Hospice power
De deux choses l’une : celui qui ne connait pas Sorrentino pourra, un temps, être ébloui par sa maîtrise formelle et y voir une voie d’accès à son univers ; celui qui en est familier y trouver une...
le 12 oct. 2015
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8
Tout est beau. La poésie est d’autant plus superficielle, que quand elle est belle à se retourner les mirettes. Elle ne donne que ce qu’elle a. Elle se promène, se met nue, et ne laisse même pas un souvenir. Se contenter de prendre la beauté là où elle est, suffit-t’il à en faire un beau sujet de film ? Pas sûr. Sorrentino filme au présent de l’indicatif, et prend deux vieux croulants, (Keitel, et Caine), et fait de beaux plans le reste du temps qui passe. Le corps-image, l’image-objet.
Le SPA ou la source thermale se transforment en chapelle ardente. Les corps semblent figés dans le bleu IKB, la piscine, c’est beau. Les bains de boue, on dirait de la crème de chocolat. Miam ! C’est beau. Même la scène glauque, qui voit apparaître une gamine, qu’on amène à l’hôtel, comme on amène une vache à l’abattoir, est belle. On ne nous dit rien, mais on comprend tout. Une petite pute amenée aux riches clients de l’hôtel, par sa maman ou sa mère maquerelle. Elle dure un souffle cette scène, mais ça parle ; sauf que rien n’est développé dans ce film. Partie de tennis ballon. Soirée devant la piscine. Puis une apparition surprise de temps en temps. L’apparition de Barbarella, que j’ai reconnue malgré son maquillage. Le passé, donc.
Barbarella, rattrapée par le temps, mais qui ne vieillit pas d’un pouce. Toujours aussi énergique, et maîtresse femme. Ce clin d’œil au cinéma des sixties ne vaut que par la beauté du geste. Encore un clin d’œil. Quand on fabrique un bijou, on ne se pose pas trop de questions philosophiques, n’est-ce pas ? La maîtrise écrase le manque le fond. C’est sans doute pourquoi, on ne retient que les surprises, comme cette apparition au détour d’une table d’un certain Adolf H ( ?) Toujours vivant celui-là ?
Ou l’arrivée en grande pompe de Miss Univers. Miss Univers, ou Dieu, pour nos deux vieux qui sont toujours travaillés par les hormones, et la concupiscence à l'intérieur. Miam ! Miam ! Une plastique parfaite cette Miss Universe. Ce cliché Alzheimer contre bombe sexuelle, on l’attendait celle-là ; c’est un peu téléphoné, mais à force de ne rien développer, le spectateur que je suis s’accroche à ce qu’il peut, aux branches.
Eloge de la lenteur. Luxe, calme, et repos de corps usés. Nous sommes en Suisse, ou le paradis sur terre. Les vaches ne font pas caca, elles font de la musique. Keitel voit des (jeunes) femmes partout, et Rachel Weizsch a des problèmes de couple…Rien de bien méchant.
Sorrentino a décidé de nous faire marcher à coup de clin d’yeux, et de raccords techniquement parfaits. Son dispositif m’a laissé un peu froid, malgré le talent et les qualités esthétiques. Malgré quelques plans euphorisants, j’ai pas beaucoup plané. Et les discours de confort sur la vie, on n’y croit guère. Les fans risquent d’avoir la dent dure. Pas assez de profondeur conceptuelle, ou trop peu divertissant. Je me suis laissé bercer un moment, puis une fois le générique passé, mon cerveau a repris le dessus. Donc ce film est à voir sans a priori autre que le plaisir ; déconnecté, out of time, comme dirait Madonna. Une apparition de Madona, ça aurait été pas mal aussi…à défaut de Madonn'a, on a une star du foot mondial, en cure de désintoxication.
Paul Dano joue un homme mystère, plus intéressant que les deux stars Keitel, et consort, mais il reste à sa place de second rôle, Paul. Keitel joue un cinéaste en manque d’inspiration, mais il n’y a aucun début de réflexion sur la création, c’est trop superficiel pour y croire. Les dialogues se sont de petites confidences entre amis, rien de bien méchant, là non plus. L’ambiance est bon enfant. Tout le contraire de Mort à Venise, même s’il tente de se rattraper sur la fin, en al'antenne à Venise. Là, il n'y aura plus de clins d’yeux…on verra la déchéance en personne! Un peu tard...
Beaucoup de petits rôles tournent, tournent, mais font comme des petits rats de l’opéra, un petit tour et puis s’en vont. La jeune masseuse avec appareil dentaire, qui danse toute seule, devant son écran durant son temps libre. Solitude, jeu vidéo. Et alors ? Serait-t’on tenté de dire. Au lieu de nous bercer d’illusions, Sorrentino aurait du aller au bout de son idée, et faire un documentaire sur Keitel et Caine, deux vieilles stars en cure en Suisse, ça ne va pas plus loin. Pas de réflexion sur la décrépitude, (évitée), ou la mort (à peine effleurée, même si le plan est beau). Pas plus sur le temps, puisque tout est au présent de l’indicatif. Le temps s’est arrêté.
J’ai adoré l’intervention de la féministe libérée sur le retour. Barbarella, une tornade yankee, qui entre dans l’hôtel, avec une grosse paire de couilles, et botte le cul d’Harvey Keitel, et brise tous ses rêves en morceaux. Très hommage au cinéma indépendant américain cette scène. Effet de style qui nous rappelle que Sorrentino est amoureux du cinéma américain, et qu’il sait bien le montrer. Rien que pour ça, je ne mets pas 4.
Créée
le 30 mars 2016
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