Une affaire d'État par ElliottSyndrome

Comme souvent, dans le cinéma français, quand on n'a pas beaucoup de moyens, on a des acteurs.
Une affaire D’État, c'est avant tout une régalade de casting. André Dussolier en homme de l'ombre manipulateur et sans scrupule, Rachida Brakni en fliquette obstinée, Thierry Frémont dont la vraie gueule de cinoche est taillée pour son rôle de barbouze bas du front, Christine Boisson d'une élégance follement perverse, Gérald Laroche et sa tronche (encore) de flic à la fois désabusé et pro... Ca tricote sévère, bien servi par des dialogues percutants et un montage rythmé qui embarque le spectateur dans une histoire pourtant bien compliquée - normal, on parle d'une affaire D’État.

En adaptant un polar de Dominique Manotti, grande plume du polar social et politique français, Eric Valette s'attaque à un genre difficile, qui ne captive pas toujours les spectateurs français - ah bah c'est sûr, faut s'accrocher un minimum, c'est pas Les Tuches, hein. Pourtant, plonger dans les méandres puants de la politique, d'autant plus nauséabonds que les racines de cette sombre histoire trempent dans des vieux restes de soupe Françafrique, cela peut donner une expérience intéressante.

Encore faut-il aller jusqu'au bout du projet. Si le début du film laisse espérer le meilleur de ce point de vue, le scénario bascule assez vite du côté du film à suspense mâtiné d'action, où l'on se demande si les salauds vont (encore) l'emporter ou non. Les préoccupations initiales, le fond du sujet s'évaporent quelque peu, et c'est dommage.

Reste cependant un très bon film de genre, maîtrisé, bien filmé, bien dirigé, suffisamment convaincant pour en oublier les limites et passer un bon moment de cinoche, loin d'être ridicule (rien à voir par exemple avec le pensum d'un autre Eric, Rochant pour ne pas le nommer, l'hyper décevant Möbius). Preuve supplémentaire que les Français, quand ils se frottent au cinéma de genre, n'ont pas de complexe à avoir. Depuis ce film, la réussite des séries Le Bureau des Légendes ou Baron Noir, pour n'en citer que deux, en a largement fait la démonstration.