« Nous avons tous un côté obscur, ce qui importe c’est la bride qu’on lui laisse »

Le RPG occidental est devenu avec les années mon genre de jeu préféré, les derniers grands jeux de cette catégorie font aujourd’hui partie de mes jeux préférés, il me semblait donc intéressant de tester ceux qui ont bâti le genre et qui pour certains dépasseraient même les productions d’aujourd’hui, notamment en terme d’écriture. Après la découverte, et malheureusement la déception, que fut le premier Fallout, j’enchaîne avec le premier jeu de Bioware qu’est Baldur’s Gate à travers sa version Enhanced dont on m’a dit du bien dans la mesure où c’est pour découvrir le titre plutôt que de le redécouvrir sous un jour différent, parfait pour moi donc qui avait 5 ans à la sortie du jeu original, donc qui l’ait en toute logique loupé. La critique étant longue, je vous propose d’écouter pendant la lecture ce remix du thème principal.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 8 / 10



Alors au début je trouvais que le jeu était plutôt grossier visuellement et accusait son âge, et puis j’ai par hasard eu l’idée incroyable de faire tourner la roulette de ma souris vers l’arrière et une fois dézoomé j’ai trouvé que le jeu était bien plus propre, même très joli sur certains plans et davantage lisible, donc j’ai joué comme ça la plupart du temps. Bon on sent bien que le jeu date et la version Enhanced aurait pu proposer une rehausse graphique à la hauteur de son prix, même s’il y a eu un vrai suivi dans le temps avec les mises à jour, mais franchement je n’ai pas trouvé que c’était catastrophique. La technique reste tout à fait acceptable et surtout par-delà la technique on a l’esthétisme et là il y a eu du travail.


Des arbres aux milles couleurs éclatantes, une petite cascade se jetant dans un point d’eau avec les poissons qui y barbotent, un champ fleuri survolé par des petits papillons... même dans les zones dites de transition, purement annexes, la direction artistique est vraiment pas mal du tout sur les décors qui en deviennent très agréables à parcourir en combinaison d’un sound-design qui les rend assez vivants. C’est d’autant plus plaisant que les zones de jeu sont assez vastes en règle générale, avec pas mal de temps de chargement ici et là mais très courts donc peu gênants.


Il arrive même que certaines zones de jeu soient vraiment dans la continuité et forment en réalité une immense zone de jeu telle que la ville de Baldur évidemment qui m’a impressionné de par sa taille répartie entre des quartiers bien identifiables avec leur ambiance propre, le réseau d’égouts pour passer de l’un à l’autre... Parce que faire une immense ville c’est une chose, ça en est une autre de la rendre en parallèle agréable à explorer car comprenant de nombreux points de repères par quartier, et là je suis bluffé.


La personnalisation, moteur de ce genre de jeu, se retrouve bien sûr avec l’apparence des personnages selon la tenue équipée et surtout avec le portrait de notre avatar qu’on peut choisir en toute liberté, j’ai adoré ce détail. Quand on incarne un personnage sur des dizaines d’heures, c’est quand même top quand on peut personnaliser jusqu’à son apparence pour faire vraiment le personnage que l’on veut plutôt qu’un parmi ceux proposés, je sais que c’est un point dont beaucoup se moquent mais personnellement ça fait partie des éléments, parmi d’autres, que j’attends dans une aventure qui se veut aussi grande qu’immersive.


L’interface fait preuve d’une ergonomie que j’ai également bien apprécié, on a par exemple une option pour mettre les objets à ramasser en surbrillance en plus de l’objet laissé par terre qui prend une forme indiquant clairement si c’est de l’or, une arme, un bijou, une armure... En somme, j’ai été très convaincu par la réalisation et l’esthétisme de ce Baldur’s Gate qui accuse finalement très bien son âge et ça reste un de ses points forts 20 ans plus tard, une belle réussite à laquelle je ne m’attendais pas forcément.



SCENARIO / NARRATION : 9 / 10



L’intrigue prend son temps pour prendre sens et au final je l’ai trouvé de très bonne qualité ! On a des personnages forts et charismatiques, notamment les 3 inédits de la version enhanced, des enjeux dramatiques assez intenses, une relecture de tout ce qui se passe depuis le début à la lumière des révélations finales, une trajectoire pour notre avatar qui marche aussi bien selon si l’on veut être bon, mauvais ou un certain mélange des deux... ça repend certains clichés de la fantaisie c’est certain mais ça les reprend et les mélange très bien.


Par contre, la mise en scène est très sobre avec beaucoup de scénario évoqué par texte avec livres et parchemins à trouver, de très longues phases de dialogue par moment, des cinématiques qui sont en fait des artworks à peine animés ou alors en mouvement mais assez alliasées... et pourtant ça marche très bien, illustrant une vraie maîtrise de la narration en dépit de moyens techniques limités, entre la qualité des musiques, de l’écriture, des doublages... Les doublages en VO soit dit en passant parce que les doublages français c’est juste pas possible.


Par contre, un petit regret personnel c’est que s’il y a beaucoup de choix de dialogues pour personnaliser notre avatar, il y assez peu de possibilité d’influer réellement sur l’histoire qui suit un tracé relativement pré-établi jusqu’à la fin unique, j’en attendais un petit peu plus à ce niveau-là mais il y a quand même pas mal de choix et le manichéisme n’est pas toujours là, on est pas soit le sauveur de la veuve et de l’orphelin soit le salopard suprême, il y a un entre-deux possible et à la carte, ça c’est cool.


La composition de son équipe est un enjeu majeur pour la rejouabilité du titre avec seulement six personnages dans l’équipe pour les dizaines de persos recrutables qui ont souvent leur propre motivation et parfois leur propre quête. Un détail que j’apprécie beaucoup, c’est que les personnages donnent le sentiment de réagir en temps réel aux situations, si ça fait un moment qu’on a laissé de côté une quête qui intéresse un équipier il va s’en plaindre, si on a deux potes dans le groupe et que l’un est danger l’autre va réagir parce que c’est lui et pas n’importe qui à ses yeux, si on a déjà réalisé une quête avant de voir le donneur celui-ci le remarquera dès le début du dialogue…


Bon il y a bien quelques erreurs à noter, un dialogue peut par exemple se déclencher en plein combat sans le prendre en compte si on croise un PNJ pendant qu’on poursuit un monstre mais ce n’est pas très grave. Il y a bien des quêtes annexes moins intéressantes que d’autres, il y a une carte par exemple infesté de zombis avec un pecnot au milieu qui nous promet une petite somme pour exterminer les zombis et c’est fini. Quand j’ai vu ça je me suis dit que c’était pas non plus la perfection avec un peu de remplissage pas génial par moment mais franchement c’est assez anecdotique et j’ai beaucoup aimé au final la narration et le scénario qui ne m’ont pas déçu alors que j’en attendais beaucoup.



GAMEPLAY / CONTENU : 7 / 10



Beaucoup de classes, de spécialités, de groupes sont possibles, de guerrier en armure lourde parant les coups au bretteur à deux lames en infligeant énormément, du mage soignant et améliorant les équipiers au destructeur balançant explosions et handicaps aux ennemis, du voleur sournois frappant depuis les ombres à l’archer bien planqué snipant au loin... on retrouve autant de façons de jouer classiques à ce genre de jeu mais très bien représentées ici, et si sur le papier c’est alléchant ça l’est aussi dans la pratique.


L’IA et le pathfinding ne sont pas terribles mais ce n’est jamais réellement problématique car Baldur’s Gate est un jeu abouti et bien ficelé. Pour l’exploration, les personnages peuvent se bloquer de temps en temps dans les passages exigus (ça aurait été bien d’avoir une fonction pour resserrer les rangs) ou à un tournant mais ils ne sont jamais restés purement et simplement bloqués me forçant à recharger une sauvegarde, il y avait toujours un moyen simple et intuitif de les faire bouger, contrairement à un certain RPG post-apocalyptique sorti un an plus tôt.


Pour le combat, les carences de l’IA sont compensées par la pause active qui permet de prendre le contrôle de tous les membres de l’équipe en cas de besoin sans s’imposer et ralentir exagérément l’action si c’est un petit combat, par la formation qui permet de placer intelligemment nos persos selon leur capacité et par le type de comportement adopté par défaut à choisir parmi une large liste ou à carrément personnaliser soi-même. Autant de mécanismes de jeu très intelligents qui corrigent les problèmes techniques de l’époque contrairement à un certain RPG post-apocalyptique sorti un an plus tôt.


La place laissée au hasard dépend du niveau de difficulté retenue et n’est donc pas imposée comme excessivement punitive pour mon plus grand plaisir, le mode normal fut pour moi bien équilibré comme ça. La gestion de l’inventaire entre les coéquipiers se fait de façon claire et trouve son compromis entre ne pas trop laisser de liberté au joueur d’en faire des mules et ne pas lui en laisser assez en l’obligeant à se prendre la tête tous les objets ramassés, contrairement à un certain RPG post-apocalyptique sorti un an plus tôt.


Un petit bémol que je relèverai serait la progression très lente des level-up et peut-être insuffisamment addictive, à part pour les mages qui demandent souvent de personnaliser leurs sorts mémorisés qui se renouvellent fréquemment, la dizaine de niveaux à prendre seulement ne constituent pas une superbe carotte pour motiver les massacres de mobs qui constituent tout de même une grande part dans l’expérience de jeu. En dehors de ça, le gameplay a très bien vieilli passée les premières heures à l’appréhender correctement, peut-être pas assez pour justifier l’ajout d’un mode arène via les fosses noires de la version Enhanced mais ça passe bien.



CONCLUSION : 8 / 10



Si vous avez été attentif, vous avez remarqué mes nombreuses comparaisons envers Fallout qui reflètent vraiment mon expérience de jeu où tout ce que je pouvais lui reprocher, notamment sur le gameplay mais pas seulement, n’étaient plus valables pour Baldur’s Gate qui a su faire avec ses limitations techniques pour rester agréable à jouer avec le temps, développer un scénario intéressant dans un univers assez riche via une narration élaborée et ambitieuse sans négliger une ambiance fantasy efficace, un coup de cœur personnel pour ce premier jeu de Bioware. Reste à savoir si ça va autant pour son extension Tales of the Sword Coast.

Créée

le 23 juin 2017

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damon8671

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