Ô frustration, Ô déception de ne pas apprécier autant qu’il le faudrait cette œuvre considérée comme un classique du septième art… J’aurai bien voulu pourtant.


En regardant un peu les critiques parues sur le site, j’en ressors encore plus mitigée qu’après le visionnage du film, en particulier pour les critiques négatives qui ne se focalisent que sur l’aspect ennuyeux du film et occultent d’autres bémols que j’ai pour ma part relevés, ou au contraire refusent de prendre en compte ses aspects positifs et singuliers.


Forte de ce constat et le film encore bien en tête, j’attrape mon cœur et décide d’écrire une critique résumant mon ressenti quitte à être mise au ban de la communauté de SC.


Une longueur rébarbative voire inutile


Tout d’abord, le film est incroyablement long et lent pour son propos et aurai largement gagné à être écourté en supprimant des scènes superflues. Le problème de la durée du film ne saurait expliquer ce problème, puisque j’ai déjà regardé des films de 3h qui m’ont captivée de bout en bout et durant lesquels je n’ai pas regardé une seule fois l’heure tant j’étais happée par l’œuvre. Non, le problème réside dans la fâcheuse tendance de Michael Cimino de se laisser filmer et d’étirer jusqu’à l’usure des scènes comme la scène du mariage, ou encore de filmer les moindres détails, fussent-ils insignifiants, des tranches de vie des protagonistes (dans la 1ère partie) puis dans les errances d’un De Niro maladroit de retour au pays (dans la 3e partie). Pourtant j’ai vraiment aimé L’année du dragon ce qui me rend encore plus perplexe.


J’ai vraiment du mal à comprendre en quoi il était nécessaire de filmer une première partie trop longue pour ce qu'elle apporte (éléments de développement pour les personnages, avancée de l'intrigue ou atmosphère capturée).
Si les journées précédant et succédant le mariage permettent d’en savoir plus sur personnages (ex : la relation entre Linda et son père, la personnalité de Mike monomaniaque et tiraillée entre individualisme et loyauté, la fragilité de Steven, l’impulsivité de Stan) et d’amener des moments d’émotions et de grâce, la scène du mariage gaspille la puissance de cette première partie. Elle est beaucoup trop longue pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une séquence narrative qui sert à contraster tragiquement avec le reste du film et à symboliser le luxe de l’insouciance, perdu à jamais.


La 3e partie est elle aussi très longue et lente et aurait aussi gagné à être éditée, à mon sens. Cependant, c’est en elle que réside tout l’intérêt du film dont le parti pris louable est de montrer la vie ordinaire de petites gens ordinaires après la guerre.


Le développement inégal des personnages


Le développement des personnages, vanté comme étant une qualité inextricable du film, m’a pourtant paru insuffisant quelques fois. En particulier pour la bande de potes, donc les liens paraissent fragiles et dont certains membres font quasiment de la figuration. Le cœur du groupe est exploré de façon plus approfondie du moins jusqu’à la 3e partie, même si on a du mal à saisir la profondeur du lien qui unie ces trois personnages, surtout Mike vis-à-vis de Steven et Nick (problème crucial pour le reste du film dont la puissance émotionnelle est plus ou moins fondée sur cette relation).


La 2e partie, en dépit de sa durée trop courte cette fois-ci, suffit à expliciter les changements de personnalité qui opèrent chez les personnages, notamment chez Steven. Celui-ci bascule dans la folie en raison, on le devine, de sa fragilité et Mike devient la pierre angulaire du trio, celui qui essaie de souder le groupe et qui du début à la fin, échouera dans sa mission malgré une force psychologique admirable. Nick lui-aussi, voit sa raison basculer de manière moins évidente et peut-être plus tragique, comme dans la scène où il n’arrive plus à se souvenir de la date d’anniversaire de ses parents (ceci dit je n’ai jamais été fichue de la retenir en 23 ans d’existence…)


Là où le bât blesse donc, c’est au niveau de la 3e partie qui est focalisée sur le personnage de Mike autour duquel gravite les spectres lointée de Steven et Nick, étiolant davantage les liens fragiles entre eux et de ce fait, rendant les scènes de retrouvailles plus « choquantes » (à cause de l’état de détérioration des personnages) qu’émouvantes.


Malgré l’interprétation parfaite de De Niro, le film prend des allures quasiment documentaires pour filmer les moments de son quotidien avec son lot de scènes peu utiles où le personnage de Mike donne l’impression de faire du sur place. Les amourettes mortes nées avec Linda sont également peu intéressantes, malgré encore une fois une Meryl Streep attachante et lumineuse.


La métaphore de la roulette russe, un symbole pertinent mais sur-utilisé


Enfin, dernier point faible selon moi : la métaphore de la roulette russe est une bonne idée donnant lieu à des scènes d’une belle intensité. Elle représente la banalisation de la mort dans un contexte absurde de guerre, guerre que l’on pourrait comparer à une arène ou un spectacle morbide. Cependant, cette symbolique devient lourdingue dès la seconde où l’on comprend que le très soudain retour à Saigon dans la dernière partie n’a pour unique but que d’amener une scène de roulette russe qui paraît quelque peu sensationnaliste dans son aspect grandiloquent et de par la conclusion extrême qu’elle amène sur un personnage exploré dans sa majorité, superficiellement, et perdu de vu depuis une bonne heure et demi : Nick (d’où l’effet impressionnant je suppose). Si l’atmosphère de la scène, extrêmement malsaine, animale et fiévreuse, ainsi que son caractère tragique dû au jeu exceptionnel des deux acteurs sont marquants, j’ai trouvé cette dernière partie un peu faiblarde quant au développement du personnage de Nick, et maladroite narrativement et symboliquement (à l’instar de la scène du chant patriotique de fin, censé être elle aussi un symbole cynique…).


Bref, vous l’aurez compris, ce classique n’a pas réussi à me convaincre. Je mets tout de même la note de 6 pour le jeu irréprochable des acteurs, quelques scènes mémorables et un parti pris louable de la part de Cimino.

Silencio
6
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le 5 janv. 2018

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