De sa main sont nés robes, mousselines, drapés, broderies, alliant élégance et modernité sur les hanches des mannequins les plus affranchis. Par son esprit libre et provocateur, il aura marqué son temps en écrivant l’un des plus beaux chapitres de la haute couture. De celui qui a habillé des millions de femmes, Jalil Lespert en a opéré la délicate mise à nu, sobrement intitulée Yves Saint Laurent.

Nous est ici dressé son plus beau portrait, mais sont montrés aussi ses moments intimes, ses années de dévergondage, son addiction à la drogue, au sexe, son emprisonnement dans la déprime et son flirt incessant avec le bonheur, qu’il embrasse constamment en ne l’effleurant que trop vite de ses lèvres, pour épouser celles de Pierre Bergé, son fidèle compagnon de toujours. Son but, disait-il, n’était pas de faire de la femme l’égale de l’homme, mais d’en faire son adversaire en libérant sa féminité.

En les libérant toutes, il a révolutionné la mode. Mais il considérait que la plus belle parure que pouvait arborer une femme était les bras d’un homme. Sous toutes les coutures du créateur, c’est donc la plus amoureuse qu’on nous dévoile, et c’est remarquablement bien filmé. Côté acteur, n’est pas Saint Laurent qui veut, mais en cherchant bien, on trouve parfois un homme à la hauteur du mythe.

Pierre Niney est magnétique. Quand il est dans le champ, il n’y a que lui. Il dessine de manière instinctive les contours d’un Saint Laurent fragile, enfant, sensible, changeant, qui ne répond qu’à ses émotions tout en fuyant ses démons intérieurs. Une justesse de jeu désarmante et une respiration stupéfiante collent au plus près à la pudeur constante du personnage. Face à lui, Guillaume Gallienne incarne un Pierre Bergé rigide et implacable avec tout ce qu’il faut de touchant. Il est suprême à son tour, et tous deux sont dirigés avec talent par Jalil Lespert, qui décidément n’en finit plus de m’étonner tout du long.

Il y a à la fois une douceur et une intensité dans chaque prise, des jeux de reflets ou de miroirs osés et bien placés pour valser avec les différentes humeurs du personnage, voire pointer les dérives du créateur dans ses nuits de débauche et de délires sous stupéfiants. Mais aussi la mise en scène organique de sa vie. L’émouvante relation, si singulière entre Bergé et lui, éminemment portée par les jeux de regards entre les deux acteurs de la Comédie Française, la puissance de la photographie, des lumières, de l’ambiance feutrée de l’époque, la grâce de Charlotte le Bon. Puis, la cavale de quelques notes de piano nous emporte avec le récit. Désormais le tout nous enivre et le mythe se délivre, toujours avec beaucoup d’honnêteté.

Un film grandiose et sublime devant lequel on retient son souffle pendant une heure quarante, et ne respirons qu’avec celui d’YSL et de son interprète. Ce dernier, avec le film, sont d’ores et déjà de sérieux prétendants aux Césars. Réponse dans un an pour Gallienne, Niney et Lespert, trois jeunes bourrés de talents, synonymes d’un avenir très prometteur pour le cinéma français.

Créée

le 3 janv. 2014

Critique lue 421 fois

2 j'aime

Critique lue 421 fois

2

D'autres avis sur Yves Saint Laurent

Yves Saint Laurent
PatrickBraganti
3

La couture lache

Hormis l'interprétation en effet époustouflante de Pierre Niney (la voix et la gestuelle) qui, au-delà de l'exercice purement mimétique, parvient, dans la première partie jusqu'à la rencontre avec...

le 9 janv. 2014

44 j'aime

4

Yves Saint Laurent
zoooran
7

Sous toutes les coutures...

Voilà donc le premier biopic sur Yves Saint Laurent, célèbre couturier, réalisé par Jalil Lespert, avec pour interprètes Pierre Niney, dans le rôle de YSL et Guillaume Gallienne, dans le rôle de...

le 4 janv. 2014

30 j'aime

3

Yves Saint Laurent
antoclerc
2

Le teaser d'une rétrospéctive de la collection YSL au Grand Palais...

Jalil Lespert est un piètre metteur en scène. Ils nous livre un film ou plutôt un téléfilm à la patte Canal +, fait à la hâte, qui manque selon moi d'objectivité et de distance. La réponse: le...

le 9 janv. 2014

28 j'aime

Du même critique

Zygomatiques
Maître-Kangourou
10

Que le rire demeure !

C'est cruel, mais le rire n'existe pas. Tout du moins dans ce 1984 dystopique, où la joie est bannie du quotidien des hommes. C'est d'ailleurs très intéressant de voir ce que serait le monde sans...

le 21 févr. 2013

14 j'aime

Le Terminal
Maître-Kangourou
8

Inconnu à cette adresse

Tom Hanks se complaît-il dans les personnages voués à la solitude ? En tous les cas, l'exercice lui réussit à merveille. C'est aussi la preuve formelle d'un grand talent d'acteur, qui sans forcément...

le 18 avr. 2013

13 j'aime

OutRun
Maître-Kangourou
8

Patrouille Nocturne (suite)

Kavinsky, c'est avant tout le charme électrisant des eighties, à l'image du très magnétique Protovision, une tuerie. La patrouille continue avec Rampage, se trempant dans le film d'angoisse à la Wes...

le 8 mars 2013

12 j'aime

2