu'il prend le temps, qu'il sait comment faire pour justement utiliser le temps imparti pour en faire quelque chose de puissant. Je pense à une scène où une jeune fille chante a cappella des chants kazakhes à s'en rompre la voix, pendant que la soeur fait des boules de je sais pas quoi à manger. C'est magnifique, on est immergé dans un monde.


Et bordel, malgré la dureté de la vie, ça donne envie.

Moizi
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le 24 mai 2016

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Moizi

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