L'exigence

La série des Dark Souls est devenue l'une des licences phares de ces dernières années et a donné naissance à de nombreux enfants illégitimes. Adulée par beaucoup pour sa difficulté qui oblige le joueur à faire preuve d'une vigilance de tous les instants, elle prend à revers les critiques émises à l'encontre du jeu vidéo contemporain qui sacrifierait une certaine exigence sur l'autel de l'accessibilité. Cette exigence fait donc partie intrinsèque des mécanismes de Dark Souls car en évoluant dans un monde particulièrement hostile et parsemé de pièges, l'aventure offrira mille et une occasions de mourir de manière plus ou moins honteuse, faisant perdre à cet effet tous les points d'âme (l'équivalent des points d'expérience) durement acquis qui n'avaient pas encore été dépensés pour améliorer son personnage. Ce système contraint donc le joueur à se montrer prudent, mais lui demande également de savoir prendre des risques calculés.
L'univers des Dark Souls est toujours aussi magnifique et les niveaux parcourus, que ce soit sur le plan structurel ou visuel, sont une réussite, aussi variés qu'agréables à l’œil. Le bestiaire bénéficie des mêmes qualités et rares sont les mêmes adversaires rencontrés à deux endroits différents du jeu. Les monstres possèdent une palette de comportements assez étoffée, entre les loups qui tentent d'encercler le joueur avant de fondre sur lui, les coffres vivants ou mimics, qui reprennent leur forme d'origine si l'on s'en éloigne trop, ...
La création de personnages est riche et propose des classes bien distinctes des unes des autres, bien que rien n'oblige le joueur à suivre leur schéma initial et à dépenser ses points d'âme dans des caractéristiques liées à la magie pour un chevalier ou dans la force pour un mage. Il n'y a absolument aucune contrainte de ce côté-là et toute liberté est laissée au joueur de faire évoluer son personnage comme il l'entend.
Enfin, viennent les défauts du titre et, malheureusement, ils ne sont pas anodins. Comme expliqué ci-dessus, le maître-mot des Dark Souls est l'exigence. Cependant, elle s'avère à sens unique et s'effectue au détriment du joueur (j'écarte les masochistes au passage). Tous les goûts sont dans la nature et il est totalement concevable d'aimer les défis et les jeux difficiles, mais dans ce titre, la difficulté est artificielle car elle ne naît pas des situations proposées, mais d'un manque de finitions du système de combat. Le principal problème concerne les zones de collision. Bien trop souvent, les coups du personnage s'abattront dans le vent, malgré un contact clair entre lui et l'ennemi. En revanche, les adversaires, eux, n'auront aucun souci pour vous frapper, même à travers des murs ou des roches épais de plusieurs mètres, leurs attaques bénéficiant souvent d'une large zone d'effet qui ne peut s'appréhender visuellement. La caméra et le système de verrouillage connaissent eux aussi leur lot de déboires. Une caméra dans le mur ou dans le cul d'un monstre sera votre quotidien (le Roi des tempêtes parvient à cumuler les deux défauts cités, ce qui est bien regrettable étant donné sa prestance), le tout agrémenté d'une fâcheuse tendance du jeu à déverrouiller vos cibles en plein affrontement. Vient également le facteur "chance" où l'on alternera un même adversaire sous amphétamine lors d'une première tentative avant de le vaincre après sa prise inopinée de prozac.
En fait, la difficulté des Dark Souls n'est pas si terrible que cela, à condition de se montrer un tant soit peu attentif, mais tous ces défauts entachent l'expérience et m'ont empêché de prendre un véritable plaisir à jouer à un titre que j'avais sincèrement envie d'apprécier, me donnant davantage l'impression de réussir à franchir des obstacles plus par une bonne conjoncture des astres que par une quelconque technique. Un jeu peut être exigeant, mais les développeurs doivent peaufiner les mécanismes afin de permettre aux joueurs de répondre à cette difficulté, sans quoi, le jeu risque de s'avérer plus frustrant que gratifiant.