Le fameux conte épidémique, dont j'entends tant parler depuis sa sortie. Centre de débats animés sur sa nature de "bon jeu" ou de "mauvais jeu". Encensé par beaucoup, pointé du doigt par d'autres, on crie au génie par-ci, à l'exagération par-là. Moi-même, je suis ressorti de la démo à l'époque l'esprit un brin confus, voire mitigé.


Recollons les morceaux ensemble.


Tout d'abord, je précise pour le contexte avoir toujours été (pour les raisons précédemment citées) intrigué par ce jeu, autant qu'inquiet de l'acheter. C'est finalement via le cadeau d'un chouette copain (que je remercie chaleureusement au passage) que l'occasion s'est présentée, faisant de moi le fameux larron.


M'étant ainsi pas mal documenté sur le jeu, ayant débattu autour avec des personnes de confiance, je savais pertinemment où je mettais les pieds, et je pense que cela m'a été très bénéfique. C'est dans cet état d'esprit que j'aborde donc cette évaluation : transmettre la flamme de l'avertissement dont j'ai bénéficié, afin d'éclairer au mieux le pauvre indécis qui traînerait encore éventuellement dans le coin, maintenant que le second épisode est désormais sorti.


Entrons donc directement dans le vif du sujet, en précisant d'ores et déjà ce que APTI n'est pas. APTI n'est pas un jeu d'action pure, ni un jeu d'aventure haletant à la prise en main riche et complexe. Ce n'est pas non plus un jeu d'infiltration absolue, ni même un walking simulator deluxe. Bizarrement, c'est en fait un peu de tout ça en même temps. Quand je dis "un peu", c'est au sens littéral. Plague Tale est tout simplement un jeu couloir dans ce que le genre a de plus pur : on avance, on admire le paysage, on enclenche des scripts, on suit l'histoire et parfois, au milieu de tout ça, on prend les manettes et on profite de phases de gameplay disons basiques.

Alors ça a l'air relativement peu séduisant dit comme ça, mais en vrai l'alchimie peut être véritablement efficace pour un esprit ouvert à ce type d'ingrédients. Pour une raison inconnue, la notion de "jeu à couloir" est devenue ces derniers temps synonyme de genre pestiféré. Personnellement, du moment que le voyage est dépaysant et/ou intéressant, ma foi je m'y plonge avec un certain plaisir.


Je ne vais pas réinventer la roue, le monde entier a déjà compris qu'il s'agit donc d'un jeu plutôt narratif, aux phases de gameplay certes simplistes mais néanmoins correctes. Reste juste à comprendre ce qui peut faire la force d'un tel concept plutôt plat en apparence.


En premier lieu vient l'évidence : la mise en scène en béton armé. Le jeu est beau, la DA tape juste, l'immersion dans un morceau de Moyen-Âge se fait sans souci aucun. Dans cette optique une attention toute particulière a été donnée au sound design et cela se ressent particulièrement, jusque dans les moindres détails comme la respiration des personnages qui peuvent exprimer tellement de choses. Je tenais à souligner ce point.


Toujours pour régaler nos oreilles, le doublage français est sensiblement mieux travaillé qu'à l'ordinaire, et cela fait du bien. La VF est en effet plutôt exceptionnelle tant par les timbres que par les intonations et les phrasés. Ces derniers sont à la fois naturels et teintés d'un certain charme désuet, notamment dans les jurons. De quoi ajouter un petit raffinement au titre pas piqué des hannetons.


Côté histoire ça se suit bien. On est pris dedans, les personnages sont suffisamment intéressants pour qu'on ne veuille pas les lâcher en cours de route. Malgré toutes mes craintes initiales, il s'avère que même le petit Hugo (qui par sa nature d'enfant devrait normalement m'agacer au plus haut point) évolue favorablement au cours du périple. Mieux, il devient même utile dans la seconde moitié du jeu : qui l'eut cru. En effet, Hugo est le pilier de ce jeu, tout en étant à la fois sa force et sa faiblesse. Il est l'archétype du petit frère crispant, tête à claque et charge mentale pour sa sœur (et par extension pour le joueur). Ceci dit leur relation prend une tournure nouvelle après le twist du jeu. Hugo gagnant à ce moment en maturité, le duo protecteur / protégé se transforme doucement en véritable binôme, faisant enfin évoluer notre irritation initiale en intérêt pour cette fratrie somme toute attachante.


Enfin, le gimmick des rats est globalement rafraîchissant. Ici l'on peut voir un godet à moitié plein (palette d'actions enrichie par ce biais) ou à moitié vide (le petit côté surnaturel pouvant refroidir sur le dernier quart du jeu, notamment sur le final battle un peu exacerbé).


Donc effectivement, on accroche, ou pas. Et hélas, les raisons de décrocher sont multiples, expliquant probablement les clivages autour du jeu.


Je parlais d'immersion par la mise en scène, mais pour être tout à fait honnête, celle-ci se voir régulièrement parsemée de petits mécanismes un peu trop "jeu vidéo", les rendant plus poussifs que naturels. Je veux dire par là que le jeu impose souvent des actions un peu tordues alors que les personnages pourraient se tirer des situations de manière bien moins alambiquée : pourquoi toujours avoir besoin de cailloux pour taper un objet sonore lointain, alors que l'on pourrait simplement jeter un objet bruyant se trouvant à proximité ? Pourquoi faire le tour d'un quartier, là où escalader une simple étagère ou sauter au-dessus de quelques rats pourrait faire l'affaire ? Pourquoi ne pas stocker plusieurs bâtons/torches au lieu de toujours n'en garder qu’un(e) sur nous ? Etc.


Le gameplay, encore et toujours lui. Malgré un petit enrichissement sur la durée, son manque de profondeur ne sera pas pardonné par tous. La principale illustration de ce fait est l'orientation furtivité du jeu : cette dernière est tout à son honneur, mais construite de manière vraiment rudimentaire. 90% du temps, se baisser équivaut à un permis d'avancer, peu importe que votre tête dépasse d'une cachette, et peu importe que ladite cachette soit pleine de trous permettant de discerner nos mouvements.


Enfin l'histoire est certes prenante, mais dotée d'une écriture parfois un chouilla maladroite : manichéisme par-ci, scènes parfois ridicules par-là (une mort notamment donne des envies de claques), quelques passages peu clairs également. Mais peut-être ce dernier point se résout-il dans le 2e épisode ?


Je ne conclurai pas cet avis en disant de Plague Tale qu'il est un "Last of Us à la française" comme j'ai pu le lire çà et là, pour la simple et bonne raison que je n'ai pas -encore- touché à ce dernier. Je dirais simplement qu'en connaissance de cause, je pense avoir su profiter du jeu pour ce qu'il avait à offrir, et ma foi je ne regrette en rien le périple qui m'a été proposé. La meilleure preuve de tout cela étant, je suppose, que je me ferais bien le 2e opus un jour, tiens.

Kaiser-Panda
7
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le 23 déc. 2023

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Kaiser-Panda

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