Warcraft, projet mainte fois malmené (sortie repoussée, abandon de Sam Raimi), devait être la première adaptation de jeu-vidéo susceptible de sortir le « genre » du marasme d'accidents industriels inhérent à cette industrie lucrative. Hélas, Duncan Jones n'arrive pas à reproduire sur ce nouveau média ce qui faisait l'essence même de la licence.
La particularité de la saga Warcraft, c'est d'avoir propulsé à l'échelle planétaire le genre de l'héroïc-fantasy en jeu vidéo (après Tolkien en livre et Warhammer en jeu de plateau). De ce genre, les auteurs de Blizzard en ont tiré les codes pour les intégrer directement à un gameplay novateur et ont ainsi permis de faire rentrer les orcs dans la culture populaire. Les créatures sont devenu des unités, les races sont devenu des antagonistes.
C'est à partir du troisième épisode que le style Blizzard s'est démarqué. Sur un ton parfois léger, des références amusantes et des graphismes cartoonesques, Blizzard a développé la mythologie enveloppant Warcraft pour servir de terreaux à une intrigue riche en rebondissement. Or, là où le jeu permettait de faire s'affronter de nombreuses unités hautes en couleurs, le film se contente de figurer une douzaine de pauvre fantassins affrontant des centaines de Grunts. Les spectateurs devront se contenter de cinq ou six nains et deux ou trois minutes d'elfes. Pas un seul troll, pas un seul ogre.
Le problème évident de Warcraft, c'est le décalage de qualité entre le soin apporté à l'univers des orcs, et le ridicule de celui des humains. Stormwind ne retrouve jamais ses décors grandiloquants. Le pire étant les armures qui n'arrivent même pas à être aussi crédibles que des cosplays vues en conventions, pour preuve l'armure Toys R Us du roi Llane. Même le traitement intéressants de la magie ne rattrape pas la production design catastrophique.
Une fois de plus, le blockbuster Hollywoodien succombe au sirènes du fan service. Au lieu de poser les bases d'un univers (certes titanesque), Warcraft préfère présenter anarchiquement une galerie de héros, plantés dans l'intrigue plus pour tenter de faire plaisir aux fans que pour appuyer la narration.
Et une fois de plus, l'orgie de références maladroites et de clins d'oeils appuyés (Durotan disant à Orgrim, face à un camp orc vu de haut « ça ne te rappelle rien ? ») prend le pas sur une intrigue brouillonne, catapultant les points de vus aux enjeux narratifs pas toujours clairs. Preuve en est l’ascension fulgurante du personnage de Garona, passée de prisonnière orque à alliée indéfectible des humains (en trois dialogue évidemment), pour faire avancer l'intrigue. Les faux raccords et la géographie de l'action illisible n'arrangeant rien, certains personnages sont obligés de se téléporter pour faciliter l'intrigue. L'histoire se retrouve parsemée de références christiques (Durotan en martyr, son fils abandonné flottant dans une rivière dans panier en osier), pour essayer d'y implanter vainement de l'émotion.
En fin de compte, le plus décevant, c'est de constater qu'en deux heures de films, Duncan Jones n'arrive pas à mettre autant de puissance évocatrice que pouvait produire Nick Carpenter, le réalisateur des cinématiques de Blizzard, en trois minutes d'animation. Sans dialogues. Que de la mise en scène.