Alan Moore est un génie complexe et anarchiste, déviant et provoquant. Que reste-il de son chef d’œuvre dans V pour Vendetta ? Peu de chose. James McTeigue est un honnête tâcheron, Natalie Portman est évanescente, Hugo Weaving joue masqué, les seconds rôles sont mal écrits. Du naufrage, seul surnage l’inspecteur Finch (Stephen Rea).


Moore s’était donné beaucoup de mal pour crédibiliser sa dictature anglaise. Les 3/4 de la planète ont été vitrifiés, seule l’Angleterre a survécu. Après une période de violents troubles, l’hyper chancelier Sutler impose une tyrannie puritaine et policière. Les déviants, politiques et sexuels, sont éliminés, l’ordre règne. Louis XIV et Napoléon, Lénine et Mao, Franco et Hitler, chacun à sa manière, ont profité d’une guerre civile pour imposer un ordre nouveau : effaré, le peuple sacrifie sa liberté pour la paix. Soudain, un homme esseulé et ténébreux défie le système et annonce sa chute. À la terreur policière « ordonnée », il oppose une terreur anarchiste « désordonnée ». Il tue pour convaincre. Il tue pour susciter le chaos et saper la seule légitimité du pouvoir, l’ordre.


Le film se veut un blockbuster, les Wachowski ont donc été contraints de simplifier et de manichéiser à outrance leur scénario. À l’image du comte de Monte-Cristo, V a ourdi, 20 années durant, sa vindicte personnelle. Mais, le nouveau V est désormais un « gentil », un surhomme romantique et humaniste qui aime la culture, les roses rouges et badine avec sa belle. Il se vengera, certes, mais cet altruiste luttera pour une révolution de type « orange ». Il se sacrifiera pour rétablir une démocratie libérale, Georges Soros n’est pas loin.


Les barons de Sutler étaient complexes. S’ils étaient pervers, jouisseurs ou richissimes, rien n’interdisait de penser qu’ils croyaient à leur mission, aux bienfaits de l’ordre. Les Wachowski en ont fait des « méchants », lâches et abjects. Alan Moore est inadaptable par Hollywood.

Step de Boisse

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