Ce polar reste assez méconnu et semble presque oublié, sans doute à cause des remous qu'il provoqua à sa sortie ; en effet, ce fut le premier film de Boisset qui eut des ennuis à sa sortie à cause de certaines réflexions concernant la police, l'affaire alla jusqu'au ministre de l'époque qui fit retarder la sortie, on était en période de vacances, le dossier traina pour au final en arriver à n'amputer le film que de 4 secondes (2 phrases de dialogue dérangeantes pour les flics). Aujourd'hui, je ne sais pas si on pourrait connaitre à nouveau ce genre de problème, notre société a certes évoluée mais on ne peut plus rien dire sans être lapidé sur les réseaux sociaux et tomber sous le coup d'une loi.
Malgré ça, le film reste une charge assez virulente contre le système policier, la hiérarchie passive, l'autojustice, l'abus de pouvoir. Après avoir réalisé Coplan sauve sa peau, une série B sympa, et Cran d'arrêt, un petit polar franco-italien tourné à Rome, Boisset enclenchait sa machine de polémique sur des faits de société, imposant son style à l'arrache, et dans ses films suivants, il sera d'ailleurs plus incisif.
Ce qui est intéressant avec ce film, c'est qu'il lorgne pas mal vers les polars américains de la même époque qui commençaient à critiquer un système défaillant et rongé par la corruption. Il y a aussi du Melville dans Un condé, et quand on sait que Melville qui était la référence du polar français possédant une inspiration très américaine, on voit la filiation de Boisset qui en fin connaisseur du cinéma américain, réussit un polar US imbriqué dans une réalité française de cette période charnière aux Etats-Unis (fin des années 60-début des 70) comme en France, car chez nous aussi, ça changeait dans le polar qui devenait plus violent et plus réaliste. Même les polars de Belmondo qui suivront deviendront plus violents, avec en plus l'humour.
Ici, pas d'humour, c'est avant tout une dénonciation rugueuse avec un flic glacial, méthodique et déterminé, qui accomplit une vengeance froide et sauvage. Michel Bouquet, alors habitué aux rôles de cocus chez Chabrol, réussit une composition remarquable dans ce rôle, bien entouré par un excellent Michel Constantin, Rufus, Bernard Fresson et Françoise Fabian (pour faire joli, rôle un peu passif).
On peut rapprocher aussi les polars anglais de la même période du film de Boisset, je pense notamment à la Loi du milieu en 1971, où Michael Caine accomplissait aussi une vengeance brute et n'était mu que par cette pulsion. On voit donc que Boisset passe à la vitesse supérieure avec ce polar très efficace où son propos est bien asséné sans trop peser sur l'action.

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le 17 févr. 2020

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