Venom ou le syndrome des gentils vilains

Au départ, une bonne idée : adapter sur le grand un des méchants les plus charismatiques et badass de l’univers Marvel, Venom, qui avait eu le droit à une apparition furtive dans le troisième opus de Spider-Man de la trilogie de Sam Raimi, l’épisode le plus décrié de la saga.


L’occasion était belle de laver l’affront pour le symbiote noir. Incarné par l’excellent Tom Hardy (Mad Max Furry Road, The Dark Knight Rises, The Revenant) et réalisé par Ruben Fleischer (Bienvenue à Zombieland), le projet semblait entre de bonnes mains et, sans attendre un chef d’oeuvre, on pouvait espérer un divertissement sympathique et original, le MCU s’attardant pour la première fois sur un super-vilain.



Un faisceau de lumière avant le black-out



Et honnêtement, le premier tiers du film est tout a fait correct, sans être brillant. Mais il fait le job en plaçant les bases, tant au niveau des enjeux que des personnages. Eddie Brock n’est pas tout à fais la même personnalité que son alter ego des comics (on y reviendra plus tard) mais son portait est bien brossé. L’intrigue et classique mais intrigante.


Seulement, la deuxième partie du film est ratée, incohérente et fait voler en éclats les fondations bâties auparavant. Le volte-face de Venom (le symbiote) est totalement incompréhensible.


Trahi par Brock -une trahison qui aurait pu lui coûter la vie- sa seule réaction logique serait de se venger de son ancien hôte. Et non pas de collaborer avec lui pour… sauver l’humanité !


On a tout simplement l’impression qu’il manque des scènes pour qu’il y ait des raisons à ce revirement soudain - si tant est que celui-ci soit possible -.


L’autre grand écueil dans lequel tombe l’adaptation de Venom, c’est la façon dont il piétine le personnage des comics et son histoire. Soyons clair : on a le droit de prendre des libertés, surtout avec un univers aussi riche et contradictoire que celui de Marvel. Mais, faisons simple : le symbiote est maléfique et ça, ça ne peut pas changer, pas aussi rapidement en tout cas.


Deuxième chose, sans être un mauvais bougre, Eddie Brock est loin d’être l’enfant de coeur pour lequel il passe dans la totalité du film. Une de ses répliques prête d’ailleurs à sourire : « J’en ai marre d’aider mon prochain. » Ça n’a jamais été la vocation première de Brock, journaliste mensonger dans les comics. A la rigueur, changer un peu la personnalité de Brock n’est pas non plus dramatique et peut se défendre. Seulement, il aurait été tellement plus simple et intéressant de conserver un individu plus nuancé, plus gris, alors pourquoi s’en priver ?



Le symbiote bisounours



En tant que film, Venom n’est pas bon. En tant qu’adaptation non plus. Disons que les changements apportés par rapport aux comics sont acceptables dans la mesure où ils offrent des résultats concrets et apportent un plus au personnage. Ce n’est pas le cas. Pire l’anti-héros est simplifié, perd toute sa complexité et se transforme en bisounours à l’apparence repoussante, mais que l’on se surprend à aimer.


Venom passe même pour un médiateur dans la relation amoureuse de Brock, sacrilège ! La dernière partie du film, où Eddie Brock tente de faire comprendre à son symbiote la différence entre les « gentils » et les « méchants » (oui c’est ultra manichéen, mais c’est Marvel) est totalement navrante.


Alors oui Venom arrache des têtes -celles des méchants hein-, mais ça ne suffit pas.


Un précédent aurait néanmoins pu (dû ?) nous mettre la puce à l’oreille quant à cette incapacité de bien traiter une méchant des comics. Il y a deux ans, Suicide Squad, dézingué à juste titre par la critique, avait lui aussi mis en scène des super-vilains, de l’univers DC cette fois-ci (Le Joker, Harley Quinn ou encore Killer Croc pour ne citer qu’eux), et s’était lamentablement planté. Déjà, les bad boys/girls s’étaient transformés en une bande de joyeux lurons qui sauvent l’humanité. Mais ça, ce n’est pas l’essence des super-vilains. S’ils existent, c’est pour leurs affrontements avec les super-héros, leur némésis. C’est l’un des grands enseignements des comics. En faisant d’eux des convertis à l’héroïsme, le cinéma américain va droit dans le mur.

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le 14 oct. 2018

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