Un Monde plus grand navigue entre deux rives qui sont autant d’écueils pour lui : le drame psychologique d’une part, le feel good movie d’autre part. Et si son louvoiement ne l’empêche pas d’accoster sur l’une ou l’autre par facilité, nous retiendrons davantage la beauté de ce parcours initiatique au terme duquel une femme aura su faire son deuil tout en contribuant au progrès des sciences neurologiques.


Ce que représente Corinne, au-delà de sa trajectoire strictement individuelle, c’est la détresse de l’homme occidental qui ne croit plus en rien, qui dégrade les cultes étrangers en pratiques occultes et malfaisantes similaires à l’emprise sectaire. La croyance est ici taxée de folie : elle marginalise, on l’examine par laser ou transmetteurs posés sur le crâne telles des sondes que l’on aurait plongées dans un au-delà incertain et seulement connu par ses fréquences sonores. Aussi le travail de Corinne confère-t-il au long métrage une porte d’entrée passionnante dans le chamanisme : en prenant le son, elle accède aux rythmes de l’âme de la communauté des Tsaatans qu’elle confronte aux vibrations de son cœur blessé ; en résulte un apprentissage pas seulement culturel, mais aussi et surtout spirituel, sensible parce que mobilisant et perfectionnant les sens.


Néanmoins, Un Monde plus grand ne réussit pas à nous faire ressentir cet élargissement promis par son titre et réduit ici au statut de thématique : les séquences de transe fonctionnent grâce à une imagerie qui travaille accélérations et ralentis au service d’un montage épileptique, mais l’éveil spirituel est constamment coupé par des ellipses dommageables. À peine arriver, on repart ; à peine reparti, on revient ; à peine revenu… Tout va trop vite, tout est expédié sans que l’amour infini ne nous monte dans l’âme, si bien que les étapes initiatiques paraissent souvent grossières ou frôlant la caricature. Il aurait fallu ralentir la machine et dépouiller le récit d’intrigues secondaires qui absorbent et annulent l’énergie créée par le village mongol. Demeure un film sensible et pourvu de réussites locales qui justifient, à elles seules, son visionnage. D’autant que Cécile de France est ici parfaite. Tout comme la partition composée par Valentin Hadjadj, sous influence Max Richter.

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le 25 avr. 2020

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