Le jeune studio polonais Cd Project Red avait réussi avec la série de jeux The Witcher, une adaptation du roman éponyme de Andrzej Sapkowski, à se bâtir une solide réputation auprès des joueurs fans de fantasy et de RPG. Étant fortement apprécié par le grand public grâce à une communication maîtrisée et une politique de DLC gratuits et payants de qualité, le prochain projet du studio était alors fortement attendu. Après un premier teaser en 2013 présentant l’univers du futur jeu, le projet est parvenu au fil des années à créer une attente immense auprès des joueurs grâce à une campagne de communication plus qu’alléchante. Attendu comme le messi pour certains fans de rpg et comme l’un des jeux les plus ambitieux de la génération pour d’autres, ce FPS basé sur le jeu de plateau Cyberpunk à finalement fait date lors de sa sortie mais pas forcément pour les raisons attendues.


Les points positifs :



  • Un des atouts principaux du titre est de réussir à développer en un seul épisode un univers complexe, crédible et assez novateur. Il mêle des éléments très contemporains à des éléments futuristes dans un environnement où l’urbanisation à outrance, le transhumanisme et l’hyper-connectivité forment le socle de la société. Loin d’être sur, ce milieu est la souche propice à de multiples dérives offertes par une ville, Nightcity où les multiples cultures sont érodées par la criminalité, les organisations secrètes et les méga-corporations tentant au quotidien d’assoir leur suprématie. Le développement de cet environnement était un pari risqué qui a finallement réussit pour ce studio qui jusque-là n'avait qu’adapter l’univers du roman fantaisiste The Witcher.

  • La direction artistique du jeu a été travaillée en profondeur pour donner du corps à l’univers se développant sur notre écran. Les designs des bâtiments, des protagonistes, des multiples véhicules disponibles, des armes et des vêtements sont tous travaillés avec une once d’excentricité nous rappelant de nombreuses œuvres cinématographiques telles que Blade Runner ou Ghost in the Shell sans pour autant nous donner une impression de déjà-vu.

  • Les graphismes du jeu sont très beaux si notre configuration permet de pousser le jeu dans ses retranchements avec des paramètres quasiment au maximum. Les effets de fumées, de particules et la gestion de la lumière sont des réussites tout comme la modélisation des personnages qui est une des meilleurs sur le marché.

  • L’intrigue principale et notre relation avec le personnage de Johnny Silverhand joué par l’acteur canadien Keanu Reaves parviennent à être accrocheuses et originales. En nous faisant rencontrer de nombreux personnages secondaires dans des situations diverses nous amenant aux quatre coins de Nightcity, le jeu parvient à maintenir dans son intringue principale un bon rythme avec quasiment aucun ventre mou. Les thèmes principaux abordés dans l’histoire du jeu seront la quête inexorable de vengeance, l’envie de marquer son époque, le désir de réussite, mais aussi des thèmes plus recherchés tel que la suprématie des entreprises dans un état ou les dérives du transhumanisme et du développement outrancier des intelligences artificielles.

  • Tout comme pour la série de jeux The Witcher, l’écriture des personnages que l’on croise dans l’intrigue principal et dans les quêtes secondaires est maîtrisée. Ces protagonistes ont tous des caractères propres biens développés ainsi que des apparences originales. Leurs relations avec notre personnage seront toutes différentes et pourront évoluer au fil de l’histoire et des intrigues secondaires en bien ou en mal. Il ne sera pas rare que l’on s’attache à nombre d’entre eux notamment quand le jeu développera leurs origines et désirs propres.

  • Malgré de nombreuses quêtes purement fedex se résumant à aller dans un lieu pour y tuer une personne ou y ramasser un objet, il est possible, en faisant du tri de réaliser des quêtes secondaires en plusieurs parties très intéressantes. Ces missions secondaires permettront de développer l'univers du jeu à l’aide de sous intrigues accrocheuses avec pour certaines missions des phases de gameplay uniques associées. Certaines missions permettront d'ailleurs d’aboutir à des romances avec certains personnages secondaires et pourront au final influencer la fin du jeu.

  • Pour son premier jeu de tir, le studio a réussi à proposer des sensations de tirs très convaincantes notamment pour un jeu d'abord orienté vers le jeu de rôle. En effet, l’arsenal à notre disposition est varié allant du plus simple pistolet automatique jusqu’au sniper lourd en passant par une multitude d’armes intelligentes ciblant automatiquement nos adversaires. Le design des armes est original, les animations sont travaillées, les sensations de recul bien présentes et les bruitages tout aussi réussis. Il sera d’ailleurs possible de personnaliser légèrement ses armes à l’aide d’une multitude de viseurs ou d’accessoires basiques, comme des silencieux ainsi ou des mods pour améliorer les capacités de nos armes avec par exemple une suppression totale du recul vertical. Même si ce volet du combat est légèrement moins réussi que celui des armes à feux à cause d'un manque de sensations, le corp à corp a aussi été travaillé grâce à de multiples armes blanches et contendantes pour les joueurs privilégiant les affrontements brutaux.

  • L’éditeur de personnage du début du jeu est complet et permettra de créer un avatar au look très classique ou à l’apparence très excentrique avec un degrés de personnalisation élevé allant jusqu’au choix de la taille des organes génitaux.

  • Notre personnage pourra se spécialiser en répartissant des points de compétences dans plusieurs domaines classiques tels que le maniement des armes selon plusieurs types, le piratage, la construction d’objets, l’infiltration… Le deuxième facteur d’augmentation de notre personnage sera l’achat et l’installation de nouveaux implants pour notre personnage qui, répartis sur notre corps lui permettront d’améliorer ses capacités physiques et sensorielles avec par exemple l’obtention d’un double saut très utile pour se déplacer verticalement, un lance-grenade directement intégré à notre bras ou un module pour ralentir le temps ce qui nous permettra de mieux viser lors d’une esquive.

  • Le piratage à une importance non-négligeable dans ce jeu de par le nombre d’appareils électroniques présent et de par l’hyper-connectivité des personnes. Même sans se spécialiser dans ce domaine, les possibilités de piratage sont multiples et nous permettent d’utiliser divers objets de l’environnement pour faire du repérage, pour détourner l’attention de nos adversaires ou pour les éliminer.

  • La conduite des véhicules, en dehors de quelques véhicules légers et rapides reste tout à fait convaincante pour un jeu de ce type et elle est largement praticable au clavier. À l’aide d’un bouton, il sera possible d’appeler à tout moment son véhicule personnel comme on le ferait pour une monture dans d’autres jeux. De nombreux modèles de véhicules seront d’ailleurs disponibles allant du simple break à la Porsche de collection en passant par des motos de la marque ARCH. Les intérieurs sont très bien modélisés et plusieurs types de caméra sont disponibles pour contenter un maximum de joueurs.

  • Les références à la pop-culture sont omniprésentes que ce soit dans les arbres de compétences, dans les titres de missions ou dans l’environnement lui-même.

  • La bande son du jeu est une réussite à tous les niveaux. En effet, les doublages français sont impeccables et la synchronisation labiale des personnages est une des meilleures existantes actuellement ce qui renforce la puissance des dialogues ainsi que l’immersion du joueur. Les musiques sont variées et habillement utilisées allant du morceau de rap américain au morceau endiablé de retro-wave. L’ambiance sonore générale de la ville est oppressante grâce à de multiples langages utilisés dans les rues pour renforcer son aspect cosmopolite, mais aussi, par les multiples coups de feu lointains constants renforçant la dangerosité de ce centre urbain.


Les points négatifs :



  • Le principal reproche que l’on peut faire au titre, notamment si l’on a suivi les différentes présentations du jeu, est que de nombreux éléments de gameplay présentés ne sont pas dans cette version finale ou alors dans un état trés limité. Dans l’état actuel du jeu, on a réellement l’impression d’avoir à faire à un jeu amputé d’une grande partie de son contenu où des dizaines d’environnements visitables ont été retirés tout comme des particularités de gameplay novatrices qui aurait pu le différencier d’autres jeux du même genre et en faire un des grands noms du RPG.

  • Malgré ses nombreux reports, le jeu lors de sa sortie est vendu dans un état catastrophique avec un manque de finitions criard. Rarement un jeu triple A n’aura souffert d’autant de bugs différents nuisant à l’immersion dans ce monde et agaçant profondément le joueur. Ces anomalies sont multiples et variées et vont du simple bug de lumière jusqu’à des bugs d’événements qui ne se déclenchent pas obligent le joueur à recharger une ancienne sauvegarde. Les plus chanceux pourront faire abstraction de la majorité des bugs tandis que d’autres devront attendre la sortie de multiples patch censés corriger des problèmes se comptant par dizaine.

  • Un un autre problème majeur de ce jeu est l’intelligence artificielle des PNJ. Elle est si mauvaise et limitée qu’elle nuit à l’intégrité du jeu au travers de l’ensemble des situations auxquelles le joueur est confronté. Dans la ville, les PNJ répètent les mêmes phrases en boucle, parfois hors sujet et leurs boucles d’actions sont très limitées ce qui nuit drastiquement à l'immersion et empêche toute interaction. À la moindre de nos actions, ils ont aussi tendance à partir en courant pour s'attrouper dans un coin accroupis ce qui rend ridicule l'exploration dans la ville. Il en est de même pour la police qui en plus d’apparaître littéralement devant nous est incapable de nous poursuivre en voiture ou à pied. Les combats sont aussi entachés par cette intelligence artificielle ridicule puisque les ennemis se font tuer en boucle sans grande résistance de leur part et vont parfois se rassembler au même endroit en attendant de se faire tuer sans rien faire. L’infiltration est aussi très simplifiée puisque les ennemis ont une vision et un champ d’action très limités.

  • Le loot à une place tellement importante dans le jeu qu’il en ferait pâlir Borderlands. Le joueur est sans cesse en train de ramasser des armes, vêtements et consommables à tel point que l’on passe un temps fou dans les menus à trier ses équipements pour démonter ce qui est inutile et pour s’équiper de l’arme avec le plus haut niveau de dégâts. En somme, le joueur n'a pas le temps de s’attacher à son équipement et il va parcourir les environnements du jeu en matraquant la touche pour ramasser les objets. La plupart du temps seul les performances vont différencier 4 ou 5 objets identiques ce qui limite drastiquement le plaisir d’en obtenir un nouveau.

  • Le jeu est truffé de contenus fedex comme des bandes d’ennemis à éliminer ou des documents à récupérer venant entacher la qualité globale du jeu. À contrario, on notera le manque cruel d’activités secondaires un minimum intéressantes comme avait pu l’être le Gwent dans Witcher 3. Ces activités auraient apporté un peu de diversité dans l’aventure du joueur entre deux quêtes en plus de rendre la ville un peu moins artificielle.

  • Les menus du jeux sont parmi les plus indigestes qui existent actuellement. Pour gérer notre personnage et notre équipement, il existe de nombreux menus et sous-menus entrelacés qui nous feront perdre un temps significatif notamment en début de partie. Le comparatif entre les équipements est peu pratique, l’espace pour consulter les documents que l’on ramasse est brouillon, le menu du téléphone est affreux. La carte est la majorité du temps illisible à cause d’une multitude d’éléments affichés qui nous feront perdre l’envie de jouer. Même la mini-carte et le tracé gps sont ratés puisque la plupart du temps, le joueur se trompera de route lorsque il roulera à grande vitesse en véhicule. Il ne reste plus qu’à espérer une reconstruction des menus comme le studio l’avait fait pour son précédent jeu * The Witcher 3*.

  • Les combats contre les boss sont tout à fait ridicules à cause de l’intelligence artificiel mais aussi car la majorité du temps, ces protagonistes ne vont se différencier du reste des ennemis que par leur barre de vie plus importante qu’à l’accoutumée. Quasiment aucun des combattants n'a des mouvements de combats un temps soit peu original ce qui entrainera un manque d'intérets de la part du joueur pour ce type de combat.

  • Une énorme déception du jeu est le manque d’influence que l’on va pouvoir avoir sur le déroulé de l’aventure principale et des quêtes secondaires. En effet, très peu de choix seront offerts au joueur pour modifier les embranchements scénaristiques du jeu, et même si plusieurs choix de dialogues s’offrent à nous, la très grande majorité aboutiront à la même résolution. La fin du jeu va changer en fonction des quêtes secondaires effectuées, mais surtout grace aux choix que l’on opérera dans la toute dernière partie du jeu. Tout le reste y compris le choix de l’origine de notre personnage (enfant des rues, salarié dans une corporation ou nomade) n’aura aucune influence sur le déroulé du jeu et sa fonction en dehors de quelques lignes de dialogues différentes. Ce volet nuit sérieusement à la rejouabilité du jeu en plus de limiter grandement son aspect RPG.

  • Même en s'infligeant l’ensemble du contenu fedex du jeu, ce dernier reste très court surtout en comparaison de The Witcher 3 ou d'autres jeux du même genre. Ajouter à cela une faible rejouabilité et on se demande alors si le jeu perdura autant dans le temps que son ainé.

  • Les cyberdances, des séquences vidéos nous faisant revivre un moment spécifique dans la peau d’une vrai personne et ou l’on peut étudier en détail l’environnement ambiant était sur le papier une très bonne idée de gameplay. Au final, ces séquences sont beaucoup trop dirigistes en mettant trop en évidence les éléments importants pour la résolution de la séquence. La majorité du temps, ces passages seront peu accrocheurs en plus de ralentir sérieusement l'intensité du jeu.

  • Le studio n’a cessé au cours du développement de communiquer sur l’importance de l’apparence des gens dans cet univers. Le joueur pourra donc trouver cela dommage de ne pouvoir à aucun moment modifier l’apparence de son personnage. Il est aussi dommage que les implants que l’on se pose n’ait aucun impact visuel sur notre personnage pour la quasi-totalité. Avoir des déformations du corps et des implants dont les différences de qualités seraient visibles aurait été une bonne idée.

  • On regrettera l’absence de personnalisation et d’amélioration des véhicules limitant l’intérêt d’en acheter de nouveaux plutôt que d’en dérober dans la rue.

  • Même sur de grosses configurations, le jeu reste très mal optimisé et nécessitera de passer un temps important à configurer les graphismes du jeu.


Conclusion :


In fine, Cyberpunk 2077 malgrès un univers accrocheur, une histoire principale et des personnages secondaires interessants, reste une des plus grosses déception vidéoludiques de ces dernières années. Sa sortie dans un état catastrophique et son contenu amputé témoignent d'un développement surement chaotique qui nuiront trés certainement au jeu sur la durée et à son studio de développement.

Oxymoron_VII
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le 13 janv. 2021

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