Dans la catégorie des jeux vidéo d’aventure sans difficulté et à l’ambiance toute calme et mignonne, un petit jeu va émerger d’Humble Bundle via l’abonnement Humble Monthly en 2019 pour s’imposer comme l’une des références du genre : A Short Hike. Fait principalement par un seul développeur canadien inconnu jusqu’alors : Adam Robinson-Yu, qui avait simplement expérimenté plusieurs développements amateurs de jeux vidéo et de logiciels, A Short Hike promet son titre : une petite randonnée, mais qu’est-ce qu’on peut tirer d’un concept aussi modeste ? Et bien c’est ce qu’on va découvrir.
GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★☆☆☆
Ouvertement inspiré par la mécanique d’endurance de Breath of the Wild au cœur d’une philosophie de jeu portée sur l’exploration, le gameplay de A Short Hike repose essentiellement sur l’endurance de notre personnage qui saura à même de voler toujours plus haut et plus loin au fur et à mesure de la progression. Les mécaniques de jeu sont enseignées avec clarté et subtilité, sur le modèle d’Animal Crossing dont les inspirations sont là-aussi assumées par le développeur tout en étant d’une très grande simplicité, on ne va pas se le cacher.
La prise en main est immédiate et plaisante. La mécanique de jeu centrale, celle de planer, permet de faire des petits piqués pour que les déplacement longs ne soient pas soporifiques et laisse derrière elle des petites traînées pour parfaitement appréhender la trajectoire malgré la vue isométrique. Si ça n’ira jamais vraiment plus loin ce sont des bases solides sur lesquelles le jeu pourra se reposer sans difficulté. Et ce n’est pas le monde à explorer qui va apporter cette difficulté non plus qui n’a clairement pas sa place dans cette proposition ludique.
Le monde ouvert repose sur un chemin principal très facile à emprunter mais jalonné de passages annexes regorgeant de mini-jeux à la prise en main et au plaisir de jeu immédiats ainsi que de micro-récompenses à collecter, parfois bien utiles venant récompenser très pertinemment le petit effort d’exploration attendu par ce jeu dépourvu de carte. Un effet de contour des objets permet d’assurer la lisibilité des éléments avec lesquels interagir malgré la pixellisation, il n’y a vraiment aucune chance d’être mis en difficulté et encore moins d’être bloqué ou K.O.
Il existe bien des manières de débloquer une nouvelle capacité importante, histoire d’être sûr que le joueur ne passe pas à côté de l’essentiel et ne se sente pas non plus obligé de fouiller chaque cm² s’il veut bien un peu explorer mais pas trop non plus, même perdre à un défi peut tout de même suffire à être récompensé pour être sûr qu’on ne soit pas frustré, et on est d’ailleurs récompensé constamment, même un tout petit peu, au fil de notre progression… toute l’expérience de jeu est pensée pour faire preuve d’une accessibilité à toute épreuve.
Cela veut donc dire peu de challenge, voire tout simplement aucun, mais c’est le concept-même du jeu et on serait tenter d’en dire autant au sujet de la principe limite à toute ça est dans le titre : une courte durée de vie, d’une petite heure en se concentrant sur l’objectif présenté au début, pouvant aller jusqu’à quatre heures si l’on cherche à faire tout ce qu’il est possible tout en prenant le temps de profiter de l’ambiance. Certains diront que ça mérite la gratuité ou le prix libre, d’autres diront que l’ambiance le justifie c’est peut-être sur ça que le jeu doit être évalué principalement, voyons ce qu’il en est.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆
A short Hike se présente comme un monde ouvert en 3D, pixellisé par défaut mais pouvant être lissé, avec une vue isométrique et quelques points d’observation à la première personne. Je ne suis pas très fan de ce style visuel pour ne rien vous cacher, encore moins du décor distant qui apparaît sous la forme de contours crayonnés pas très jolis. Même si ça permet au jeu d’être fluide et que ça s’explique par les moyens de développement rudimentaires, c’est vraiment la très bonne direction artistique qui pour moi apporte une vraie compensation.
Inspiré par les randonnées canadiennes que le créateur affectionne, la palette de couleur étant calée sur celles des paysages du bouclier canadien en automne, nous retrouvons ainsi la sensation d’escalader paisiblement une montagne tout en nous offrant le luxe de prendre de notre temps, d’apprécier l’ambiance des lieux… Des références visuelles explicites rendent un hommage appréciable à des sites de randonnées réels comme le Parc provincial Algonquin, le premier du Canada ou encore la tour de guet du Mont Pilchuck, l’un des sentiers les plus populaires dans l'État de Washington aux États-Unis.
AdamGryu déclare ainsi :
Je suis tombé amoureux de la randonnée et j’ai commencé à m’interroger sur la possibilité de retranscrire cette expérience dans un jeu vidéo. Je voulais capturer des instants spécifiques, comme le moment de répit qui nous attend une fois au sommet ou le fait d’observer le paysage sous une nouvelle perspective. Mais, surtout, je voulais essayer de recréer ce sentiment de méditation paisible que l’on ressent en explorant le monde qui nous entoure.
(source interview le 05/08/2021 sur le PlaystationBlog)
Le prétexte scénaristique de rechercher à atteindre le sommet pour se connecter au réseau, pose ainsi la problématique de la déconnexion pour se sentir réellement connecté à la nature, proche des gens et être en paix, et tout élément scénaristique qui suivra est pensé exclusivement pour renforcer cette ambiance. Un tuto pour un jeu de pêche est l’occasion de souligner l’importance de patienter, un tuto pour un match de sport est l’occasion de t’encourager à avoir confiance en toi, la rencontre avec une peintre est l’occasion d’un petit discours sur l’importance de se fier à notre perception des choses sans trop se soucier du regard des autres...
Et c’est mêlé à des jeux et des activités dans des décors dignes de vacances estivales où la détente est le maître mot avec plein de petites situations burlesques et les jeux enfantins entre construction de châteaux de sable et partie de volley-ball sur la plage. Le design d’oiseau cartoon de la protagoniste Claire et ceux d’autres animaux tous plus mignons et rigolos les uns que les autres pour les PNJ rencontrés viennent s’insérer dans cet univers visuel très naturellement, tout comme les dialogues dont la typographie s’adapte au ton des répliques tout en respectant ce cahier des charges mignon.
L’OST composée par Mark Sparling, dont c’est le premier travail notable dans le milieu du jeu vidéo, se distingue notamment par un ton folk très agréable et par son thème principal évolutif en fonction de la région parcourue et avec des instruments choisis et joués en cohérence avec nos actions, instruments à corde au rythme de notre envolée, trompettes selon la vitesse du bateau… C’est le seul aspect du jeu qui n’a pas été porté par son développeur et on voit bien que le travail est celui d’un professionnel dédié à la question, quand bien même inconnu.
CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆
Une petite randonnée peut ainsi être une expérience de jeu plaisante et apaisante dans une ambiance douce et un univers mignon sans jamais prétendre à autre chose. A Short Hike n’est pas plus prétentieux que ça et à partir du moment où c’est ce que l’on vient chercher, on ne peut que passer quelques heures de jeu agréables avec cette très sympathique ascension de Claire. Entre 2 titres plus ambitieux et plus complexes ou encore à la sortie d’une expérience anxiogène ou nerveuse, A Short Hike est une référence du genre dont il serait dommage de se priver.