On peut voir en Valeur Sentimentale un miroir à Julie (en 12 chapitres), le film précédent de Joachim trier. Dans celui-ci, Trier ne se concentrait que sur un seul personnage, dont la vie était contée à travers une succession de récits et de périodes. Il en résultait un sentiment de manque, comme si Trier n’avait fait qu’effleurer son propos. L’indécision de son personnage avait rendu le film indécis lui-même. A l’inverse, Valeur Sentimentale présente le point de vue de multiples personnages unis par le lien familial. Cette histoire commune permet cette fois-ci une direction précise. Les questions existentialistes sont toujours présentes, mais ici la quête du soi ne réside pas tant dans le quoi (ce que l’on cherche) mais le comment.
Dans Valeur Sentimentale, il est alors question de trouver comment se réconcilier avec un passé douloureux marqué par la tragédie. Ici Nora et Agnès voient leur père Gustave, longtemps absent, revenir dans leur vie. Cinéaste qui n’a pas tourné depuis une décennie, il souhaite faire un film sur l’histoire familiale et le destin de sa propre mère. C’est Nora, sa fille, qu’il veut dans le premier rôle, et la maison de famille comme lieu principal du film.
La maison est alors au centre du récit, lieu encré dans le réel, à la fois témoin et source des malheurs familiaux, mais aussi lieu de fiction qui permet leur évocation et leur réinterprétation.
En effet, le long-métrage superpose et mélange le vrai à l’imaginaire. Une scène se révèle tantôt être un extrait de film, ou bien une séquence d’une pièce de théâtre, quand la caméra recule et révèle le public.
La demeure confère un ton fabuleux, proche du conte, où se succèdent les événements, et où seule celle-ci reste inchangée, spectatrice du temps passé. Le reste du film, bien plus moderne et réaliste, se conjugue parfaitement avec cette ambiance et lui donne sa poésie particulière.
On est ainsi saisi par les moments flottants du film, où une scène du quotidien laisse place à des images pleines d’envoûtement. Les sourires complices de Nora et son père fumant une cigarette, ou encore l’étreinte entre les deux sœurs, scène d’où est tirée l’affiche du film.
Trier réussit un drame existentialiste qui interroge tour à tour le souvenir, la famille, l’art, et où la réconciliation est à trouver dans la puissance cathartique de la fiction.