Après Greta Gerwig, Olivia Wilde ou Zoë Kravitz, c’est au tour de Anna Kendrick de passer derrière la caméra sur un scénario inscrit dans la mouvance #MeToo tout en lorgnant du côté du genre bien en vogue du true crime. L’exercice s’avère imparfait, mais plutôt encourageant. Par l’adaptation libre d’une histoire vraie, celle d’un serial killer méconnu et pourtant bourreau de travail au vu de son body count présumé, l’actrice devenue réalisatrice nous propose de conjuguer deux récits, quitte à se planter sur quelques terminaisons.
Le premier est celui de Sheryl Bradshaw, femme aux aspirations hollywoodienne parmi tant d’autres qui passe de désillusions en désillusions avant d’atterrir sur le plateau d’une émission télé au concept d’un autre temps faisant de la femme un objet à gagner. L’occasion de dresser le portrait d’une époque et de ses conceptions sur les genres qui n’a pas besoin d’être caricaturé pour jurer avec nos valeurs contemporaines, et dont on comprend aisément les manquements pour la gente féminine : sois belle et tais-toi. L’occasion également de rencontrer le tueur, Rodney Alcala, parmi les candidats. Un homme au charisme certain qui prend le concept au pied de la lettre en faisant taire définitivement ses nombreuses victimes, et qui mettra en tension le destin de Sheryl une fois l’émission terminée.
Le second récit, plus éclaté dans sa temporalité, et s’intercalant par segments dans le morceau principal qui suit le plateau télé, nous fait vivre les derniers instants desdites victimes. Sans jamais pousser le vice jusqu’au surplein démonstratif, en cachant toujours ce qu’il faut et en donnant suffisamment d’espace à chacune des femmes montrées pour exister, Kendrick n’en rend la nonchalance séductrice et assurée d’Alcala que plus glaçante. Les saynètes à l’échéance fatale connue sont difficiles à regarder, et le constat final est affligeant. Car Alcala n’était pas un génie du mal, pas un tueur au Zodiac couvrant ses traces et jouant sciemment avec les forces de l’ordre. Il a pu sévir grâce au peu de sérieux accordé aux signalements et plaintes de femmes que l’on a pas écouté.
Le parallèle au récent mouvement de libération de la parole féminine est évident, un peu trop gros même, mais n’en reste pas moins pertinent. Et si l’on aurait sans doute aimé plus de liant entre les deux fils narratifs, une exergue moindre sur le caractère misogynie du show télévisé (la réelle émission est disponible sur YouTube et était suffisamment parlante en elle-même pour qu’il n’y ait pas besoin d’en rajouter sur les répliques de Sheryl dans le film), on ne peut que saluer un coup d’essai qui à l’ambition narrative associe une rigueur formelle adaptée au sujet.