C'est un film qui a fait, fait ou fera sauter bien des boutons de braguette. Mais rassurez-vous : même si vous êtes une fille, la prestation de Scarlett devrait également vous émoustiller comme il se doit. C'est la magie Johansson, ce corps qui explose de sensualité, ce dos parfaitement cambré, ce postérieur rebondi, ces courbes idéalement réparties : une chair pulpeuse qui donnerait des palpitations à un iceberg.


Je commence par là et pourtant ce film est bien plus que ça. Ce n'est pas tous les jours en effet qu'on assiste à la naissance d'un nouveau genre cinématographique. Jonathan Glazer l'a fait, digérant patiemment l'héritage de ses aînés et de ses pairs pour donner à voir une oeuvre pleinement singulière, cocktail explosif de science-fiction, de thriller, de drame et de fantastique, préparé avec une maestria époustouflante.


On retrouve (évidemment) du Lynch de Lost Highway dans ces plans nocturnes, la route de nuit, la vitesse, dans gestion de la lumière, dans l'opacité du propos et des symboles, dans la musique, aussi; on retrouve du Trier de Melancholia et d'Antichrist dans l'esthétique contemplative, le sous-texte apocalyptique, déshumanisé, et dans la présence de la forêt qui n'est autre que l'endroit où l'on se perd mais où l'on se trouve, aussi. On retrouve du Jarmusch de Only lovers left alive dans ce parti-pris nocturne, dans ces images hypnotiques, dans ces sonorités dissonantes. On retrouve enfin du Malick du Nouveau Monde, dans le traitement de la nature, la photographie bucolique, ces plans d'arbres et de vent passant entre les feuilles, mais aussi dans les réflexions métaphysiques qu'il soulève immanquablement.


Qu'est-ce donc qu'être humain, semble-t-on nous demander ? Et qu'est-ce donc qu'être un monstre, un alien ? La peau, somme toute une vague enveloppe, ne suffit pas à nous ranger dans telle ou telle catégorie : l'Elephant Man croisé par Scarlett recèle davantage d'humanité qu'elle, à cet instant précis. Serait-ce donc notre sensibilité sincère à l'autre, l'empathie qui nous porte à protéger, les authentiques caresses que l'on prodigue pour chercher l'apaisement ? Dans la maîtrise de notre sexualité qui se doit d'être ce moment d'amour sensible et non une dévoration de l'autre, une façon de le dominer, de l’annihiler ?


On notera que le moment qui fait basculer le psychisme du personnage, la mure soudain dans le silence et l'hébétement, c'est celui où elle croise son reflet dans le miroir. Comme si elle comprenait soudain la dichotomie entre son image et son intériorité - encore une qui joue un rôle, encore une méta-réflexion sur le cinéma, les apparences, le costume et le masque.


Le film de Jonathan Glazer nous montre aussi qu'il est inutile de déployer des trésors d'horreur et d'hémoglobine pour choquer : placez simplement un bébé abandonné, hurlant sur une plage déserte; une femme passant à ses côtés, insensible à sa détresse, et vous obtiendrez une scène qui a bouleversé la mère que je suis et qui me hantera sans doute longtemps....


La mise en scène m'a fascinée par sa poésie, sa noirceur, par son absolue modernité, par son côté répétitif (le road-trip dans le camion), mais aussi par la variété des décors naturels dans lesquels elle fait évoluer son personnage et qui sont autant de souffles dans un scénario très anxiogène.


L'histoire peut aussi être interprétée comme une sombre bal(l)ade érotique, une métaphore vengeresse de la prostitution et un apprentissage de la sexualité, enrobés dans une bande-son obsédante, sourde et menaçante du meilleur effet. Scarlett Johansson est tout bonnement incroyable dans ce rôle - dont l'impassibilité m'a rappelé sa direction dans le très détesté Lucy - réussissant à passer une multitude d'émotions dans un simple regard ou une attitude. Cette actrice est capable de tout grâce à son jeu hypnotique, habité, pleinement inspiré. The Body, avec un supplément d'âme.


Under the skin est une oeuvre profondément dérangeante, malsaine, d'une violence radicale, mais aussi diablement sensuelle, étonnamment émouvante : une gifle esthétique, sensorielle et dramatique que je ne suis pas près d'oublier.

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le 29 avr. 2016

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