Un ami viendra ce soir est certes un film de propagande, un film tourné juste après la guerre, exaltant cette fameuse France qui aurait été toute résistante. On déplorera les scènes nombreuses où les soldats allemands ne s'expriment qu'en éructant, même si on appréciera sans doute la première, où l'insupportable logorrhée d'un officier allemand a lieu sous un portrait de Pétain surplombant les mots de Travail, famille, patrie. Un rapide résumé de la France de Vichy. On aurait certes aimé que tout le film ait cette acuité.
Malgré tout, ce film de Raymond Bernard, s'il n'est pas son meilleur, ne manque pas de qualités. On peut reprocher, par exemple, j'imagine, le montage du début, un peu étrange, seulement les scènes dans cet asile sont parfois très réussies, à l'image de Daniel Gélin peignant les sons qu'un autre joue sur le piano. Ou la discussion entre Michel Simon interprétant les réponses faites sur le même piano. S'instaurait une atmosphère poétique qui, opposée aux hurlements des soldats, donnait l'impression d'une enclave en-dehors du monde.
Le film évolue vite, et on se rend compte que certains dans cet asile ne sont pas fous du tout, mais sont des résistants qui se cachent. Le film devient alors une espèce de partie de cluedo, où les allemands tentent de démasquer le commandant Gérard (au passage le casting sens critique spoile allègrement qui est ce fameux commandant!), un chef des résistants dont les messages à ses troupes partent de l'asile. A partir de là un suspens efficace se met en place.
La résolution en revanche n'est pas tellement réussie : on se demande par exemple pourquoi, si les résistants pouvaient balayer aussi aisément les troupes allemandes, ils ont tant attendu pour le faire. Ou pourquoi le plan diabolique du méchant n'a pas été plus tôt désamorcé, tellement il était idiot. Il fallait à Raymond Bernard de l'épique, du sentiment, et montrer comment la France s'est débarrassée héroïquement du joug allemand, seule. Bon d'accord, il y a quand même un anglais impliqué, n'exagérons pas, peut-être avons-nous été un peu aidés.
Pas de finesse dans ce film donc, mais il n'est tout de même pas si mauvais qu'on a voulu le dire!