Turquie, début des années 1980 : Quelques détenus obtiennent une permission pour retourner dans leurs familles dans un laps de temps assez courts. Mais ce retour à la réalité s’avérera plus compliqué que prévu...


C'est en prison que Yılmaz Güney (condamné pour avoir été mêlé à un meurtre) écrit et réalise Yol, la permission, donnant des directives à son assistant Şerif Gören, avant de s'échapper de prison pour rejoindre la France où il termina le montage. Tout le long de l'oeuvre, il braque sa caméra sur les cinq destins qui vont découvrir la façon dont leurs actes et détentions ont bouleversé le cours de la vie de leurs proches.


Güney arrive à nous intéresser à ses divers destins meurtris, donnant une vraie force et puissance dramatique au récit. On découvre d'abord les personnages avec leurs envies de retrouver leur proche et rattraper le temps perdu puis peu à peu les désillusions en découvrant la dureté et la réalité de la vie dans cette Turquie, à l'image de tout le passage dans le train, où l'intensité dramatique est à son comble. Il nous fait passer par tout un panel d'émotion en retranscrivant très bien celles des protagonistes, que ce soit le courage, les déceptions ou encore la cruauté, et vision, de la vie. Il met en place une atmosphère lourde et pessimiste pour un film regorgeant aussi de quelques beaux moments lyriques, notamment lorsqu'il filme la vie et les paysages turcs. Le montage, alternant entre les différentes histoires, est ingénieux, jamais lourd et sachant s'attarder suffisamment sur chacun des personnages pour en faire ressortir toute l'émotion, la mélancolie ou encore la cruauté et Güney utilise très bien la musique qu'il a à sa disposition.


Mais là où Yol, la permission est vraiment saisissant, c'est dans sa représentation de cette société turque prise sous un régime militaire. La vision de la population est aussi juste que puissante, à l'image des enfants fumant dans l'un des villages. Il retranscrit toute la pauvreté et le retard dans son évolution de ce pays. Mais c'est aussi l'importance de la religion, la place des femmes, le sort des Kurdes, la famille ou encore les mœurs alors en vigueur dans ce pays qu'il aborde avec authenticité et intelligence, faisant réfléchir le spectateur sur plus d'un point et ayant des répercussions sur bon nombre de questions actuelles.


Palme d'or au festival de Cannes 1982, Yol, la permission est un dur et poignant témoignage de la situation en Turquie, réalisé par un metteur en scène emprisonné et mettant en avant des personnages meurtris face à la vie, sa dureté, son absurdité et ses mœurs.

Docteur_Jivago
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le 31 août 2015

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