Arrivés en force cette année à Cannes, les Italiens Matteo Garonne, Nanni Moretti et Paolo Sorrentino ont crée l’événement malgré l’absence de prix. L’année Adèle ne lui ayant pas accordé la renommée qu’il méritait, c’est avec un tout autre sujet que Sorrentino s’immisce dans la sélection jusque-là imposante. Plus comique et moins surprenant que les précédents, Youth dresse le tableau spirituel d’états d’âme vieillissante.


L’amitié est une force mais aussi un souvenir et une ambition future. Fred et Mick se souviennent, mais n’ont plus l’énergie pour les découvertes. L’amitié n’est plus un élan mais un poids, une charge qu’il leur faut soulager avant de s’en aller. A l’approche des 80 ans, les deux comparses passent leurs vacances dans un luxueux, mais néanmoins paisible, hôtel aux pieds des Alpes. Fred est chef d’orchestre à la retraite. Mick, réalisateur ambitieux, travaille inlassablement à l’écriture d’un scénario posthume, un dernier aveu sur la vie. Faire face à la vie n’est pas chose aisée, faire face au temps en revanche est une chose bien plus envisageable. C’est dans cette mentalité que s’élancent deux hommes pour qui l’avenir n’est plus qu’une contemplation de l’autre.


Youth s’inscrit dans la lignée de « La Grande Bellezza ». Belles images, musiques splendides et temps qui passe. Un temps que l’on regarde, que l’on pourrait presque attraper tant il nous paraît organique. On laisse sur le bord du chemin la bourgeoisie florissante d’une Rome en perdition pour s’approcher d’un quotidien routinier et définitif. Pendant que Fred s’ennuie, Mick s’active. Mais, alors qu’acceptation et persistance se combattent, se produit une douce inversion des rôles. Fred s’ennuie parce-que c’est ce qu’il a construit toute sa vie tandis que Mick n’a pu briller que dans sa détermination sans limite. L’ennui se transforme inévitablement en peur au regard d’une énergie qui se change terriblement en fatigue. Un constat évident pour une narration calculée, précise et maîtrisée. Parfois plongés dans l’intimité de cette vieillesse par les conversations discrètes des deux octogénaires, parfois lâchés dans un vaste paysage lointain, nous regardons s’égarer nos héros. La peinture qui nous est présentée est un temps qu’on fixe. Deux photos que l’on voit disparaître mais que la vie garde en souvenir. Fred n’est plus un corps mais un élément céleste. Lorsqu’il s’assoit délicatement sur un tronc d’arbre, étend ses deux bras à la grandeur du paysage qu’il surplombe et entame une symphonie avec la nature, le temps ne nous a jamais parut aussi vivant. Fred fait du temps une partition et de la vie une éternité. Mick lui connaît le monde, car dans sa confrontation avec celui-ci est née sa carrière. Mais le monde ne le connaît plus que comme un passé. S’il n’a plus d’avenir dans cette vie là, il s'impose des règles et des obligations pour se sentir encore inspirer l’air du temps.


La suite de la critique sur le site du Cinéma du Ghetto


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Charlouille
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le 20 juin 2015

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Charlouille .

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