Les années se suivent et ne se ressemblent pas concernant notre appréciation du palmarès du Festival de Cannes. Si les gagnants du cru 2024 nous avaient enchantés, de la claque « The Substance » au clivant et audacieux « Emilia Perez » en passant par la Palme d’or « Anora » et le magistral « Les graines du figuier sauvage » (dont nous reparlerons après), celui de cette année ne nous a guère convaincu. On était déjà passé à côté du Grand Prix du Jury « Valeur sentimentale » qu’on avait trouvé ennuyant et prétentieux et ce n’est pas cette Palme d’or iranienne plus politique qu’artistique qui va nous réconcilier avec les choix du jury présidé par Juliette Binoche.
On comprend les jurés sur le fait que l’auteur ne lâche rien pour pouvoir tourner ses films de manière clandestine et continuer son art rempli d’un discours pamphlétaire et éminemment critique sur le régime iranien mais cela n’en fait pas forcément un chef-d’œuvre et donc une Palme d’or. Ses emprisonnements ou les interdictions multiples dont il est victime ont probablement influer dans le choix du jury Si l’on tient compte de cela, un prix était en effet mérité mais certainement pas la récompense suprême. Surtout quand, l’année précédente, une œuvre du même acabit bien plus ambitieuse, maîtrisée et réussie, le fameux « Les graines du figuier sauvage » de Mohammad Rasoulof ne repartait qu’avec un Prix spécial du Jury. L’inverse eut été, selon cette page, plus logique mais les voies des jurys sont impénétrables.
Pourtant, « Un simple accident » commence très bien. Il part d’un postulat d’une efficacité indéniable. Après un petit accident de la route, une famille s’arrête à un garage où le tenant des lieux croit reconnaître son ancien bourreau travaillant pour le régime. Il va le suivre, le kidnapper et tenter de savoir si c’est bien lui avec l’aide d’autres de ses victimes. Le premier quart d’heure captive et le film laisse des pistes fortes aussi bien sur le versant du suspense à savoir si cet homme enlevé est bien l’ancien tortionnaire mais aussi morales et éthiques sur la vengeance et le cycle de la violence. Bien sûr, la critique des mollahs et d’un pays qui se radicalise et emprisonne ses opposants (comme le cinéaste) est bien là, larvée et sous-jacente. Mais on a vu des œuvres plus frontales sur le sujet et surtout plus abouties.
L’une des choses que l’on peut pointer du doigt - et probablement peu aidée par un tournage sauvage et dans l’urgence qui a dû laisser beaucoup de place à l’improvisation et peu aux secondes chances - est sans conteste l’interprétation. Cette troupe d’acteurs oscille entre un jeu correct et un jeu en surchauffe ou à côté de la plaque. Forcément, dans ces conditions, cela nous sort du film. Ensuite, et c’est peut-être le pire, la seconde partie part dans des développements au mieux incohérents (cette tournée de la ville en van presque drôle) voire improbables (toute la partie à l’hôpital ne fait pas vraiment de sens). Enfin, les échanges entre les personnages finissent par être redondants et faire autant de surplace que ce van qui tourne en rond sur la question du châtiment à proférer. C’est verbeux et leurs chicanes incessantes finissent par fatiguer autant qu’elles sont stériles et répétitives.
Au final, « Un simple accident » n’est pas un mauvais film mais il pêche sur de nombreux aspects et n’a clairement pas la carrure qu’on veut bien lui octroyer. La toute dernière partie rattrape quelque peu le morceau avec un double final épuisant émotionnellement mais cathartique et une dernière image où Panahi montre enfin véritablement la puissance de sa mise en scène. Le plan final est effectivement implacable de maestria. Mais cela ne suffit pas à faire de ce long-métrage iranien un grand film ou même un bon film. Juste une œuvre politique et nécessaire dont la fabrication est peut-être plus intéressante que le résultat lui-même.
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