L'élégance sordide

Plutôt très sympathique ce petit film.
Je ne savais absolument rien de l'histoire avant de me lancer, j'avais juste vu l'affiche et l'avais trouvé suffisamment graphique et intéressante pour catapulter le film dans la liste de mes "envies" cinématographiques, où il est resté pas mal de temps sur la touche.
Hier, je me suis enfin laissée tenter par cet énigmatique métrage et comme je ne savais pas du tout à quoi j'avais affaire, j'ai été vraiment surprise et très agréablement en plus.
Déjà le film est beau, visuellement parlant. La photo et les plans sont sobres et esthétiques, la mise en scène est élégante, tout ce que j'aime. Les deux jeunes actrices principales sont très charismatiques et dégagent un mélange de pureté et de froideur assez inquiétant.
L'ambiance sonore est également réussie et participe au climat oppressant qui s'instaure tandis qu'on découvre le rituel des Parker. De même, la bande-originale est bien choisie (comme dans la séquence du dernier repas familial, avant l'arrivée du docteur) et très en accord avec l'atmosphère générale, un peu rétro et mélancolique.
Puis l'histoire en elle-même m'a vraiment captivé puisque comme je le disais, j'ai découvert le film au fur et à mesure, sans aucun indice de départ.

L'impact psychologique est fort puisqu'on n'est pas dans une représentation traditionnelle de la famille de tueurs psychopathes et pervers. Ici il est question de religion, d'une croyance familiale entretenue et perpétuée depuis des générations, et enseignée aux jeunes comme une besogne difficile mais nécessaire pour préserver la famille de l'étrange maladie qui guette chacun de ses membres.
Reclus, les Parker n'ont jamais remis cette croyance en question et exécutent leur cérémonial de manière consciencieuse et respectueuse, on comprend bien que les deux jeunes filles, malgré leur désaccord avec le principe du rituel et le dégoût qu'il leur inspire, n'ont aucunement les moyens de se rebeller contre l'autorité rigide et la foi indestructible de leur père.
Hormis quelques scènes pas vraiment indispensables (les dialogues entre le doc et le shérif, le doc et l'adjoint du shérif, un peu tout ce qui concerne le doc en fait, bien que ce soit lui qui lève le voile sur la "maladiction" dont souffrent les Parker, mais j'y arrive...) et quelques facilités scénaristiques (...oui je disais, trop fort le doc, avec un bout d'os tout poli par l'érosion et un vieux bouquin de sa mini bibliothèque il boucle une enquête criminelle en deux deux lui!!), je dois donc dire que j'ai été convaincue par l'ensemble.
C'est un bon thriller à la fois classe et angoissant, un peu mystique, délicieusement anachronique et dont le message n'est pas dénué de sens par les temps qui courent, alors que les fanatiques de tous poils tentent de faire régner la terreur un peu partout sur le globe.
Pour ma part, j'ai ressenti beaucoup de pitié et de tristesse pour ces pauvres bougres enfermés dans leur épouvantable bulle, en particulier pour les trois mômes, les deux ados qui se questionnent et souffrent de leur "différence" ou le petit garçon, qui n'a plus l'affection maternelle pour combler les peurs que génère inconsciemment en lui cette tradition familiale, dont il ne comprend pourtant pas encore grand chose.
On devine qu'au fond d'eux, comme leurs parents avant eux, ils savent que ce qu'ils font est immoral mais le doute a été semé dans leur esprit et leur instinct de survie les amène donc inévitablement à reproduire aveuglément le schéma que suivaient scrupuleusement leurs ainés, en se cachant du reste du monde comme s'ils craignaient justement qu'une autre "vérité" puisse venir ébranler les certitudes sur lesquelles reposent toute leur existence.
C'est le serpent qui se mord la queue, le cycle infernal d'une tradition familiale bien ancrée qui n'est en réalité qu'une aberration, un long et perpétuel suicide collectif.
En fait les Parker sont un peu comme des héros mythologiques déchus, condamnés à subir éternellement et répétitivement le même châtiment, quelque part au fin fond des Enfers, où la Lumière ne vient jamais.