Je ne suis pas très coutumier et encore moins amateur du cinéma de Catherine Breillat dont je n'avais du voir qu'un seul film qui m'avais d'ailleurs passablement emmerder avant de me lancer dans Une Vraie Jeune Fille son premier long métrage de 1976. C'est en voyant le film chroniqué dans le quatrième tome de la très bonne série de bouquins Le Cinéma Français c'Est de la Merde que j'ai eu envie de donner une chance au long métrage pour son aura sulfureuse, sa singularité et le côté expérimentale de cette œuvre de jeunesse qui restera perdue plus de vingt ans après la faillite de son producteur et une étiquette de film pornographique pas totalement méritée.


La Vraie Jeune Fille du film c'est Alice , une jeune fille censée être interne dans un collège (la comédienne a 21 ans au moment du tournage) et qui revient chez ses parents le temps des grandes vacances. Loin de tout, détestant les gens et s'ennuyant ferme dans cette campagne paumée Alice va se perdre dans les fantasmes de sa sexualité naissante en désirant plus que tout un des employés de la scierie de son père.


Une Vraie Jeune Fille est un film étrange déjà dans sa forme puisque le film totalement tourné muet ne sera que post synchronisé deux ans plus tard avec un certain décalage parfois excessif et un peu ringard. Le film qui a pourtant la patte et la prétention d'une œuvre d'auteur sera également assimilé à un film bassement pornographique comme il en sortait encore au cinéma dans les années 70. Pour ce premier long métrage, Catherine Breillat film de manière frontale, abrupt , presque fiévreuse pour un résultat qui oscille entre le naturalisme du documentaire, la ringardise pédante et quelques vrais moments de cinéma perdu dans un no man's land dans lequel on pourrait déceler des influences passées et à venir. Une Vraie Jeune Fille ressemble parfois à du David Hamilton détournée par la crudité de Gainsbourg et le film par sa forme brut et un peu sale fait parfois penser aux premiers films de Gaspar Noé et Lucille Hadzihalilovic. Une Vraie Jeune Fille est loin d'être toujours formellement très plaisant à regarder, la réalisatrice doublant son propos déjà parfois malaisant à une réalisation bien sèche faites de naturalisme un peu crasse. Bien loin de l'imagerie idyllique très retour à la nature des vacances à la campagne, Catherine Breillat plonge sa jeune fille dans un univers morne de plages et de campagnes jonchés de détritus et de carcasses de chiens morts et la coince dans d'interminables silences oppressants entre un père obèse, adultère et tripoteur et une mère excessive et perdue.


Durant 90 minutes Catherine Breillat va donc explorer les désirs nouveaux et les fantasmes d'une jeune fille perdue dans des abîmes d'ennui existentiel. Le film ne va alors cesser de jouer sur cette ambiguïté d'un corps à la fois source de désirs, de plaisirs et de dégouts Catherine Breillat jouant parfois avec complaisance sur ce tout ce qui sort du corps et sur ce qui peut y rentrer. L'étalage est parfois un peu ragoutant à voir tout comme d'en faire l'inventaire écrit mais la jeune fille du film joue avec sa cyprine, son pipi, la sève des arbres et même sa cire d'oreille tout en décidant d'entamer son journal intime une fois recouverte de vomi. Si tout ce qui sort ne vous a pas encore dégouté il reste ce qui rentre et le film de Breillat nous montre cette jeune fille jouant avec une cuillère, se sodomisant avec une bouteille de vinaigre, attachée avec des fils barbelés alors qu'un amant tente de lui enfoncer un ver de terre dans le vagin ou marchant à quatre pattes avec des plumes de poulet dans le cul (??). Ce rapport au corps, aux fluides, aux textures poisseuse la réalisatrice le prolonge dans d'autres réjouissances comme le sang et les entrailles d'un poulet, de la cire chaude de bougie ou du sperme étalé .... Dans ce fracas entre provocations et fantasmes se dessine peut être la difficulté du rapport au sexe entre le plaisir et l'aspect plus organique et ragoutant de la chose. Catherine Breillat flirte avec la morale et les tabous confrontant cette jeune fille à un pervers exhibitionniste qui cache son sexe dans une valise trouée, des désirs et pulsions d'inceste, des explorations charnelles kamikazes et un désir de romance plus glamour avec une sorte de caricature de beau gosse en marcel et jean moule bite même si le bellâtre conduit une ridicule petite voiture rose qui ferait honte à Barbie elle même. Difficile toutefois de s'y retrouver et de vraiment adhérer à cet étalage parfois un peu complaisant dont le sordide est renforcée par ce grain si particulier des films brut de décoffrage des années 70. Je ne sais vraiment pas quoi penser du film entre fascination un peu voyeuriste et aversion, entre la satisfaction de l'expérimentation et l'ennui profond de la prétention auteurisante de sa réalisatrice. Je retiendrai surtout la performance, la candeur et la force de la comédienne britannique Charlotte alexandra dans un rôle vraiment difficile et la participation de Shirley Stoler (Les tueurs de la Lune de Miel) dans un tout petit rôle d'épicière.


Une Vraie Jeune Fille reste une vraie expérience pour sa radicalité, pour ses aspects franchement provocateurs et même pour sa forme parfois un peu ringarde; mais ça reste un film que je n'ai pas du tout envie de revoir. De tout les épanchements visqueux et gluants que le film nous donne à voir c'est sans doute la sève de la prétention de Catherine Breillat qui reste la plus désagréable à subir.

freddyK
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le 24 janv. 2021

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