Pour Hagen, comme pour le spectateur, l'abandon est terrible, dramatique. Entre deux rubans d'asphalte surpeuplés de chevaux de métal, sous un pont près d'une gare, il renifle la solitude puis la mort de l'un de ses semblables. Le ville ne lui est pas totalement étrangère, mais elle le rejette aveuglément, comme tous les autres de sa (non) race.


Et la traque s'organise, le racisme ordinaire se fait encore plus prégnant. Hagen court à perdre haleine pour lui échapper. Provisoirement. Sa jeune maîtresse est en errance, comme lui, dans une certaine symétrie de plans, tout d'abord sous le ciel gris noyé de larmes, tandis que les bas fonds avalent et digèrent lentement son compagnon. Maltraité, piqué, roué de coups.


La pauvreté diurne des bas quartiers rouillés laisse la place, la nuit, à la souffrance et au sang des combats clandestins baignés d'une lumière orangée qui réclame qu'on lui offre des cadavres, comme l'arène et les spectateurs. Hagen renifle encore une fois la mort d'un de ses semblables, comme s'il comprenait qu'il était définitivement parti.


Le chien et la jeune fille dérivent, s'enfoncent. Et la fourrière s'annonce comme l'ultime terminus d'un parcours chaotique. Tom y joue du piano à la télé, comme si la musique, tout comme celle que joue sa maîtresse, apaisait les moeurs. Tandis qu'elle semble faire son deuil d'une relation au départ fusionnelle, lui ne fait que se défendre et montre les dents, défiguré par ce qu'il a vécu. Il lève une armée, comme l'avait fait César avant lui, prenant une revanche sur la ville et les hommes qui les ont rejetés et fait du mal.


La rage les habite et la réalité crue semble se muer en fable d'anticipation, voisinant le temps d'une séquence à vélo avec le 28 Jours Plus Tard de Danny Boyle. Tandis que la nuit est propice à la vengeance de l'animal sur l'inhumain, puis à un assaut déchirant et désespéré. La folie des hommes se retourne contre eux. En représailles, des coups de fusils.


White God est certes très classique, piquant ça et là certaines attitudes de son héros à la robe feu. Mais la métaphore qu'il file résonne d'une drôle de manière, longtemps désespérée quant au regard qu'il pose sur son monde, duquel exhale un sentiment de non retour d'une civilisation dont la maladie contamine le meilleur ami de l'homme.


Jusqu'à ce dernier plan, qui n'est pas sans convoquer, l'espace d'un instant, le conte bien connu d'un certain joueur de flûte, dont la musique fragile apaise. Pour combien de temps. Et qui fait surtout s'interroger sur l'avenir d'une cohabitation qui a tout de l'illusoire.


Sombre monde en perspective.


Behind_the_Mask, demain les chiens.

Behind_the_Mask
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le 16 mai 2017

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