Your Name.
7.6
Your Name.

Long-métrage d'animation de Makoto Shinkai (2016)

Musique d'ambiance: https://youtu.be/DqNo2CGzEJk


(sérieusement, on dirait que cette chanson a été écrite treize ans en avance pour ce film).


Makoto Shinkai c'est un de ces grands noms de l'animation Japonaise avec Hayao Miyazaki et Mamoru Hosoda. Et même si il dispose d'une notoriété moins conséquente que ces deux derniers, le succès sans précédent de Your Name va probablement changer la donne.
Et pourtant rien ne laissait vraiment présager un tel succès car les films de Makoto Shinkai sont très inégaux.
Dans La Tour au-delà des nuages, il misait beaucoup trop (et c'est un euphémisme) sur la contemplation des paysages au point de totalement survoler les personnages et son intrigue. Mais le problème est que le visuel qu'il fournissait n'était pas extraordinaire et que l'action se passait dans une uchronie où le contexte pourtant primordial ne devait fatalement pas être délaissé, et qu'il rendait en plus inutilement compliqué.
Dans 5 Centimètres par seconde, il y avait une nette amélioration. Cette fois le visuel justifiait l'aspect contemplatif et il se concentrait un peu plus sur ses personnages dans une histoire bien plus simple. Mais les défauts étaient encore là. Les personnages étaient toujours autant simplifiés et le rythme était très inégal (1h de construction de récit très calme pour ensuite expédier la fin en un clip de 3 minutes, grosse erreur).
Je n'ai pas encore vu Voyage vers Agartha ni Garden of the Words mais il semblerait que Shinkai s'améliore de films en films et se cherchait encore. Et pourtant, pour le peu que j'en ai vu, les qualités étaient indéniables: Un visuel magnifique à la fois riche et aérien dans de grands espaces qui donne une sensation de liberté (j'espère que vous aimez les prairies, les nuages, les couchers de soleil et les nuits étoilées, parce que vous ne verrez que ça dans ses films) et le thème de la relation amoureuse ou amicale mis à mal par la distance, les responsabilités ou le temps (ou du moins c'est ce que j'en ai tiré avec les trois films que j'ai vu de lui).


Et quand j'ai vu Your Name pour la dernière séance cinéma de 2016. Je me rends compte que Shinkai sembla avoir atteint la maturité et a trouvé ses marques, car les grosses différences entre chacun de ses films laissaient penser qu'il se cherchait encore un style propre afin de se perfectionner et de pouvoir raconter ce qu'il a en tête correctement. C'est sûrement parce qu'il a essayé cette fois de raconter son histoire avec un standard plus conventionnel qu'il y est enfin arrivé visiblement. Bond en arrière ? Bond en avant ? Je l'ignore mais le résultat est que Your Name est son meilleur film sans aucun doute.


Et les qualités qui en font son meilleur sont bien là. Son visuel est toujours aussi riche et fourni avec des plans de toutes beauté mais cette fois, il a laissé ses délires contemplatifs de côté pour enfin se concentrer pleinement sur son histoire (j'ai l'air méchant dit comme ça mais quand vous le verrez pendant 1 heure en train de filmer des décors avec des voix off, vous comprendrez). Je pourrais citer les gros plans sur la comète (je pensais pas dire ça littéralement un jour) ou


la scène où Taki voit le "fil" de la vie de Mitsuya. Magnifique visuellement et qui démontre encore plus le thème du "lien" indestructible entre le temps et l'espace.


Et les thèmes chers à lui sont présents mais il arrive à doser le tout avec un meilleur équilibre (à l'exception de la gestion du rythme toujours aussi inégal, j'y reviendrai).


Le film raconte l'histoire de Taki et Mitsuya, deux jeunes gens qui se retrouvent inexplicablement à échanger leurs corps. Ce qui donnera lieu à des scènes loufoques mais surtout à des scènes profondes emplie d'émotions.
Et là-dessus, Makoto Shinkai gère le montage du mieux qu'il peut pour ne pas nous perdre


(même si je m'interroge encore sur l'idée de commencer le film avec Taki qui se découvre dans le corps de Mitsuya alors qu'on ne verra pas du tout cette dite journée racontée par ses amis où elle était bizarre. Non pas que l'idée soit mauvaise mais Shinkai ne marque aucune rupture entre la scène où on voit Taki tripoter le corps de Mitsuya et la scène où Mitsuya prends son riz avec sa sœur et sa grand-mère pour nous montrer qu'il ne s'agit pas de la même journée. On dirait presque que le film a sauté une séquence entière)


, et il le fera volontairement à partir du troisième tiers du film.


Le moment où l'on apprend que Mitsuya était décalée de 3 ans dans le passé par rapport à Taki et qu'elle est en réalité...morte. Ce qui donne malheureusement lieu à des incohérences, notamment avec les téléphones. Mais bon on va dire que "c'est magique !" car c'est minime et que ça vaut bien le gros twist à laquelle on assiste qui donne un relief inespéré au film et que ça va totalement dans le sens de Shinkai de raconter une relation à distance à la fois très proche dans l'échange de corps et à la fois très éloignée dans le temps.


Et on verra cette relation entre Taki et Mitsuya se construire avec certes de l'humour mais virera petit à petit à la relation très amicale et amoureuse, sans jamais tomber dans l'excès ou la facilité (et pourtant il y avait de quoi avoir peur avec les scènes de "tripotages", heureusement elles ne sont pas trop envahissantes) en utilisant les différences de culture entre environnement urbain et rural. On voit donc avec plaisir les personnages qui n'ont pourtant pas d'évolution nécessaire dans leur vie apprendre l'un de l'autre et vivre dans la peau de l'autre juste parce qu'ils avaient envie de s'évader un peu (enfin surtout dans le cas de Mitsuya).
On ne pourra pas en dire autant des autres personnages. Si l'entourage de Mitsuya est sympathiques à suivre, son père est un personnage beaucoup trop caricatural et trop survolé pour qu'on puisse comprendre l'ampleur de ses réactions et de sa relation avec ses filles


(il dit sérieusement à sa fille qu'il va la faire interner. Sympa le père).


L'entourage de Taki est par-contre moins travaillé mais dispose d'assez de présence malgré ça.


Et avec tout ça en main. On a droit à une dernière demi-heure vraiment prenante


avec le risque que la comète tuera tout le monde dans le village de Mitsuya et que cette apocalypse est sûr d'arriver. On sent toute l'ampleur que la catastrophe va avoir (car finalement, on la déjà subit quand Taki apprend la vérité) et que Shinkai gère très bien le temps et le montage pour resserrer le sort fatidique qui va se produire.


Mais je ne peux pas en dire autant de réussite pour la fin du film qui accumule à mon grand regret l'éternel problème de Makoto Shinkai à gérer le rythme de ses films. Là le problème n'en est que plus gros dans un film d'1h46 où il avait pourtant tout bien géré avant les dix dernières minutes.


Après que l'on voit la comète réellement s'écraser sur le village, on suit Taki qui est revenu à sa vie quotidienne (sans qu'il ne souvienne clairement de ce qu'il s'est passé, bizarre mais bon). Et là l'ambiance chute d'un seul coup.
On suit Taki se morfondre pendant un long moment avant qu'il ne croise deux fois Mitsuya et qu'il décide enfin de lui adresser la parole.
Le premier problème de cette séquence est qu'elle est inutilement étirée (le même problème que la fin de 5 centimètres par seconde, mais inversé cette fois).
Et le second problème est que Shinkai repompe purement et simplement des scènes de ses précédents films (la scène du gars dépressif dans le train et les deux personnages principaux qui se recroisent par hasard. Bon sang Shinaki nous le fait deux fois ! Pourquoi ?).


Mais ces défauts restent mineurs car ils n'enlèvent aucunement le plaisir de voir Makoto Shinkai s'élever au rang des meilleurs avec ce Your Name qui est son meilleur film à ce jour qui, malgré ses maladresses minimes, démontre une grande envie de se surpasser et de prochains films avenir tout aussi bons et peut-être même des chefs-d’œuvres dignes des meilleurs Ghibli. Son succès est peut-être exagéré mais il reste une oeuvre d'animation à voir si possible.


En attendant, allez voir Your Name si possible. Et d'ici là...Bonne année !

Créée

le 31 déc. 2016

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Housecoat

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