Paul Thomas Anderson est unique en son genre dans sa manière de réaliser des films. Il l’est également en réalisant des films à plus gros budgets avec lesquels il souhaite toucher une plus grande audience. Dès les premières minutes, cette ambition se ressent dans la forme. Le rythme est effréné au point de devenir asphyxiant. Ça ne s’arrête littéralement jamais, au point où les 30 premières minutes ressemblent davantage à un long trailer qu’à une mise en place. Tout s’enchaîne trop vite et ce qui devrait être le socle émotionnel devient un simple résumé. On a l’impression que le film ne démarre jamais vraiment, en ne laissant jamais à ce qui se passe à l’écran le temps de s’installer. On ne respire plus. Il y a comme une confusion entre action et énergie. Peut-être que PTA, conscient de viser un public plus large, a peur d’ennuyer son spectateur. Or sa force a toujours résidé dans le "calme".
Au-delà de cette frénésie formelle, le film nous présente une Amérique divisée, dans la lignée d’Eddington, mais avec une toute autre radicalité. Nous avons un groupe de révolutionnaires épuisés, désabusés, à bout de souffle et sentant que leur mouvement touche à sa fin, face à des suprémacistes blancs dont la puissance et l’influence ne cessent de croître. Comme toujours chez PTA, les personnages portent cette ambiguïté fondamentale à la fois insaisissable et loufoque. Mais celui qui a le plus retenu l’attention est celui de Benicio. Ses scènes dominent le film, comme s’il était le seul personnage qui parvenait à échapper à cette cadence imposée. Peut-être parce qu’il est le seul à encore suivre son rythme et à mener une révolution sous une autre forme. Il vit en protégeant et cachant une communauté hispanique isolée. Une révolution discrète, en groupe. C’est dans cette mosaïque de personnages que certaines relations auraient mérité plus de lumière. Notamment celle entre Lockjaw et Perfidia. Il y avait là quelque chose de puissamment dérangeant : un mélange d’attirance et de haine raciale. Le désir qui contredit la logique des camps. PTA reste vague sur ce sujet. Mais cette partie du film est passée beaucoup trop vite. Nous passerons outre le mystère et la révélation concernant le père de Willa. On sait directement qui est son père. Si on nous montre une scène de sexe, puis juste après cette femme enceinte, nul doute. Peut-être était-ce la volonté de PTA ? La dernière partie du film, plus viscérale, retrouve la grandeur du cinéaste. Nous omettrons également le sacrifice surprise d’Avanti pour sauver la fille. Voyons ça comme une forme de soutien. Pour finir sur la course-poursuite finale, elle est géniale, organique. On reconnaît un homme à la sonorité de sa voiture, c’est beau. Jusqu’à la conclusion de la course-poursuite, PTA regorge d’idées, et c’est assez (très) impressionnant.
Malgré tout, on espère que pour son prochain film, Anderson retrouvera un cinéma plus personnel.