Xenia, la quatrième long-métrage du grec Panos H.Koutras, est né d’un triple désir. En premier, de faire un retour sur les années d’adolescence, celles de la rébellion et de l’intensité, ensuite d’évoquer l’amour qui unit deux frères et enfin de se pencher sur la question des enfants apatrides qui, en Grèce, concerne environ 200 000 mineurs d’origine albanaise qui sont néanmoins considérés comme étrangers bien qu’ils aient vu le jour sur le territoire grec. C’est exactement le cas de Dany, 16 ans, et de son aîné de deux ans Odysseas, qui, à la mort de leur mère, chanteuse albanaise résidant en Crète, partent pour Thessalonique à la recherche d’un père inconnu dont ils espèrent qu’il pourra les aider à obtenir la nationalité grecque.

Le jeune Dany, ouvertement gay, est un sacré tempérament : déluré et culotté, débordant d’énergie, mais aussi fragile, se réfugiant dans l’imaginaire (la compagnie d’un lapin blanc, véritable ou fantasmé) et la consommation frénétique de sucreries. Odysseas qui vit à Athènes est un garçon plus posé mais résolu de la même manière à tout faire pour pouvoir rester en Grèce et ne pas être obligé de repartir pour un pays qu’il n’a pas connu. La chanson est un motif récurrent de Xenia : parce que les deux frères se sont promis de participer à un concours de chant en hommage à leur mère et que le cadet voue un culte immense à l’artiste de variété italienne Patty Pravo. Ce qui fait que dans Xenia, on entend beaucoup de couplets sirupeux et populaires qui accompagnent les tribulations des deux frangins.

Le petit qui ne semble avoir peur de rien ne passe pas inaperçu et s’attire ainsi les ennuis : les partisans des mouvements extrémistes en plein essor n’apprécient guère les étrangers ni les homosexuels. Le rejet que suscite Dany illustre la xénophobie envahissante d’une nation pourtant réputée pour son hospitalité, ce que désigne précisément le terme Xenia ; également le nom d’une chaine d’hôtels de prestige construits à la fin des années 50 par des architectes de renommée tandis que le pays s’ouvrait à l’économie touristique. C’est dans ce type d’établissement, délabré et abandonné, qu’échoueront un temps Dany et Odysseas. Le film mixe allégrement plusieurs genres : la chronique sociale, la comédie musicale et le fantastique dans un ensemble plutôt brouillon et parfois décousu qui souffre de quelques faiblesses scénaristiques. Ces défauts somme toute mineurs sont largement compensés par l’élan et l’énergie qui se dégagent de cette fable moderne, kitsch et tonique. Porté par deux acteurs albanais non-professionnels absolument impeccables, Xenia appartient d’évidence aux ‘feel good movies’ qui attirent immédiatement la sympathie du spectateur. Cette odyssée improbable et mouvementée sait se teinter d’émotion et de profondeur sans jamais trop se prendre au sérieux. Ce n’est pas le moindre de ses charmes.
PatrickBraganti
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le 20 juin 2014

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