Plus de vingt ans après La Ligne Rouge, Terrence Malick s'intéresse de nouveau à la seconde guerre mondiale, sous une autre facette cette fois. En effet, il nous dépeint l'histoire vraie de Franz Jägerstätter, béatifié par Benoît XVI en 2007.
C'est certainement dans le film historique que le cinéaste est le meilleur, car cela le contraint à garder un pied dans la réalité et à ne pas partir dans l’abstraction pure. C'est d'autant plus vrai ici, que le film se base sur un personnage ayant réellement existé. Cela n’empêche pas Terence Malick de faire partager sa vision du monde et sa philosophie, le message n'en est que plus fort.
On ressent une volonté chez le réalisateur de faire un parallèle entre la Passion de Jésus et le martyre de Franz Jägerstätter. C'est d'ailleurs significatif quand le restaurateur de l'église s'interroge sur les gens qui viennent prier Jésus : "Ils s'imaginent que si ils vivaient à l'époque du Christ, ils n'auraient pas agi comme les autres l'on fait". Et alors, combien aurait crié avec la foule ? C'est un thème universel, transposable à toutes les époques car vivre des événements est différent de les juger avec du recul.
En allant au bout de ses convictions, Franz va jusqu'à se mettre sa communauté à dos et jeter l'opprobre sur sa famille. Il passe pour un lâche qui ne veut pas protéger les siens. C'est d'ailleurs une question légitime, que l'évolution de sa condition et son refus du compromis écartera sans ambage. Le cinéaste parvient à faire ressentir la solitude du personnage enfermé avec ses choix, jusqu'à se demander si cela est guidé par de l'orgueil ou du sens moral. 
Hormis Bruno Ganz dans un second rôle néanmoins marquant, les acteurs ne sont pas forcément des vedettes internationales. Ceci est presque un atout pour le film car cette absence de notoriété profite au fait que c'est la vie de gens ruraux ordinaires qui est dépeinte. Les acteurs ne sont pour autant dénués de talent. August Diehl est mémorable et habité ; son idéalisme, sa foi et son courage force le respect. Dans le rôle de Fani Jägerstätter, Valerie Pachner délivre une prestation de premier ordre car son rôle est plus complexe que celui du mari qui sait où il va et sans détour. Fani est coincée entre sa communauté et l'amour pour son mari. Elle veut rester fidèle à ses positions, tout en essayant de préserver l'avenir de leur famille. À ce titre, elle serait prête au compromis. Elle n'est pas vénérée comme martyre mais le réalisateur représente bien ce qu'a dû endurer cette femme, entre la perte d'un côté et les brimades de l'autre. Cela aurait mérité un peu plus de reconnaissance pour l'actrice.
Dans des seconds rôles, on reconnaît également des acteurs connus via la série autrichienne Rex, comme Tobias Moretti et Karl Markovics.
Pour ce qui est de la mise en scène, c'est vraiment somptueux avec la mise en valeur des Alpes autrichiennes. On retrouve un peu le Terrence Malick de La Ligne Rouge, où le cinéaste alterne les plans entre les hommes et la nature, soit entre ce qui est en mouvement constant (et en conflit) et ce qui est immuable. Au-delà des paysages, où chaque plan semble avoir été longuement étudié, les scènes intimistes sont également remarquables et d'une précision impressionnante. Apparemment, le cinéaste, ce serait inspiré de la peinture de genre, notamment Vermeer, et on veut bien le croire. La représentation du quotidien de cette paysannerie est à la fois réaliste et d'une grande beauté plastique. Il y a un grand souci du détail du fauchage au labourage ; mais également pour les scènes d'intérieur. Dans les scènes d’extérieur, le dynamisme de la caméra donne l'impression de danser et parfois de se coucher dans l'herbe avec les personnages. 
Terence Malick parvient une nouvelle fois à relier le fond et la forme avec une grande maestria. On devine qu'un travail considérable a été effectué en amont. Il parvient à maintenir l’intérêt du spectateur sur près de trois heures, ce qui n'est pas aisé pour un film linéaire où il n'y a pas de rebondissement. Il manque peut-être parfois de moments d'incertitude pour rajouter un peu de tension. Néanmoins, le final est réellement poignant et angoissant. Le metteur en scène nous plonge en immersion avec Franz, si bien qu'on est embarqué avec lui vers son funeste sort.
8.5/10