Qu’elle est cruelle, la dissonance entre l’ambition proclamée et l’accomplissement effectif. Avowed, que l’on attendait comme une épopée lyrique capable de hisser le RPG occidental vers de nouveaux sommets sur Xbox Series X, s’inscrit hélas dans la lignée de ces œuvres dont le vernis initial dissimule mal la vacuité structurelle. À mesure que l’on progresse dans l’univers d’Eora, une impression tenace s’installe, celle d’un projet qui, bien qu’architecturé avec sérieux, échoue à s’animer de cette étincelle intérieure qui distingue le mémorable de l’oubliable.
Dès les premières minutes, pourtant, le titre s’impose avec un faste certain. Les panoramas sont amples, parfois majestueux, et la lumière semble baigner les paysages avec une délicatesse picturale rare. La nature semble respirer, les ruines suintent l’histoire ancienne, et tout semble inviter à l’exploration méditative. Mais très vite, ce monde qui s’offre à nous se révèle être une coquille presque vide. Loin d’être un théâtre vivant, il n’est qu’un décor peint, animé d’une existence artificielle. Les personnages non jouables, figés dans des routines mécaniques, n’interagissent que de manière formelle, comme s’ils récitaient un texte appris sans conviction. Le joueur, dans sa déambulation, devient spectateur d’un monde qui refuse obstinément de s’émouvoir.
Le cœur ludique du jeu, centré sur le combat et la magie, témoigne d’un savoir-faire certain, mais demeure paradoxalement prisonnier de sa propre efficacité. Tout y est fonctionnel, presque scolaire : parades, sorts, armes, tout répond avec une précision attendue. Mais rien ne surprend, rien ne bouscule. L’exaltation cède rapidement à l’ennui, tant les affrontements peinent à se renouveler. L’adversité elle-même semble générée par un algorithme soucieux de cohérence mais insensible au vertige de l’inattendu. En somme, le jeu se contente d’illustrer un cahier des charges sans jamais le transcender.
Quant à la narration, autre pilier essentiel du genre, elle se montre étrangement désincarnée. L’intrigue, nourrie d’enjeux mystiques et politiques, avance sans élan, comme lestée par une écriture qui se refuse à l’incandescence. Les dialogues, s’ils ne sont jamais maladroits, manquent d’épaisseur, et les figures qui jalonnent l’aventure ne laissent guère de traces dans la mémoire. On perçoit ici l’ombre d’une ambition intellectuelle avortée, une volonté de complexité bridée par un souci de clarté accessible. À trop vouloir plaire à tous, Avowed se dilue dans une neutralité stérile.
Plus grave encore, la technique vacille, et ce, particulièrement sur Xbox Series X. Des ralentissements fréquents, des plantages inexpliqués et une instabilité chronique viennent parasiter l’expérience. Ces errements techniques ne sont pas de simples accros dans le tissu ludique ; ils sapent en profondeur le lien fragile entre le joueur et l’univers proposé, comme si le jeu lui-même renonçait à soutenir l’illusion qu’il cherche pourtant à tisser.
Le constat final, s’il n’est pas totalement accablant, demeure implacable : Avowed est un jeu appliqué, parfois élégant, mais désespérément froid. Il ne trahit pas tant un manque de moyens qu’un défaut de souffle. Là où l’on espérait une œuvre habitée, on découvre un produit calibré, plus soucieux de cocher des cases que d’incarner une vision singulière. Le RPG, genre exigeant s’il en est, réclame du feu sacré ; Avowed ne propose que des braises tièdes.