Huit ans, c'est un délai raisonnable pour juger une œuvre décorrélée de ses ambitions stratosphériques, de la persona de son réalisateur et des retours pour le moins contrastés au moment de sa sortie. Huit ans plus tard donc, je me décide à poser les yeux sur ce Valerian, pensé pour être l'équivalent du Star Wars hexagonal (mais avec des stars internationales). Et d'ailleurs, Luc Besson ne s'est pas privé de marteler combien George Lucas avait tout piqué à la bande dessinée de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières pour accoucher de Star Wars. En réalité, le cinéaste américain a surtout déroulé une mosaïque d'influences allant de Valerian à J.R.R Tolkien, en passant par Joseph Campbell, Akira Kurosawa ou Frank Herbert. La stratégie est simple : vous avez aimé la saga spatiale de Lucas, alors venez découvrir son modèle. Et en plus, les moyens sont là (197 millions de dollars, maintes fois mis en avant durant la promo). Puis comme l'a démontré la décennie chez Besson (Angel-A, Adèle Blanc-Sec, Malavita ou Lucy), quand la qualité est au rendez-vous ce serait dommage de s'en priver.
L'énorme budget se voit à l'écran. Pour ainsi dire, il barbouille pratiquement chaque photogramme, entre les VFX, les guests stars et caméos en cascade. Il y a une générosité indéniable chez Valerian, qui cumule les propositions d'univers et péripéties en tous sens. Oui, il y a de quoi faire avec un tel matériau. Et malgré la masse de travail qu'a représenté sa transposition au cinéma, force est de constater que les effets spéciaux sont solides (à part quelques incrustations moches). C'est déjà pas mal, pourrait-on dire. Malheureusement, ça ne pèse pas bien lourd face au rouleau compresseur Besson. La direction artistique est un bordel informe. On multiplie les styles à chaque vignette, tant et si bien que l'univers ne propose aucune cohésion d'ensemble. Le Cinquième Élément optait également pour une esthétique baroque, mais pas à un degré aussi frénétique que Valerian.Se dégage l'impression d'un grand huit dont on ne connait ni le plan ni les règles. Une chose mise en évidence lors d'une séquence de poursuite dans les entrailles d'Alpha (la station-planète) où on change sans arrêt d'environnement. Ça devrait être cool, mais c'est simplement vain. De la poudre aux yeux, qu'on aurait aisément pu avaler si le film était correctement écrit...
Malgré le budget, malgré les multiples argentiers, malgré le cahier des charges et en dépit de la pression, l'écriture de Besson est toujours aussi problématique. Si le film a le mérite de na pas être ennuyeux, il est pourtant extrêmement pénible à suivre. L'écriture est un nouvel exemple de dégringolade autant sur l'intrigue que les protagonistes ou même l'humour (pas un seul gag ne marche). Comme le fil rouge est famélique en plus d'être ultra-convenu, il faut délayer donc Besson enchaine les MacGuffin pour temporiser et les deus ex machina pour s'en sortir. Et quand on revient enfin sur les rails de l'histoire principale, c'est pour nous faire de l'exposition à vingt minutes de la fin. Sachant qu'on a déjà compris de quoi il est question depuis deux heures, à l'inverse de nos deux héros. D'ailleurs, parlons-en de ces nouvelles figures avortées du space-opera (qui s'en remettra très bien).
Le plus gros défi pour le spectateur, ce sera de s'attacher à de pareilles têtes-à-claques. Conçus comme des archétypes, Valerian et Laureline deviennent des caricatures gonflantes au bout de cinq minutes...Et il en reste encore cent vingt ! Sacrée épreuve, surtout que Besson ne va pas du tout les faire évoluer d'un pouce. Laureline demeure la seconde-en-chef piquante mais tellement amoureuse de son gougnafier de supérieur (le rôle-titre). Et ce dernier est sans conteste le plus insupportable de tous. Arrogant, queutard, fier de lui et lourd comme pas permis. Comme il reste le même d'un bout à l'autre et qu'il arrive à ses fins (il réussit sa mission et serre la nénette), il est permis de penser que Besson se projette un peu chez lui. Et que dire de leur incarnation ? Cara Delevingne n'est pas une actrice, elle le prouve une fois de plus. Le constat est moins gratiné que pour le pitoyable Suicide Squad mais on reste sur un niveau assez bas. Quant à Dane DeHaan, il joue la partition sans trop de bémols, mais avec un personnage aussi imbuvable et défaillant, comment l'apprécier ? Impossible.
Et dernièrement, comment accorder la moindre crédibilité à ces adolescents graciles face à n'importe quelle menace ou supérieur hiérarchique ? Il y a un fossé entre l'aura de ces deux serpillières et le charisme d'un Clive Owen ou le professionnalisme de Sam Spruell. Et je n'ai pas parlé de Rihanna, dont la présence tient avant tout du calcul opportuniste soyons sérieux. Eh bien la chanteuse ne joue pas. Elle ne sait pas (vous avez vu Battleship ?) donc elle s'en fiche. Ses quelques minutes d'apparition sont affreusement embarrassantes, mais confirment que le projet partait décidément trop en vrille pour mettre dans le mille. Comme de juste, Valerian s'est sévèrement crashé au BO, anéantissant tout espoir de franchise (on a eu chaud). Pour ma part, je l'ai rattrapé pour pas mourir idiot. Le problème, c'est qu'une fois affranchi, je me suis senti encore plus con.