Ce jeu, on me l’avait offert il y a fort fort longtemps.
Je ressortais à peine d’« Arkham Asylum ». Je voulais laisser couler un peu d’eau sous les ponts avant de me replonger dans un univers « Batman », surtout que tout ça avait l’air d’être un brin banal au regard de tous ces jeux en open-world qui sortaient à cette époque…
Ainsi l’eau a coulé, beaucoup…
Quant à cet « Arkham City » il a pris la poussière au fond d’une armoire…
…Avant qu’il ne ressurgisse presque naturellement.


C’était le mois dernier.
J’étais dans un petit trip rétro, et cet « Arkham » s’est soudainement rappelé à moi.
L’appel était venu de loin. Il était venu de l’Ouest américain.
Parce qu’en effet, lors des longues périodes de confinement de l’an dernier je m’étais risqué à reparcourir « Red Dead Redemption » premier du nom et j’avais été séché de constater à quel point ce jeu foutait une raclée à tous les « Witcher », « Ghost of Tsushima » et consorts.
L’air de rien « Red Dead Redemption » était d’une efficacité redoutable de par son bon équilibre taille / remplissage / intrigue. C’était ni trop grand ni trop petit. Ni trop rempli ni pas assez. C’était juste impeccable (…ou presque, mais là n’est pas la question).
Et si je prends la peine de rappeler tout ça c’est bien évidemment parce cet « Arkham City » date pratiquement de la même période que « Red Dead » et qu’il a clairement été pensé dans la même veine.
Et l’air de rien, sur pas mal de points, cet épisode là inflige une belle leçon à tous les triple A sortis dernièrement…


Et la première leçon, elle débarque dès l’intro.
Pas de cinématique à rallonge. Pas de tuto interminable. Pas de scène d’action qui part dans tous les sens et qu’on subit plutôt qu’autre chose. Non…
« Arkham City » nous plonge dans son monde comme il faudrait qu’on le soit à chaque fois dans un jeu vidéo d’aventure.
On commence faible et vulnérable. Entravé. En tant que Bruce Wayne. Ne pouvant rien faire.
On pose un cadre. Un lieu. Et surtout une tension.
Commence alors une première lutte sommaire. On découvre les boutons un à un. On s’enfuit. On doit sauter de conduites d’aération en plateformes – rien d’extraordinaire – mais le minimum nécessaire pour comprendre progressivement – étape par étape – la dynamique du personnage.
Ainsi on arrive sur le toit pour que l’ensemble de l’aire de jeu se révèle à nous. Et c’est dans ce contexte que notre costume de Batman nous arrive.
C’est juste im-pec-cable.
En termes de mise en scène, de pédagogie et de montée de tension, on ne pouvait pas mieux faire.
Franchement, prenez-en de la graine messieurs et mesdames les concepteurs de 2021…


L’autre point fort, c’est d’ailleurs ce monde ouvert.
Assez ramassé mais très dense, il remplit parfaitement son rôle de lieu qu’il convient d’explorer et avec lequel il faut se familiariser.
De nos jours les open-worlds sont bien trop vastes et découragent une vraie exploration de fond. Et à raison puisque la plupart du temps il y a rien à explorer…
Dans « Arkham City », chaque recoin peut cacher un défi de l’homme-mystère où une zone d’entrainement.
Mieux que ça, vu qu’il va falloir plus d’une fois crapahuter dans cet endroit, il n’est jamais inutile de prendre ses repères. Soit des tours pour mieux se repérer. Soit des chemins pour mieux traverser la ville à toute vitesse. Parfois même des appuis, des plateformes, ou bien même de simples cabines téléphoniques…
Jouer à « Arkham City » sur les premières heures fut ainsi assez jouissif me concernant dans la mesure où le jeu m’invitait à prendre mes marques, à me familiariser et – mieux encore – où à me faire apprivoiser le lieu de telle manière à ce que – progressivement – on passe de du statut de proie à celui de prédateur.


Et puis enfin – parmi les qualités évidentes de ce titre – difficile de ne pas louer la narration par l’environnement.
Chaque décor est travaillé et unique. Parcourir un lieu c’est vraiment parcourir les entrailles du personnage principal du jeu : le quartier d’Arkham.
En cela le jeu respecte vraiment bien la licence qu’il entend porter sur console. L’atmosphère est vraiment habilement retranscrite, jusque dans les musiques et les choix de doubleurs français qui sont les mêmes que ceux du dessin-animé de Bruce W. Timm.
Bref encore un point sur lequel la leçon relève presque de l’humiliation pour les jeux d’aujourd’hui car on est vraiment à mille lieues des villages tous identiques de « Tsushima » ou des autres contrées witcheriennes…


Tout ça mis bout-à-bout constitue déjà la base d’un jeu plus que séduisant, surtout que le gameplay est très conciliant et les mécaniques de jeu ne sont pas embourbées d’arbres – que dis-je de forêt amazonienne – de compétences.
Les combats sont simples et anecdotiques mais présentent le mérite d’être fluides (ou presque) et de bien s’inscrire dans l’esprit d’un Batman.
De même les donjons comportent toujours quelques mécaniques un brin labyrinthiques histoire de briser la monotonie des cheminements auxquels nous invite ce jeu.
En d’autres mots, « Arkham City » est incontestablement un jeu maitrisé et bien calibré.
Une expérience ludique bien mieux équilibrée qu’un triple A d’aujourd’hui…


Malgré tout « Arkham City » n’est pas non plus une révolution de jeu vidéo, ni non plus un bijou de game-design.
Et si d’un côté le titre sait respecter avec intelligence les attentes de son époque, il ne les transcende pas non plus.
Dans le domaine de l’écriture et du design des personnages, c’est par exemple très moche.
Les mecs sont d’immenses malabars bodybuildés à l’extrême tandis que les nanas passent leur temps à tourner du cul.
Les costumes sont laids. Les dialogues sont plats.
Et si je parle autant des personnages c’est aussi parce que cet « Arkhma Ciry » entend nous arroser ad nauseam avec ça.
Vu que les gars de chez Rocksteady disposaient de tout le catalogue de l’univers Batman, ils ont décidé d’en foutre partout, à toutes les occasions.
C’est tellement forcé que ça ressemble plus à un étalage de figurines de geek plutôt qu’à un véritable univers narratif cohérent.
D’ailleurs l’histoire principale est clairement à la ramasse de ce point de vue là.
Il ne m’a pas fallu longtemps pour que je lache l’affaire d’une histoire indigeste tissée de fils blancs, simple prétexte à enquiller les lieux et les super-vilains…
…Sur ce point-là les productions d’aujourd’hui n’ont rien à envier cet épisode, et c’est vraiment peu dire.


Niveau challenge vidéo-ludique, « Arkham City » n’est pas non plus une référence ultime.
Le chemin est balisé comme jamais grâce à la vision d’aigle. Les indices pleuvent très vite pour peu qu’on se balade quelques dizaines de secondes au lieu de résoudre l’énigme imposée.
De même, la plupart des tâches à accomplir ne nécessite aucune habilité ni aucun cheminement. Que ce soit pour pirater des portes ou manœuvrer un batarang, on reste cloisonné dans le domaine du gadget amusant plutôt que dans le vrai jeu de fond.


En fait, à bien tout prendre, « Arkham City » est plus un jeu-galerie qu’un jeu vraiment à part entière et c’est indéniablement ce qui en ferait sa limite.
Alors OK, on avance à travers les mondes comme on parcourerait les pages d’une BD, de même qu’on croise une multitude de personnages qui rappelleront toute la richesse de l’univers d’origine, mais au final on ne jouera ni ne nous immergerons jamais vraiment totalement.
Il y aura toujours une lassitude ou un boss pourri sur le chemin ; des conversations affligeantes de platitude ou bien des énigmes bateau pour nous rappeler qu’en fait on jouerait presque à un demi-jeu.


Au final, le bilan reste positif mais – on ne va pas se mentir non plus – sans l’univers Batman derrière, la sauce aurait déjà été plus aigre.
Et d’ailleurs si j’avais eu à découvrir ce jeu dans un autre contexte, peut-être aurais-je moins été séduit par l’offre en open-world qui – si on y réfléchit bien – n’a pas non plus grand-chose de fascinant à offrir, juste une bonne taille due aux limitations de l’époque.
Malgré tout la leçon reste là, et elle a été posée…


…En espérant que des producteurs contemporains prennent la peine d’y rejouer et sachent s’en inspirer.

Créée

le 23 mars 2021

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