Bertrand Tavernier est vraiment un réalisateur à part. De "Que la fête commence" à "Quay d'Orsay", de "L'horloger de Saint-Paul " à "Capitaine Conan", on passe par "L627" et par "Un dimanche à la campagne". Et en plus de tout ça, il est aussi un grand amateur de westerns. C'est aussi un réalisateur qui s'affiche en faux face à la nouvelle vague. Bref quelqu'un de très estimable.


"Un dimanche à la campagne" est une pause esthétique qui raconte la visite à leur vieux père, un dimanche, de ses deux enfants.
C'est un film dont je serais tenté de dire qu'il ne s'y passe rien d'extraordinaire sinon que le cinéaste s'est complu à recréer une atmosphère poétique et intimiste, par une chaude journée printanière, autour de plusieurs personnages quasi ordinaires dans lesquels les spectateurs pourraient facilement se reconnaître. C'est bien le diable si le spectateur n'est pas foutu de se dire : "tiens, untel me fait penser à la cousine trucmuche"


Au début, au matin du dimanche, tout est beau et parfait. M Ladmiral (Louis Ducreux) s'apprête avec sa fidèle servante (Monique Chaumette !) à accueillir sa famille qui vient de Paris. Puis peu à peu, le tableau se complète avec la famille heureuse de cette journée d'évasion à la campagne. Puis, peu à peu, comme le ferait un peintre pour donner de la vie à ses personnages du tableau, apparaissent les paroles convenues, les microfissures, les non-dits, les arrière-pensées.
Par exemple, la position de la belle-fille Marie-Thérèse qui donne l'impression de se sentir chez elle mais qui ne l'est pas vraiment, d'autant plus qu'elle a imposé un changement de prénom à son mari de Gonzague en Gérard (Jean-Pierre Aumont), créant une fausse situation que déplore en secret M. Ladmiral.
Car nous sommes au royaume de la bonne éducation, des bonnes convenances qui font que tout se passe très bien même quand la fille de M. Ladmiral (Sabine Azéma) arrive au volant de sa voiture comme un typhon au milieu d'un havre de paix. Et pourtant on comprend très vite que M. Ladmiral a une légère préférence pour sa fille, plus intempestive, plus secrète, plus authentique surtout. Son fils est plus respectueux et plus présent mais finalement tellement convenu et passablement ennuyeux.


Mais l'intérêt de ce film ne me semble pas être dans la description par le menu de la famille et de leur comportement somme toute banal et sans grand intérêt.
Tavernier a réussi à faire un film romantique à travers le personnage de M. Ladmiral qui a pleinement conscience d'être au crépuscule de sa vie et dont le regard s'attarde avec nostalgie sur les tableaux accrochés au mur qui mettent en scène son épouse décédée quelques années auparavant dans des portraits en pied mais à travers des scènes plus signifiantes, plus intimes. De la même façon, lorsqu'il se promène au bras de sa fille ou de son fils dans le parc, bien au delà des paroles convenues et lambdaesques, on sent très bien que son regard ne fait que revivre des scènes passées mais toujours vivaces dans sa mémoire.
Au retour de la gare, après le départ de ses enfants, il se réfugie dans son atelier qui est finalement le monde où sa femme est toujours vivante, par exemple sur le canapé qu'il s'acharne à peindre avec la mantille qui traine et la mandoline posée là, comme par hasard...


"Un dimanche à la campagne" est un film que ma femme adore absolument et auquel elle mettrait 10 sans hésiter.
Personnellement, j'aime beaucoup l'esthétique du film et l'espèce de nostalgie "positive" dégagée par le souvenir de l'épouse de M. Ladmiral qui n'est pourtant que sous-entendu et à peine évoqué mais tellement présent. Mais, j'avoue que les personnages de la famille, finalement si ordinaires et en creux, si vains, ainsi que ce bonheur un peu factice, convenu et tranquille, m'agacent. Je ne mettrai que 8 ...

JeanG55
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le 28 déc. 2021

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JeanG55

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