Trop jeu pour faire film, trop film pour faire jeu
Vous savez, quand ils regardent un film ou une série, ya des gens qui ne peuvent pas s’empêcher de gueuler au héros de bouger son cul. Comme ceux qui tamponnent littéralement le bouton de saut de leur manette pour que le personnage aille plus loin ou plus haut.
Nous le savons tous, cela ne servait à rien, à part se dire bêtement qu'on aura au moins essayé de changer les choses.
Ne SERVAIT, puisque voilà Beyond Two Souls, le produit culturel qui vous permet enfin à la fois de regarder un film et de le faire progresser avec le pouvoir sans limite des Quick Time Events.
Et si vous les ratez ou bien si vous ne voulez tout simplement pas les faire (vu leur inutilité dans certains moments), pas grave ! A part quelques phases tutorielles où l'on vous forcera à taper une combinaison parfaite pour éviter une loop infinie, la majorité des échecs d'actions, tout comme les différents choix faits avant la fin du jeu, n'ont absolument aucune conséquence !
BEYOND : TWO SOULS : La quintessence du téléfilm allemand, le budget et la maltraitance sur manette en plus.
Bon, moins ironiquement :
Le fait qu'il n'y est pas de game over à proprement parlé est dû à la volonté de David Cage "d'éviter une boucle infinie disant que tu n'as pas joué au jeu de la manière à laquelle [Le game designer] voulait que tu y joue (...) Dans un jeu où l'histoire est importante, le game over est absurde" Ce serait extrêmement juste si son jeu nous donnait plus de libre arbitre.
Par exemple, la scène de l'anniversaire (c'est l'une des premières, je ne vous spoil rien). A un moment, on doit montrer nos pouvoirs, et on est obligé de le faire d'une manière qui fait flipper tout le monde (renverser des trucs, éteindre des bougies, etc), et ce sur 2-3 objets bien spécifiques. Et les autres interactions d'Aiden vont être de la même trempe : quelques possibilités prédéfinies et bien maigres qui vous frustreront parce que vous aviez pensé à autre chose ou que vous pensez tout simplement que, comme dans les autres jeux, on vous dit quoi faire bien trop souvent.
Et je peut en rajouter une couche en disant qu'un game over peut très bien constituer une vraie fin à l'histoire. Le héros n'a t-il donc pas le droit de tout simplement échouer et de ne pouvoir accomplir sa destinée ? Pour résumer, le fameux game over n'est-il pas en lui-même un élément de scénario ? ? Loupé, David, loupé.
Cette même scène est également le symbole de l'étrangeté du scénario. Celui-ci n'est pas vraiment mauvais ni exceptionnel, mais il regorge de comportements assez bizarres : pour en revenir à la scène évoquée précédemment, les gamins, qui sont tous visiblement ados ou pré-ados, décident très très logiquement de prendre Jodie pour une sorcière et de l'enfermer dans le placard sous l'escalier, tout ça le plus sérieusement du monde. Merde, je sais qu'elle vient, en plus de vous faire flipper, de niquer l'ambiance en filant un bouquin rare et ancien de E.A Poe à l’hôtesse de la fête, mais quand même. Si c'est une référence délibérée à Harry Potter (autant des scénaristes que de leurs personnages), ok, mais là ça donne l'impression qu'on a affaire à de magnifiques rednecks en puissance.
Par contre, on ne peut pas reprocher au jeu sa technique, toujours impeccable grâce au moteur de jeu et à la motion capture. L'addition d'acteurs de renom (Page et Dafoe en tête de gondole) apporte vraiment un plus à ces deux éléments. La forme est vraiment excellente, mais le fond est, comme je l'ai sous-entendu, carrément décevant.
C'est donc une ébauche de concept que nous livre donc Quantic Dream, ce qui est assez bizarre vu qu'Heavy Rain avait, lui, bien abouti. Avec la souplesse, absente de B2S, c'était un jeu bien plus film, et un film bien plus jeu. Le studio a peut-être trop voulu jouer sur le fameux effet décrit par mon introduction. B2S n'est pas vraiment mauvais, mais son manque de profit du support n'apportera pas grand chose de plus dans son ensemble par rapport à ce qu'il aurait pu être sur pellicule, sinon un blu-ray de 40€ de plus et une durée bien étalée.