"I have a second chance. I'm not going to waste it" — You did not

Après nous avoir délivré un « Frankenstein movie » décevant sur bien des points, Warner se décide à nous offrir la fameuse, la légendaire, la mythique Snyder’s Cut (oui, parce qu’il y avait des gens qui persistaient à dire qu’elle n’existait pas). Une version que je ne pensais pas voir avant plusieurs années, voire décennies, mais que le contexte actuel du COVID, une campagne plus qu’insistante des fans et de certains membres de l’équipe, et sans doute aussi quelques décisions internes nous a offert un peu plus de trois ans après la version ciné (qui reste celle canon dans l’univers des films de DC). Et deux constats primordiaux en ressortent après deux visionnages.


Le premier, c’est que j’adore ce film. Ce n’est peut-être pas mon préféré du « Snyderverse » (il me faudra plus de temps à le digérer pour me prononcer de façon définitive), mais je l’adore. C’est le film que je voulais voir au cinéma en novembre 2017, c’est le film que j’ai attendu pendant des années à voir sur grand écran, c’est une « conclusion » dans la lignée de ce que Snyder avait mis en place depuis le début.


Ce qui la rend, tout d’un coup, beaucoup plus organique avec les autres films, s’y intégrant beaucoup mieux, plus cohérente. Ce n’était pas difficile de faire mieux que la version de Warner/Whedon, mais il était aussi très facile de décevoir ; et sur ce point, Snyder a contenté toutes mes attentes, à tous les niveaux. Une fois de plus, c’est un film que je pourrai voir et revoir sans me lasser.


Toutefois, le second constat se fait plus amer, plus frustrant. Parce qu’après avoir vu ce film, non seulement on reste sur notre faim (comme je le craignais) sur ce que le Snyderverse avait à nous offrir (et ça aurait été tellement fabuleux de voir ces films sur grand écran). Ce qui rend « l’épilogue » un peu longuet, voire poussif (presque 20min, mine de rien), même si je comprends que Snyder voulait nous offrir un aperçu de ce qu’il voulait faire et conclure ainsi. Mais le second constat réside aussi sur la décision de Warner.


Parce au bout du compte, je les comprends. Autant que j’adore ce film et les pistes qu’il ouvre pour la suite, je peux comprendre que lorsqu’ils ont vu une version de 4h (ou sans doute un peu moins), en noir et blanc, en format conçu pour l’IMAX avant tout, et avec une violence entraînant aussitôt le fameux rating R aux US… Oui, je peux comprendre que Warner ait pu se sentir floué sur le produit livré, bien loin de la commande du film PG-13 de 2h-2h30 accessible à tout le monde qui engrangerait le milliard de recettes mondiales sans forcer.


On peut donc reprocher à Warner de nous avoir saborder une œuvre épique, dantesque, fabuleuse comme on en rêvait depuis des années, de ne pas avoir encadré le projet plus tôt (à se demander s’ils avaient vu la filmographie de Snyder avant de lui confier le bébé), ne pouvant que conduire à ce micmac sans nom sur un film pourtant impossible à rater. Mais d’un autre côté, Snyder aurait peut-être dû comprendre les enjeux financiers et non pas se plier aux exigences de Warner, mais au moins s’adapter. Pour ma part, un film de Justice League de 4h, j’achète toute de suite (et sans doute beaucoup d’autre aussi), mais pas le grand public.


Le film aurait sans doute un peu mieux marché, mais pas au point d’atteindre les attentes financières de Warner sur le sujet. La façon dont ils ont pris les choses en main pour redresser la main leur a été encore plus dommageable et sans doute qu’il aurait mieux fallu repartir de zéro, mais bon, les voix du business sont impénétrables. Bref, il en ressort un film que j’ai adoré, que j’aurais tant voulu voir sur grand écran, dont j’aurais tant apprécié de découvrir les suites en préparation ; mais force est de constater que oui, on peut comprendre pourquoi Warner a mis son holà, même si c’était beaucoup trop tard et maladroit dans la manière.


Mais le film lui-même, qu’en est-il ? Est-ce vraiment un film différent du produit original au point que ça en devienne un nouveau film à part entière ? Ou bien est-ce simplement le montage correct du film tel qu’il aurait dû l’être au départ, avec d’être massacrer ? La réponse est un peu plus subtile qu’une simple binarité. Dans le fond, le film reste globalement le même : Bruce Wayne essaye de rassembler la Ligue face à une menace qui prend forme peu à peu, tandis que Steppenwolf tente de rassembler les Boîtes Mères pour transformer la Terre en mini-Apokolopis. Et bien sûr, Superman est ressuscité pour pouvoir sauver le monde. Sauf qu’avec 4h de film au lieu de 2, et une vision originale de son réalisateur avec son plan en tête, l’intrigue est radicalement différente.


Ça commence par les motivations de Bruce, qui s’inscrivent dans la continuité logique de DoJ, plutôt que de tout simplement en répéter le même développement. Ici, il a entendu les menaces de Lex, mais il n’a aucune idée de leur origine ni de leur forme, et il voit comme un devoir de rassembler la Ligue pour compenser la disparition de Kal-El, une façon de se racheter. Dans la même veine, les motivations de Steppenwolf sont ici clairement établies, car lui aussi essaye de se racheter auprès de Darkseid (enfin introduit), qui recherche son équation d’Anti-Vie qu’on nous avait déjà teasé dans DoJ. De la même façon, le fonctionnement des Boîtes Mères est plus détaillé, de même que leur rôle dans la résurrection de Superman, dont le rôle reste sensiblement le même, mais sans les reshoot horribles et l’infâme moustache numérique.


Pourtant, la Snyder’s cut n’est pas simplement une version détaillée du film sorti au cinéma. On peut être surpris du nombre de scènes conservées de la version de Whedon, mais la totalité sera au finale étendue ou présentée dans un montage/cadrage différent. On y retrouvera d’ailleurs plusieurs scènes avec un humour sans doute plus efficace et pertinent par rapport à l’ambiance générale (confirmant les dires de Snyder qui, dès le départ, voulait que DoJ soit le fond du trou et que l’ajout de nouveaux personnages et l’espoir retrouvé de Batman apporte un ton plus « joyeux »). Certaines sont touchantes et amusantes (la scène du thé), même si dans le fond sont typiquement le genre de scènes qui aurait pu passer à la trappe pour une version ciné. Ce nouveau montage donne surtout un meilleur équilibre, un meilleur rythme à l’ensemble, car malgré sa longue durée, le film n’aura pas de réelle longueur. Tout s’enchaîne comme une fresque épique, comme si on avait un mélange du Seigneur des Anneaux et des Avengers.


En revanche si le synopsis reste le même, le cœur du film change du tout au tout. Et c’est là qu’on réalise le massacre effectué sur la version ciné et qui, a posteriori, peut expliquer aussi pas mal des remous qu’elle a pu provoquer. Outre une histoire plus détaillée et plus cohérente avec ce qui était en place (et ce qui était en train de se mettre en place), on découvre tout un nouvel aspect de ce film sur plusieurs points. J’ai déjà évoqué le personnage de Steppenwolf, dont l’histoire est complètement réécrite et s’il ne devient pas d’un coup un des meilleurs antagonistes de l’histoire du cinéma, il s’en retrouve néanmoins amélioré, plus efficace, plus menaçant, plus charismatique et mois unidimensionnel. Ce qui rend son destin d’autant plus fort et marquant, surtout mis dans le contexte.


Dans la même veine, on a la résurrection de Superman. Si je ne suis toujours pas d’accord dans l’idée, la manière y est cette fois-ci beaucoup plus acceptable. La logique avancée tient mieux la route, paraît plus raisonnée, ou du moins paraît moins sortie de nulle part. Ça fonctionne mieux dans l’ensemble. On découvrira d’ailleurs sans grande surprise que les meilleurs éléments de cette séquence étaient déjà présents dans l’œuvre de Snyder, et qu’ils fonctionnent ici beaucoup mieux, comme le reste du film (notamment quant à ce que devient la Boîte Mère). Autant dans la version de Whedon, je n’avais pas du tout acheté ce qui m’avait été proposé ; autant dans celle de Snyder, même si j’aurais préféré plus un retour parmi les vivants, il y a une logique narrative derrière qui fonctionne au sein de l’univers.


Dans le lot, on peut aussi citer Diana et Arthur, qui ont globalement une ligne narrative plutôt inchangée, mais la dynamique entre eux me paraît moins burlesque et, encore une fois, plus cohérente au sein de l’univers. Leurs intrigues ouvrent aussi la voie à leur propre films solo (ou du moins la suite pour ce qui est Diana, j’imagine). Et eux aussi, leurs rôles sont plus développés et s’inscrit mieux dans le ton global, ce qui rend le tout plus intéressant. On peut noter aussi que la « romance » entre Bruce et Diana a été supprimée, même si on a une sorte de flirt/respect entre les deux (et puis, le coup de quand Diana capte que Bruce lui vole ses idées), de même qu’avec les autres personnages, au bout du compte.


Mais le plus gros changement du film, il n’est pas là. Le plus grand coup de poignard de Whedon et Warner en 2017, ce ne sont pas ces aspects-là. Non, non, loin de là. Le pire, ce sont bien sûr les intrigues de Barry/Flash et Cyborg. Le premier passe de sidekick comique à pratiquement MVP du film. Si son histoire n’est pas tant plus développée que ça, son rôle au sein de la ligue prend une toute autre dimension. J’avais été très déçu de comment Flash avait été exploité dans la version de 2017 ; mais je découvre avec une première horreur que Snyder avait réussi à installer tout ce qui en fait un des membres les plus importants de la Ligue, pour ne pas dire le plus overcheaté. Et Snyder l’exploite ! Il nous en donne un premier aperçu, mais n’hésite pas à exploiter le filon jusqu’au bout dans un final grandiose ! Un final qui ouvre tellement de voies pour la suite, tellement de promesses.


Quant à Victor, c’est le jour et la nuit. Alors que Whedon en avait fait presque un personnage secondaire au rôle mineur au sein de l’équipe ; voilà qu’il se révèle être le cœur même du film. Que ce soit son rôle au sein de la Ligue et dans le final, mais aussi dans son origine, son traumatisme, ses motivations, ses réticences, son influence, sa relation avec son père Silas (qui joue un rôle tout aussi important). Victor devient l’âme de ce film, et ce n’est pas donc plus surprenant non seulement de voir les réactions de Ray Fisher depuis ; mais surtout de réaliser qu’en l’évinçant presque de la version de Whedon, celle-ci en avait perdu son âme et qu’on le ressentait à l’écran. Parce que ce cœur, ce fil rouge, c’était Victor/Cyborg depuis le début. C’était lui qui portait le film, en grande partie. Pour le coup, encore plus que pour les autres personnages, Cyborg est clairement celui pour lequel le film est le plus radicalement différent, dont le rôle prend le plus d’importance.


Encore une fois, je comprends que Warner n’était pas serein sur un tentpole de 4h, oui, d’accord, peut-être que Snyder aurait pu abuser un peu moins des slow-motion ou s’abstenir de certaines scènes pas forcément pertinentes dans un film pour le cinéma. Mais au nom de quoi a-t-on massacré les rôles de Flash et Cyborg, les deux éléments le plus importants dans le film et le final, le second était l’âme-même du film ; d’autant plus qu’ils étaient ceux ayant le plus besoin d’être introduits. C’est tout simplement inacceptable, et rageant, de voir que Cyborg a été transformé en quasi-figurant dans son propre film ; tandis que Flash se voit mis de côté et retiré son rôle crucial dans le final.


On se retrouve donc avec un film plus complet, plus dense (beaucoup de choses sont introduites et mises en place pour le film et ses suites ; et c’est là que Snyder aurait peut-être dû repenser à la structure), plus épique, plus cohérent, plus dynamique, mieux rythmé. Certes, il y a de la frustration liée à ce qui nous est promis (l’apparence de Martian Manhunter tombe un peu à plat compte tenu du contexte ; l’épilogue est sans doute trop long, mais on peut comprendre que Snyder ne voulait pas insérer de scènes post-génériques, ou souhait nous présenter sa vision pour la suite), mais c’est un pur régal. Tous les défauts sont effacés, gommés, ou amélioré et on découvre qu’au bout du compte, les quelques bons points à retirer de la version de Whedon étaient déjà présents dans la vision de Snyder. Donc oui, on peut parler de boucherie.


Sur le reste, je n’ai pas tant plus à dire. Le casting est à l’image du film lui-même, c’est-à-dire qu’on le sent plus impliqué, plus cohérent avec l’ensemble, sans doute plus juste aussi. Sur le plan technique, on pourra noter que les effets spéciaux sont bien sûr plus aboutis, qu’on n’a plus ces scènes horribles de reshoot avec des décors incrustés pas finis ou vide. Le deisgn de Steppenwolf est bien sûr revu (va falloir m’expliquer pourquoi ils l’ont changé, du coup), mais l’ensemble reste quand même plus abouti et fini que dans la version ciné. Les décors sont de toute beauté, une fois de plus captés par la photo magnifique et la mise en scène de Snyder.


On y retrouve sa patte distinctive, que ce soit avec les nombreux plan en slow-motion ou ceux reposant sur un symbolisme visuel très fort (ça alors, j’avais deviné quel était le plan final de Snyder). C’est peut-être moins marqué que dans les précédents films, mais toujours bien présents, et certaines scènes sont vraiment d’une échelle épique incroyable. La musique de Junkie XL/Tom Holkenborg donnera l’impression d’un véritable opéra (une BO de 4h, record établi), qui puisera son inspiration dans le travail du papa Zimmer, mais proposera de nouveaux thèmes qui donneront un cœur à ce film.


Bref, la Snyder’s cut remplit les promesses qu’on était en droit d’attendre. Même s’il y a des points sur lesquelles je ne suis toujours pas d’accord (Superman aurait pu avoir un peu plus d’interaction verbale avec les autres membres de la Ligue), même s’il y a une frustration à se dire qu’on ne verra pas la suite et que notre attente est attisée dans le vide ; le film est une réussite. C’est un bonheur à regarder et reregarder, j’y retrouve enfin ce que j’avais voulu voir il y a plus de trois ans. Même si je comprends certains points qui ont amené à ce cataclysme, je peux au moins refermer la blessure et m’y replonger à volonté, sans lassitude, profiter de ce Snyderverse avorté trop tôt, mais qui aura su me procurer des émotions fortes comme rarement une autre saga l’aura fait.


J’aurais pu m’étaler plus en détails, revenir sur chacun des aspects de ce film. Mais au bout du compte, on y retrouve la même histoire, elle y est simplement mieux racontée, plus détaillée, et elle ne se sacrifie pas de son âme (Cyborg), ni de son atout principal (Flash) pour pouvoir nous donner trois vannes en plus. C’est le film que j’aurais voulu voir au cinéma il y a trois ans, le film dont j’aurais adoré faire une critique dithyrambique et élogieuse de 20 pages tellement je m’y serai régalé et excité de ce que la suite nous promet. Mais ce ne fut pas le cas, pour diverses raisons. On verra si HBO Max se lance dans un pari fou, on verra si Darkseid appliquera les anciennes méthodes, si Kal-El succombera.


En attendant, je vais me contenter de cette trilogie et continuer à la chérir, malgré ses défauts, malgré ses faiblesses, malgré ce goût d’inachevé et d’espoir brisé sur sa suite. Parce que j’ai adoré ce film comme j’ai adoré les précédents, et parce que c’est une vision de l’univers qui me parle, qui titille ma curiosité. L’avenir nous dire si Warner prendra la décision de #RestoreTheSnyderverse.

Créée

le 18 avr. 2021

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vive_le_ciné

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