Catherine
7.5
Catherine

Jeu de Atlus (2011PC)

Catherine m’a bien bousculé mais m’a aussi charmé

Après avoir contribué aux RPG les plus majeurs de la Playstation 2, avec notamment Nocturne, Digital Devil Saga, Persona 3 et Persona 4, Katsura Hashino débarque sur la 7ème génération de console de façon assez surprenante avec un puzzle-game aux allures presque érotiques et avec des visuels horrifiques et psychédéliques. Quand on connaît les immenses talents du game-designer et du studio Atlus, il y a de quoi croire dur comme fer dans cette bien curieuse présentation, en tout cas ce fut mon cas. Je précise que j’ai surtout découvert le jeu avec l’édition Catherine Classic sur PC, à distinguer du remake Catherine Full Body.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★☆☆☆☆



Nous avons des cubes empilés les uns sur les autres face à nous et il nous faut les déplacer pour les escalader jusqu’à leur sommet avec un système de déplacement case par case, la possibilité de tirer ou pousser les blocs et d’annuler les dernières actions effectuées, ça semble assez simple dit comme ça comme système de jeu, ça ne l’est pas du tout dans les faits. Tout d’abord, le gameplay s’enrichira rapidement en proposant des blocs très différents les autres des autres pour constamment renouveler l’expérience de jeu et nous imposer de nouvelles méthodes de résolution, en combinaison des précédentes.


De plus, énormément de variations seront amenées par de véritables boss qui viendront perturber notre ascension par des biais très différents les uns des autres. Cela peut être de simples attaques à éviter en pleine phase de réflexion mais ça peut aussi être des mécaniques qui modifient la configuration des cubes face à nous de façon aléatoire. Il ne faut donc pas être simplement en maîtrise des stratégies de résolution mais en capacité de s’adapter rapidement sans perdre son sang-froid, pour un gameplay très abouti et riche in fine malgré le peu de mouvements et interactions possibles.


Ce que j’apprécie beaucoup c’est que l’on ne débloque pas de nouvelles manières de progresser, le jeu nous laisse tout son maniement à disposition dès le début et finit par nous mettre dans des impasses où comprendre une certaine façon d’utiliser le maniement devient indispensable pour progresser. Le joueur bien connaisseur du jeu ou avec une excellente intuition peut ainsi prendre les devants et utiliser des techniques avancées dès le début de jeu avec plusieurs solutions possibles à un même problème, ce qui sera bien sûr récompensé au scoring avec des raccourcis et des récompenses annexes à débloquer ainsi.


Catherine ne manque pas d’ambitions sur le plan vidéoludique, pas même de maîtrise, encore moins d’originalité, par contre le jeu manque profondément de pédagogie en son mode de difficulté dit normal. Le gameplay a la particularité d’être un puzzle-game très dynamique où se poser pour réfléchir à la solution est un luxe bien rare. Or, le fait d’être constamment pressé par le temps, même à petite dose, pour résoudre les énigmes très complexes du titre peut vite sérieusement handicaper le plaisir de jeu, et cela même si on peut annuler nos actions les plus récentes car la plupart du temps c’est toute une série d’actions qu’il faut annuler pour se remettre sur une bonne voie.


Ça bouscule mon principe selon lequel un jeu de réflexion doit respecter un certain cahier des charges pour que ces casses-têtes soient amusants : en offrant le temps de la réflexion au joueur si les énigmes sont complexes, en le mettant face à des énigmes faciles, ou pour lesquelles on s’est déjà bien entraîné, si une contrainte de temps s’impose. Il aurait fallu à mon sens nous mettre des niveaux avec des logiques précises de résolution sans contrainte de temps et ensuite seulement mettre des niveaux chronométrés reposant exclusivement sur ces logiques, là ça aurait pu marcher malgré un timing serré.


Il est donc fondamental de démarrer le jeu en facile pour appréhender les mécaniques calmement car clairement le mode normal part du principe que le jeu tu le maîtrise déjà, tel un mode difficile qui ne serait débloqué qu’une fois le jeu fini une première fois. Ça en fait le principal problème du gameplay pour moi, le mode normal est considéré comme normal, nécessaire pour débloquer le contenu bonus et débloquer des modes de difficulté encore plus difficiles (relevant du speedrun). C’est une faute d’équilibrage pour moi, nul doute que certains y verront un challenge passionnant, ce n’est pas mon cas, heureusement que le mode facile est possible.


Il faut ajouter à cela que quelques petits défauts viennent entacher ce gameplay. Le concept de gravité des blocs selon si leur bord en touche un autre n’est pas du tout intuitif, il m’a fallu des heures de jeu pour qu’enfin s’atténue le sentiment qu’une action impossible était possible et le contraire. La caméra peut être mal positionnée et peu pratique à orienter. Les commandes peuvent manquer de précision et 2 actions peuvent vite être confondues ou l’enchaînement de 2 commandes est trop rapide pour la réactivité du jeu, ce qui contribue à rendre cet apprentissage laborieux. Mais une fois qu’on a passé cette dure étape, c’est pour y découvrir un véritable petit trésor de scénario et de narration.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★★★☆



Sous les allures aguicheuses de sa jaquette, le scénario de Catherine se présente en réalité de façon très mature, comme le parcours initiatique d’un trentenaire ayant peur de s’engager dans une relation durable avec sa copine. Le concept de le plonger dans un monde parallèle où ce qui le préoccupe se matérialise pour le tuer, forçant le personnage comme le joueur à y faire face et à gagner en assurance, est une idée très intelligente avec un fort potentiel, comme pour beaucoup de titre développés par Atlus ayant recours à ce principe narratif auquel j’adhère pleinement.


Les métaphores ne seront peut-être pas toujours subtiles, le protagoniste a peur d’avoir un enfant dans la vraie vie donc on se retrouve à fuir un bébé géant monstrueux voulant le massacrer dans son cauchemar, mais elles fonctionnent très bien et elles auront surtout le mérite de conférer une place prépondérante à ce parcours initiatique, cœur de l’intrigue. D’autant que nous avons là un sujet de scénario peu commun dans le milieu du jeu vidéo en tant que thématique centrale, et qui en plus est loin d’être le seul abordé à cette occasion.


Les personnages secondaires rencontrés au fil de l’intrigue seront l’occasion d’explorer bien d’autres thématiques adjacentes à cette problématique centrale du jeu, ce qui est très plaisant. Les phases de dialogue sont même faites de telle sorte que les sujets pour lesquels on ne s’investit pas disparaissent du récit sans non plus nous sanctionner dans notre progression, on est parfaitement libre d’approfondir les discussions avec les personnages secondaires pour en savoir plus sur leur histoire ou de ne pas nous y intéresser, c’est également très plaisant et une nouvelle occasion pour le jeu de récompenser subtilement le joueur qui s’implique dans sa partie.


Ne nous imposant absolument pas une voie morale à suivre, beaucoup de choix de dialogue nous seront proposés pour nous pousser vers cet engagement dans notre relation ou nous en émanciper tant qu’on le peut encore. Si certains de ces choix sont très caricaturaux pour orienter notre personnage vers un alignement moral plutôt que l’autre, beaucoup de dialogues peuvent être plus subtils sur la question. Et surtout, le jeu nous laisse la liberté d’aller très loin dans un alignement moral absolument pas conventionnel, ce qui est une liberté des plus appréciables étant donné la promesse du titre.


Concernant les différentes fins et les révélations qui les amènent :


Je trouve qu’elles sont toutes très bien car si elles sont bien déterminées elles ont le potentiel d’adapter leur registre au parcours pour les débloquer. Pour prendre 2 fins emblématiques : la fin où l’on se marrie avec Katherine est très sérieuse et émouvante, à l’image de sa romance, là où la fin où l’on devient un démon pour se marier avec Catherine est très extrême et humoristique, à l’image de sa romance à elle. Il est un petit peu regrettable que les derniers choix moraux demandés sont si importants dans la détermination des fins alors qu’elles semblent peu importantes de prime abord.


Sans doute que des règles de calcul prenant davantage les choix sur l’ensemble du jeu auraient été préférables, mais ça n’a pas eu d’impact sur ma propre expérience de jeu donc je ne vais pas le reprocher, les derniers choix sont tout de même assez clairs et cohérents pour fonctionner. Concernant la révélation finale sur le rôle du barman et la nature de succube de Catherine, je la trouve très satisfaisante car elle est aussi décomplexée et excentrique que le ton du jeu, on est préparé à ce WTF et on peut s’en éloigner avec la fin avec Katherine si on y adhère pas trop, ce qui me va très bien.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆



Catherine scinde son style graphique en différentes parties très différentes les unes des autres, entre un bar à l’ambiance très détendue, des cauchemars à l’ambiance psychédélique et des cinématiques animées extrêmement décomplexées. Et pourtant, malgré une telle diversité tout se mélange très bien. D’une part, l’ambiance paisible du bar permet d’offrir un temps de répit à l’ambiance des cauchemars qui est plus que bienvenu. D’autre part, chaque ambiance a ses nuances pour ne pas s’inscrire trop longtemps dans un registre, ainsi le jeu ne s’amuse pas à souffler le chaud et le froid constamment sans transition. Enfin, les cinématiques accentuent beaucoup ces différentes ambiances en étant parfaitement capables d’instaurer un cadre paisible qui va exploser ou le contraire.


Si les décors de jeu ne sont jamais que des cubes montés les uns sur les autres, le jeu saura soigner et renouveler ces environnements en travaillant l’esthétisme des cubes d’une part, et tout ce qui gravite autour d’autre part. Si au début j’ai été inquiet que les niveaux se ressemblent beaucoup, j’ai été assez impressionné par des environnements beaucoup plus ambitieux avec plein de mouvements autour de ces montagnes de cubes, des arrières-plans très majestueux, des effets visuels plein de particules survenant sur notre parcours… C’est une réalisation très solide dans l’ensemble, une fois passés les temps de chargement assez conséquents sur les supports originaux pour charger tout ça.


Il faut tout de même rappeler qu’on est en 2011, à une époque où la génération est bien aboutie et où les plus gros AAA démontrant le potentiel technique de ses machines débarquent en nombre, il n’est donc pas surprenant que Catherine profite d’un bon niveau de réalisation. En, revanche, si le temps réel est très convaincant sur le plan technique, les cinématiques animées sont assez légères, des traits dessinés sont assez grossiers dès qu’il ne s’agit pas des personnages principaux, les plans larges voient très peu de mouvement à l’écran…


La réussite de ces cinématiques se trouve davantage dans leur mise en scène. Déjà, l’expression faciale très exagérée lors de certaines cinématiques, si elle déroute un peu au début et est l’un des premiers partis qui m’est apparu, illustre bien une philosophie très décomplexée de ces cinématiques façon animé :
- des longs plans sur des postures sexys pour l’érotisme,
- un montage ultra dynamique pour les séquences énervées,
- un zoom brutal sur une partie de l’écran attirant le regard du personnage,
- le passage en vue subjectif pour avoir le point de vue d’un personnage observant discrètement une scène,
- un plan resserré sur les mains du personnage pour bien ressentir son agacement ou son stress….


Concernant l’OST dirigée par Shoji Meguro, compositeur principal des précédents Persona, je l’apprécie assez sans non plus la trouver exceptionnelle, en dehors des quelques morceaux épiques empruntant à la musique classique notes et mélodies, ou encore la frénésie insufflée au niveau final où effets sonores et musiques s’accordent très bien. Par ailleurs, le voice acting anglais comme japonais est très soigné et mention spéciale aux doubleuses de Catherine, Miyuki Sawashiro pour sa voix japonaise et Laura Bailey pour sa voix anglaise, excellentissime de bout en bout et c’était sans aucun doute le doublage à ne pas louper. Il est seulement dommage que les doublages japonais n’étaient pas proposées au choix à l’époque.



CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆



Catherine est un puzzle-game qui est assez difficile à appréhender en raison d’un mode de difficulté normal mal équilibré à mon sens, mais dès qu’on a franchi ce cap c’est un jeu à l’histoire excentrique, captivante et originale laissant une grande liberté au joueur pour l’appréhender tout en profitant d’une belle réalisation et d’une direction artistique soignée et en accord avec le ton du récit ainsi que d’un gameplay finalement riche et ingénieux à plus d’un titre. Ce n’est peut-être pas l’un des jeux les plus incontournables de l’extra-ordinaire ludothèque d’Atlus, mais l’un des plus originaux et une belle réussite.

damon8671
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 1 nov. 2020

Critique lue 132 fois

2 j'aime

damon8671

Écrit par

Critique lue 132 fois

2

D'autres avis sur Catherine

Catherine
CeriseKat
9

Nerfs is over

Catherine, c'est l'histoire d'un jeu qui va mettre vos nerfs à rude épreuve. Vous incarnez le rôle de Vincent, presque trentenaire et légèrement pilier de bar qui va devoir faire un choix difficile...

le 23 sept. 2011

30 j'aime

1

Catherine
Ray
8

Lettre à Catherine

Chère Catherine, Depuis le jour où l’on m’a parlé de toi, je t’ai toujours désirée. J’ai toujours voulu que tu m’appartiennes mais ton tarif était trop élevé pour moi. Alors j’ai décidé d’attendre...

Par

le 10 août 2014

29 j'aime

4

Catherine
Shora
9

Analyse psychologique

Franchement, je m'y attendais, mais pas à ce point. Obtenu pour la somme de 25€, Catherine m'aura fait rêver (ou cauchemarder, plutôt) pendant une petite semaine. Le jeu va bien au de là de son point...

le 24 juin 2012

27 j'aime

1

Du même critique

Mass Effect
damon8671
8

Un début certes imparfait mais à l'univers incroyablement prometteur

Après le formidable succès de KOTOR dont il fut game-director, Casey Hudson veut repartir dans l’espace et répéter les grandes qualités des meilleures productions Bioware déjà existantes mais en...

le 24 août 2013

35 j'aime

11

The Thing
damon8671
9

Matters of trust

Premier film de la trilogie de l’Apocalypse de John Carpenter, série de films d’horreur dans lesquels un mal absolu semble rapprocher l’humanité d’un apocalypse inéluctable, The Thing est l’un des...

le 28 oct. 2023

25 j'aime

3

Super Mario Sunshine
damon8671
8

Ambiance prononcée, gameplay riche et original & réalisation bien vieillissante

J'ai joué à tous les Mario 3D (parce que je les distingue véritablement des Mario 2D) et Super Mario Sunshine est mon préféré parmi ceux-ci, ce qui n'est quand même pas rien vu l'excellence de la...

le 22 oct. 2013

23 j'aime

7