Ouai !
Je vais sortir une nouvelle critique.
Mais avant, faut qu’on revoie les bases.
Je vais faire une rédaction simple, où je vais dire des trucs simples, parce que vous êtes trop cons !
Simple. Basique.
Facile de cantonner l’artiste caennais à ce genre de punchlines raffinées, tant il a su admirablement évoluer au cours de sa longue carrière — à la fois de rappeur, mais aussi d’acteur , compositeur et scénariste. 
Car aujourd’hui, trêve de musique !
(Même si parler d’un artiste aussi accompli qu’Orelsan ne me dérange absolument pas. Je suis un fanatique)
Mais ici, on parle film.
On parle pellicule.
Alors c’est caméra, pas musique.
Pourtant, Orelsan a toujours eu cette volonté de côtoyer la fiction et la réalité.
Déjà à travers ses clips, souvent réalisés par David Tomaszewski, réalisateur de longue date avec Orelsan.
Celui-ci n’avait pourtant pas été à l’origine du premier long métrage du rappeur caennais : le très réussi Comment c’est loin sorti en 2025.
Petit film indépendant, il détonnait déjà par rapport à la réputation de star nationale qu’est devenue la figure d’Orelsan.
Et il en va de même avec notre film du jour.
Passé le film entre potes branleurs de Caen, nous voilà cette fois dans un pur film d’action fantastique au Japon, peuplé de Yokai — ces monstres/ démons japonais symboles mystiques des peurs enfouies en chacun de nous.
Ainsi, notre protagoniste, à la fois réel et fictif (car le film garde une dimension autobiographique), doit comprendre le mystère qui entoure une maison maudite.
Accompagné de sa copine et d’une armure, Yoroï, qui lui colle littéralement à la peau après qu’il l’ait enfilée — déjà un signe métaphorique de la place de l’image d’un artiste dans sa carrière.
Une proposition de cinéma à la fois loufoque, fun, drôle et particulièrement unique dans le paysage cinématographique français.
Même si, cette fois, le film se déroule dans la campagne japonaise.
Ainsi, cette folle proposition est-elle bien le retour réussi et assumé d’Orelsan — cette fois à l’écriture et non à la réalisation —
ou bien l’essorage d’un concept captivant sur le papier, mais beaucoup trop retenu et timide, à l’image du récent Chien 51 ?
Trêve de suspense : Yoroi est bel et bien la belle surprise de cette fin d’année pour le cinéma français.
Avant de développer, sachez que le film regorge de surprises tout au long de son intrigue, et qu’il plaira énormément à tous les fans du rappeur — votre serviteur compris.
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Ce qui constitue la plus grande force du film, au-delà de son action généreuse et décomplexée, c’est son concept.
Un concept intelligemment construit, poussé suffisamment loin pour qu’on comprenne vite que Yoroi n’est pas seulement un film de monstres ou de fantastique.
Car pour les sceptiques pensant qu’il ne s’agit que d’un pur film d’aventure un peu bébête, détrompez-vous.
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En réalité, le film est une introspection loufoque et jubilatoire dans la psyché d’Orelsan.
Présentée ainsi, l’idée peut paraître égoïste, mais il n’en est rien : c’est justement là toute la subtilité du projet.
Orelsan joue sans cesse sur son image — ses qualités comme ses défauts — tout au long du film.
Et c’est cette utilisation de sa propre image qui permet d’amener la meilleure idée du film, liée à un énorme twist que je ne révélerai pas ici.
Sachez seulement que cette révélation est à la fois ingénieuse, logique et qu’elle donne naissance à une véritable menace dans le récit.
Une menace crédible, tout aussi maligne que le concept même des Yokai.
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Parlons-en justement, de ces Yokai.
Ces démons, symboles des peurs les plus intimes et personnelles dans la culture japonaise, sont ici traités avec une grande justesse.
Ils sont à la fois présents physiquement — grâce à un travail impressionnant sur le maquillage et les effets pratiques — et symboliques.
Voir ce niveau d’effets pratiques en 2025, dans un film français, ça fait franchement plaisir. Bravo les gars ????
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Encore une fois, comme le laissaient présager les bandes-annonces, chaque monstre a un symbolisme propre, directement lié aux démons intérieurs et aux peurs d’Orelsan.
Cela permet de véritablement plonger dans son état mental et d’offrir une sorte de magnum opus introspectif.
Chaque Yokai représente une peur profonde, connectée à des thématiques déjà présentes dans sa musique :
l’alcoolisme, la politique, les relations amoureuses, l’amitié, la famille, le rap game, etc.
Le concept fonctionne donc parfaitement, sans jamais paraître kitsch ou déconnecté de l’univers du rappeur.
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Le travail sur les maquillages et les costumes est remarquable.
L’idée de l’armure, en particulier, est très réussie : on ressent sa puissance et son poids symbolique au début du film — même si cet effet s’estompe un peu après le premier acte.
En revanche, les scènes d’action sont vraiment impressionnantes.
On sent qu’Orelsan a bossé pendant des années sur les mouvements et les techniques de combat.
Et mention spéciale à Clara Choi, véritable révélation, qui devient presque la leadeuse de ce duo fusionnel.
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Une preuve supplémentaire qu’Orelsan et Tomaszewski ont avant tout pensé à l’idée originale avant le concept des monstres.
L’écriture est solide, chaque personnage bien défini, et la musique apporte une vraie présence — même si elle reste un peu frustrante par moments (pour l’instant, car la bande originale semble prometteuse, à l’image de son intro très cool).
Orelsan ne fait pas non plus de son film un exercice d’égo musical : la plupart des morceaux présents sont signés d’artistes avec lesquels il a collaboré.
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Bien sûr, tout n’est pas parfait.
Le rythme est parfois en dents de scie, surtout pendant les trente premières minutes qui mettent un peu de temps à démarrer.
Le film aurait sans doute gagné à être raccourci d’une dizaine de minutes, comme Comment c’est loin qui durait 1h30 pile.
On peut aussi reprocher quelques moments trop verbeux, un peu inutiles, mais rien de désagréable pour autant.
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Côté jeu, Orelsan confirme qu’il reste fidèle à lui-même : un mec un peu goofy, pas parfait, mais toujours honnête.
Une sincérité qu’on ressentait déjà dans Comment c’est loin et qui se confirme ici, dans ce nouveau volet des aventures de Jean Pierre Elkabach et du canard samouraï  …. Heeeu pardon d’Orelsan »… (ceux qui ont la ref comprendront ).
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En définitive, avec Yoroi, Orelsan réussit encore une fois l’exploit de proposer une œuvre singulière.
Un film qui pourra dérouter certains par son point de vue très personnel, mais qui parvient à mélanger un pur film d’action-aventure généreux et bien ficelé, avec une réflexion audacieuse sur l’artiste et ses peurs, à travers les Yokai.
Le résultat ?
Une œuvre généreuse, fun, divertissante, mais aussi profondément mélancolique et touchante, à l’image du rappeur de Caen lui-même.
Sans nul doute, le film français le plus intéressant et intrigant de cette fin d’année 2025.