Baldur's Gate, mais en mieux



Profitant d'une "Enhanced Edition" enfin Enhanced après de nombreux (trop nombreux ?) patchs, j'ai pu me replonger dans ce que certains considèrent tout simplement comme l'aboutissement ultime du C-RPG.


Après avoir séché Baldur's Gate premier du nom, son scénario touffu mais étonnamment très conventionnel, ses PNJs recrutables muets et son univers finalement très convenu : quelle grosse baffe que ce second opus.


Comme pour signer une rupture nette avec son prédecesseur, notre personnage et, par extension, le joueur, est volontairement désorienté dès les premières minutes. Par le premier donjon du jeu, mais aussi par un nouvel environnement bien plus "profane" que celui des portes de Baldur, à savoir le territoire d'Amn et sa tentaculaire capitale, Athkatla.
Plus généralement, les environnements forcent l'admiration, même 18 ans plus tard. Variés, colorés, tentaculaires tout en étant plus restreints (pour leur propre bien) que ceux de Baldur's Gate, le dépaysement est total.


Sur le plan du gameplay, le jeu reprend les règles Donjons & Dragons deuxième édition. Le niveau des personnages est plus élevé que dans le 1er, rendant par exemple les classes de lanceurs de sorts très intéressantes, voire surpuissantes si bien exploitées. Les combats peuvent rapidement devenir un véritable cauchemar si ces derniers ne sont pas neutralisés à temps, du fait de nouveaux sortilèges monstrueusement efficaces et très (trop ?) nombreux. Les affrontements n'en deviennent que plus passionnants.
On retrouve "malheureusement" cet aspect de microgestion des personnages, qui peut être très rebutant pour les novices. Votre barre espace souffrira peut-être d'une telle attention (la pause en combat sera juste obligatoire pour coordonner correctement les attaques et gérer le déroulement des actions). Mais, si l'on s'en donne la peine, le jeu vous le rendra.


Le jeu se permet par ailleurs une écriture bien plus inspirée et libérée que celle du 1er opus, qu'il s'agisse de sa trame principale (dont on reparlera), que sur les relations avec ses PNJs recrutables... quel plaisir de voir sa nouvelle recrue elfe noire venir taquiner la naïve (niaise ?) Aerie, venant nous soulager après 3 dialogues mièvres à souhait avec cette dernière. Puis de devoir gérer une double-romance, agrémentée de disputes entre prétendantes (prédentants avec certains mods), puis se résoudre à choisir son élue.
Ou la renvoyer balader, de façon plus ou moins cruelle (oui Aerie, je parle toujours de toi).


Plus globalement, la moindre de nos actions sera observée, critiquée, débattue par les membres du groupe (jusqu'à 5 personnages recrutables à la fois, soit 6 personnages contrôlables). Selon leur alignement, leur histoire, leurs réactions seront tantôt bienveillantes, tantôt franchement dangereuses (du départ du groupe à l'attaque pure et simple).
Les réactions aux actions du joueur s'étendent également aux PNJ non-recrutables, rendant l'ensemble très cohérent et immersif.



Une histoire de famille



Le jeu étant sorti en 2000, ma première expérience avec ce jeu aura été un aperçu bref et confus sur les genoux du paternel, exaspéré de devoir lire chaque ligne de dialogue à son insupportable gosse (et, avec le recul, il devait sûrement lire dans sa tête puis éventuellement censurer avant de lire à voix haute).


Une histoire de famille donc, bien heureusement bien différente de celle narrée par le jeu. Après la victoire de notre personnage sur Sarevok dans Baldur's Gate I, nous apprenions que ce cher Bhaal (dieu du Meurtre, retraité) avait pris bien plus de bon temps que prévu, et qu'au lieu d'un unique beau-frère décédé, il y avait plusieurs centaines de gosses divins dispersés à travers le monde.


Le principal antagoniste du jeu, le mage Irenicus, est selon moi l'incarnation même du fossé qui sépare BGI de BGII. Complètement cinglé, profondément torturé, mais finalement pas si monstrueux (dès la première heure du jeu, les indices influent), pas si manichéen... un anti-Sarevok en puissance, que l'on apprendra à haïr autant qu'on apprendra à le prendre en pitié.
Loin du complot à grande échelle du 1er, on est ici sur une quête plus intimiste, à la recherche de son identité (pas si facile d'être un demi-dieu paraît-il), mais aussi à la recherche d'une amie disparue. De nombreux choix moraux seront proposés, ainsi que des choix de factions qui influeront sur des segments imposants de l'histoire.


L'aventure s'étendra sur une bonne cinquantaine d'heures (en rushant), et plutôt une centaine d'heures en prenant le temps. Une durée de vie assez conséquente, compte-tenu de la rejouabilité du jeu.



Mais finalement, c'est bien ?



Et bien, oui.


Le jeu a vieilli sur de nombreux aspects, et la réédition n'aura été qu'un bisou magique sur une plaie carotidienne : interface dépassée, modèles 3D à la ramasse contrastant avec des décors plutôt bien conservés, règles D&D2 très complexes et redondantes, classes déséquilibrées, et cette foutue MANIE de ne proposer que des PNJs multiclassés mage/voleur sans proposer de véritable voleur pur. Sans compter les quelques bugs, dont certains sont propres à la "Enhanced Edition" (c'est balot).


Mais sur le reste, il est difficile de devoir admettre qu'un tel niveau d'excellence n'aura jamais été atteint sur un jeu équivalent. Certains ont essayé (Pillars of Eternity) sans vraiment réussir à reproduire l'exploit, d'autres s'en approchent furieusement (Dragon Age : Origins, mais aussi la fabuleuse et injustement oubliée extension de Neverwinter Nights 2 : Mask of the Betrayer).


Mais 18 ans plus tard, le jeu détonne par ses qualités intemporelles : sa bande-son d'anthologie (par un Michael Hoenig dont la carrière dans le jeu vidéo aura été pour le moins éphémère), son écriture, ses personnages cultes, la générosité de son univers, ses rebondissements... il est difficile d'énumérer de façon précise les qualités incontestables de ce jeu, mais il est encore plus difficile de mettre le doigt sur ce qui fait le lien entre toutes ces qualités. La nostalgie d'une époque bénie du C-RPG à la Black Isles, les reviviscences des souvenirs des dizaines d'heures passées dans l'univers de la Côte des Epées ? La quête de cette réponse m'imposera peut-être de recommencer le jeu une troisième fois.


Et j'attends ça avec impatience.

Tirpaud
9
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le 6 juin 2018

Critique lue 322 fois

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Tirpaud

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