Young Hearts est un film qui, malgré quelques qualités formelles et un jeu d’acteurs convaincant, échoue à offrir une représentation crédible, nuancée et sociologiquement pertinente de l’amour adolescent gay. Pensé visiblement pour de jeunes préados, il sert une version édulcorée et irréaliste de la découverte de soi, où l’amour est présenté comme une évidence, un passage obligé, et surtout comme un idéal romantique : l’autre devient systématiquement un complément, une moitié parfaite, une rencontre "unique" qu’il faut absolument vivre et préserver. Ce fantasme d’un amour pur, total, fusionnel, presque magique, est non seulement naïf, mais dangereux lorsqu’il est présenté comme modèle à des adolescents en construction, qui finissent par croire que la relation amoureuse est la condition nécessaire au bonheur ou à l’identité. Le film reprend sans aucune distance critique la vieille recette du couple gay déséquilibré : Alexander, ténébreux, beau, confiant, déjà out, prend sous son aile Elias, plus fragile, réservé, qui découvre peu à peu son homosexualité comme on suit une initiation. Ce schéma usé renforce l’idée que l’amour gay passe toujours par l’intervention d’un mentor sauveur et une forme de réciprocité, ce qui invisibilise la diversité des expériences queer. À cela s’ajoute un traitement affligeant des personnages secondaires et du contexte social : le grand-père paysan plein de temps libre et vivant confortablement, les parents sont des caricatures de rôles genrés - la mère douce, cuisinière, couturière et psychologue de service, le père artiste évanescent mais bienveillant, tous deux toujours disponibles, patients, parfaits - et l’environnement est aseptisé, bourgeois, sans aucun problème matériel ou tension réelle.
Même les épisodes de "pseudo-harcèlement" qu’Elias subit sont traités avec une superficialité dérangeante : on dirait que le film les ajoute mécaniquement, comme une case à cocher du cahier des charges du drame ado, sans jamais les explorer ni en mesurer les impacts. Le conflit est rapidement évacué, les blessures effacées, les amis reviennent comme si de rien n’était, et la copine trompée pardonne en un claquement de doigts. Le film ne cherche jamais à creuser, à interroger les normes, à bousculer quoi que ce soit : il propose une vision fantasmée et lisse de l’adolescence queer, où tout finit bien, où les familles acceptent sans heurt, et où la crise identitaire ne dure que quelques semaines et se résout par un coming out applaudi. Une happy end gênante et irréaliste, reflet d’un film qui préfère rassurer plutôt que confronter, et qui, sous couvert de bienveillance, perpétue des clichés et une vision faussement positive de l’amour.
A noter que certaines scènes parviennent à capter avec justesse les élans et les tensions d’un premier amour, ce mélange de trouble, de timidité et de désir qui peut bouleverser un adolescent - et l’esthétique du film, soignée et souvent bucolique, mérite d’être soulignée. Mais ces instants de grâce restent noyés dans un ensemble trop formaté, trop prévisible, trop irréel pour qu’on puisse réellement y croire. 4/10