Banjo-Kazooie
7.8
Banjo-Kazooie

Jeu de Rareware, Nintendo et Xbox Game Studios (1998Xbox 360)

La Nintendo 64 il va nous falloir porter, sinon la Playstation 1 va nous humilier

Si Super Mario 64 a posé les bases du jeu de plates-formes en 3D sur sa console comme sur toute sa génération de console, il fallait encore des jeux pour reprendre le concept, se le réapproprier avec une certaine identité tout en enrichissant la formule, Rareware s’en est chargé 2 ans plus tard, au cours de l’extra-ordinaire année 1998 sur la Nintendo 64 avec une toute nouvelle saga, celle de Banjo-Kazooie. C’est Gregg Mayles qui dirige le projet, c’est son premier en tant que game-director mais il était lead designer sur les deux premiers Donkey Kong Country, ce n’est donc certainement pas un débutant. La critique étant longue, je vous propose cette superbe reprise de thème de Gruntilda et de ses nombreuses variations par PPF.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★☆☆



Le succès de Super Mario 64 a bouleversé le game-design original pensé pour le jeu, qui était auparavant avec une caméra beaucoup plus proche et des environnements plus clos, pour au final un game-design très proche du plombier mais réapproprié et enrichi, ce qui ma va très bien. La caméra est assez reculée pour voir le vaste environnement à parcourir, et si elle ne se placera pas toujours très bien, tare quasi incontournable de la génération, les moyens de la contrôler manuellement compensent un minimum le problème. Le tutoriel, qui a le bon goût d’être facultatif, enseigne avec beaucoup d’efficacité les subtilités du maniement qui se débloquent une à une pour aller chercher collectibles divers et variés dans une série de niveaux auxquels on accède par l’intermédiaire d’un niveau faisant office de hub central, comme pour le château de Peach et ses tableaux.


La palette de mouvements est finalement très large, le fait de contrôler un personnage ou un autre du binôme justifie bien des actions très diverses, une certaine inertie selon les positions fournit un bon plaisir de jeu une fois maîtrisée et l’association de touches aux personnages permet de conserver une ergonomie d’excellente facture. On retrouve ainsi l’utilisation de la gâchette pour s’accroupir et ouvrir la possibilité de mouvements inédits dans cette position. À tout ça s’ajoutent les bonus temporaires à débloquer, les transformations en animaux avec leur propre maniement… pour un gameplay très riche pour lequel tous les mouvements ont leur utilité, en dehors peut-être de l’attaque au poing de base mais comme elle a ses substituts ce n’est pas vraiment dommageable.


Chaque niveau repose sur des mécaniques de jeu qui lui sont originales avec un level-design de grande qualité et d’une certaine complexité, le jeu m’a littéralement bluffé par ses ambitions sur cette question et se hisse clairement parmi ce qui se fait de mieux dans le genre de la plate-forme 3D sur toute sa génération et peut-être même au-delà. Par ailleurs, la possibilité de les parcourir intégralement très vite par différents moyens après en avoir vu les zones une par une est assez impressionnante. Ces niveaux fourmillent de découvertes à faire et de collectibles à récupérer mais ça prendra la forme de petites quêtes scénarisées, de mini-jeux originaux… et chacun de ces collectibles a une utilité concrète à un moment.


Toujours dans l’inspiration de Super Mario 64, tout collecter n’est pas nécessaire pour voir l’essentiel du jeu et c’est un sacré soulagement. D’ailleurs, le premier boss final, si l’on peut dire, est très difficile mais aussi ingénieux en livrant une vision très particulière de cette logique de demander au joueur de réinvestir tout ce qu’il a appris au fil du jeu pour en venir à bout. J’ai trouvé dommage que Rare n’assume pas totalement cette direction en revenant à un combat de boss final plus classique, mais aussi très réussi pour sa vraie fin où là il faut quasiment finir le jeu à 100 %. Malheureusement, pour y parvenir il faut compter avec un système de respawn et de vies frustrant qui nous contraint à de longs aller-retours pour retenter notre chance dans les niveaux les plus avancés du titre.


Même échouer à certains puzzles à la fin desquels on ne meurt pourtant pas du tout nous fera quand même perdre une vie. La version N64 originale, et non ses portages futurs sur les consoles Xbox, présentaient aussi un défaut dans la sauvegarde des notes de musiques et les collecter de nouveau pour débloquer les portes étaient une erreur grossière allant dans ce sens d’un manque d’ergonomie dans le système de progression. Il est aussi dommage que les pièces de puzzle ne soient pas enregistrées très spécifiquement une fois collectées, avec des noms ou des descriptions, qui nous aideraient à nous rappeler ce qui a été fait ou non, si on veut revenir sur un niveau incomplet au premier run.


L’autre défaut que je pourrais relever sur la question c’est que la courbe de difficulté n’est pas toujours maîtrisée avec des niveaux plus difficiles, et aux secrets mieux cachés, que des niveaux qui l’ont précédé, malgré un début de jeu exemplaire sur la question. Dans l’ensemble ça se tient bien, mais ce n’est pas non plus une maîtrise totale à mes yeux. Un bon exemple à ça : ça serait quelques énigmes parfois idiotes, comme des hublots tous identiques dont certains cassent, d’autres non, et il faut comprendre dans un premier temps que tu peux les casser, rien ne l’explique d’une façon ou d’une autre, et ensuite que tu essayes sur tous l’attaque. C’est un peu nul de tourner en rond et de perdre du temps pour ça, mais pas assez souvent non plus pour constituer un réel défaut portant atteinte à un gameplay riche, ambitieux et diversifié. Et ce n’est pourtant pas sur cet aspect que je serai le plus élogieux.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★☆



La Nintendo 64 était une excellente console pour rendre de la 3D non réaliste et Banjo-Kazooie est l’une des meilleures illustrations à cela. Si les arrières-plans sont forcément très flous parce que les miracles c’est compliqué, le niveau de détail est grand sur les modèles 3D, les couleurs sont vives en plus d’être bien choisies, la fluidité est satisfaisante et même exemplaire sur les consoles Xbox, les niveaux sont très grands avec des constructions en verticalité qui donneront le vertige… avec les petits effets tels des cerises sur le gâteau, la volumétrie pour la surface de l’eau, la diffraction lumineuse pour les plus fortes sources de lumière… Banjo montre que la Nintendo 64 peut aller bien plus loin que sa concurrence à la même époque et ce n’est pas rien à un moment où la machine se fait distancer commercialement.


En dehors de quelques environnements assez sombres, limite glauques, la direction artistique environnementale est aussi diversifiée et joyeuse que l’on peut l’attendre pour ce type de jeu. Parfaitement dans le ton enfantin assumé, certaines thématiques festives comme Noël ou Halloween répondent présents à travers certains décors, designs d’ennemis… Les environnements humains géants par rapport à Banjo assurent une mise en scène réussie tout en restant dans un ton assez fantastique justement malgré la présence d’éléments qui rappellent notre monde. De plus, le choix des tableaux comme premier contact visuel avec un monde n’est pas sans constituer un sympathique clin d’œil à sa référence principale tout au long du jeu.


Le chara-design s’inscrit parfaitement dans l’esthétisme de cet univers burlesque. On retrouve des mascottes animales avec suffisamment d’excentricités pour avoir une petite identité, le design des ennemis est plutôt grotesque pour coller à l’univers et explicitement antagoniste, certains PNJ amicaux sont aussi des petites surprises par leur allure effrayante qui laissaient présager un combat contre eux, il y a assez peu de recyclages avec beaucoup de créatures inédites dédiées à leur environnement… Le design des collectibles est également très cohérent avec leur fonction et contribuent à l’identité visuelle du titre, mais aussi à son identité sonore.


L’OST, composée par Grant Kirkhope qui avait déjà travaillé sur une autre grosse production de Rare sur N64 avec 007 Goldeneye, est d’une efficacité à toute épreuve avec des thèmes très entraînant ou relaxant pour l’essentiel, avec une identité sonore très marquée pour l’environnement auxquels ils se rapportent. Il m’a été impossible de me retenir de chantonner, très mal mais avec enthousiasme, la plupart de ces thèmes en jouant, les mélodies se retrouvant souvent d’une musique à une autre mais avec un rythme, des instruments… différents. Il ne m’a pas été difficile de retrouver chacune de ces musiques lors d’un blindtest que le jeu propose lui même vers sa fin, preuve manifeste de leur efficacité.


Mais ce qui est particulièrement notable vis-à-vis de la musique c’est qu’elle est dynamique à un point assez formidable, déjà très mise en avant dans l’écran titre et de sélection de la sauvegarde, une bien belle manière d’introduire ces intentions artistiques. Elle s’adapte toujours très bien à la situation de jeu avec des variations en temps réel selon si l’on est sous l’eau, près ou éloigné d’un ennemi en particulier ou de l’une de ses attaques… ce n’est pas juste le passage d’un thème à un autre mais un même thème en différentes variations instrumentales, de volume… avec beaucoup de thèmes en plein de variations différentes, toutes réussies et pertinentes.


Le sound-design bénéficie également de cela avec des collectibles qui vont par exemple émettre un certain son quand on s’approche d’eux pour nous indiquer leur présence. Par contre, les voix prenant la forme de cris d’animaux répétés à l’identique peuvent vite être désagréables, ça c’est un peu dommage, même si elles ont au moins le mérite d’être propre à chacun et de participer à clairement les identifier. En dehors de ces quelques légères réticences personnelles, la réalisation comme l’esthétisme m’ont régalé aussi bien sur le plan visuel que sonore.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆



Revisitant le conte pour enfant avec sa méchante sorcière jalouse de ne pas être la plus belle du royaume et la quête du vaillant héros masculin à la rescousse de la malheureuse demoiselle, Rare ne va pas bien loin avec son scénario mais l’assume complètement avec son histoire humoristique, enfantine et cohérente. C’est très exactement ce à quoi on peut s’attendre pour ce type de jeu et rien ne trahit des ambitions particulières sur la question, c’est donc avec cela en tête que je critique cette partie-là du titre, sans doute la moins importante.


Le simple fait qu’il y ait un certain retrait de la partie scénaristique sans qu’elle soit non plus complètement absente est déjà un bon point puisque le joueur qui n’en a rien à faire ne sera pas pollué par une quantité de dialogues qui viendront casser le rythme de son aventure ludique. La quasi-totalité des dialogues, hors intro et fin, comportent souvent une raison ludique, comme un indice pour une énigme, le déclenchement d’un script pour une nouvelle séquence de jeu, l’explication d’une nouvelle mécanique…


Les personnages se veulent tous plus amusants les uns que les autres, les héros n’arrêtent pas de se chambrer entre eux dans la bonne humeur quand ce n’est pas l’antagoniste qui nous provoque, protagoniste comme joueur. Ça colle assez bien avec l’ambiance joyeuse du titre. Comme souvent chez Rare, le quatrième mur est brisé au nom de cet humour, avec Gruntilda qui se moquera de notre façon de jouer, avec Mumbo qui nous dira qui se garde les meilleurs sorts pour « Banjo 2 »… comme la trame ne se prend jamais au sérieux ce n’est pas un problème du tout.


L’antagoniste a pour particularité de parler en rimes, renforçant d’autant plus l’aspect conte pour enfant, et la traduction française est tout à fait hilarante par moment avec des expressions souvent tirées par les cheveux pour faire la rime et garder le sens. Ça peut aussi être un peu ridicule à d’autres moments, la rime peut être manquée… mais dans l’ensemble et au vue de la quantité de ses interventions c’est vraiment bien écrit et amusant. Ça permet aussi de se détendre à des moments où on peut être un peu perdu et frustré, ce qui n’est vraiment pas un mal une seconde.


L’humour passe aussi par les animations très burlesques des personnages mais là on peut vite tomber dans la vulgarité, un mouvement qui consiste littéralement à faire prout, je ne suis pas convaincu qu’il y avait besoin d’aller si loin pour essayer d’être grotesque, mais ce n’est pas non plus trop appuyé. Tout ceci reste bon enfant et amusant, si ce n’est pas là que le jeu peut briller le plus, ce qui est quasiment inévitable dès le départ de par son genre, je n’ai rien à réellement reprocher au titre sur la question là où d’autres de ses concurrents peuvent même échouer à contextualiser leur quête, à justifier des mécaniques… ce qui n’est pas le cas ici.



CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆



Banjo-Kazooie remporte haut la main son défi de se réapproprier le game-design de Super Mario 64 pour proposer un nouveau jeu de plates-formes 3D à la N64 aux ambitions techniques, esthétiques et ludiques parmi ce qui se fait de mieux sur sa génération. Malgré quelques écueils mineurs pouvant rendre le jeu un peu frustrant ou vulgaire à l’occasion, la richesse des mécaniques et la diversité des séquences de jeu, l’identité visuelle et sonore unique, l’humour efficace des dialogues et situations… font de Banjo l’un des meilleurs représentants de son studio, de son genre et de sa console.

Créée

le 8 déc. 2019

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damon8671

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