Bravely Default II
6.6
Bravely Default II

Jeu de Claytechworks, Square Enix et Nintendo (2021Nintendo Switch)

C'est une question que je me suis posée, aussi bien à l'issue du jeu que finalement durant toute la partie.
Parce que s'il y a bien quelque chose qui caractérise Bravely Default II, c'est cette sensation de "pas fini".



Ça commence mal



Déjà, impossible de vivre l'introduction dans la langue que l'on souhaite.
Le jeu est doublé en anglais et en japonais. Comme je ne suis pas américain, je préfère mes jeux en version originale. Mais pour faire ce choix, il faut avoir accès à l'intégralité de l'interface de la partie en cours, ce qui ne survient qu'après une longue séquence d'intro qui présente tous les personnages et qui comporte même des séquences de gameplay. Ça commence bien.
Et justement, l'interface, parlons-en. Qu'est-ce que c'est compliqué ! En fait, c'est une constante, on sent que le jeu a été développé avec une console portable dans l'idée, un petit écran sur lequel on ne peut pas afficher grand chose. Alors on multiplie les écrans, les sous-menus, auxquels on accède par différentes touches, pas toujours les mêmes… c'est tout sauf intuitif.


Et puis, il y a le gameplay. On est lâchés sur un décor assez laid, crénelé (la résolution du jeu est très faible), caméra libre mais bridée sur l'axe vertical donc on ne voit pas vraiment où on va (et la boussole est très succincte en plus d'être visiblement restée à l'état de concept sans avoir vu de graphiste). Les ennemis se baladent sur la carte, et quand ils nous aperçoivent, nous foncent dessus. S'engage alors un combat au tour par tour.
Premier constat, le jeu permet de révéler les PV et les faiblesses d'un ennemi, et une fois ces données révélées, on peut les consulter à tout moment pendant le combat.
Ça, c'est bien.


Mais au début du jeu, et jusqu'à environ une vingtaine d'heures de jeu, on ne comprend pas ces données car à aucun moment le jeu n'explique ce qui se cache derrière telle ou telle icône (il y a pourtant une section didacticiel), et c'est seulement bien après que l'on comprend que beaucoup d'ennemis rencontrés jusqu'alors ne pouvaient être correctement battus puisque ces attaques ne sont disponibles que bien plus tard. Et en plus, les ennemis ont des resistances (voire des immunités) qui ne sont révélées qu'en les attaquant (et qui ne sont même pas enregistrées).
Et ça, c'est nul.
Pourquoi avoir fait ça dès la première zone du jeu ?
Et c'est là qu'on arrive au pire, la difficulté.



C'est difficile



Oh que ce jeu est ingrat et déséquilibré. Au début, c'est beaucoup trop difficile (même en mode facile), chaque affrontement peut très rapidement vous ramener à la précédente sauvegarde (à noter que le jeu sauvegarde automatiquement… parfois… et pas toujours intelligemment), parce que vous n'avez tout simplement pas les armes pour vous battre intelligemment. Et ça, c'est le résultat de plusieurs choses. D'abord, il existe beaucoup de types d'armes différents, et en fonction de la classe du personnage, elles sont plus ou moins efficace (6 coefficients). Ces armes, comme tous les équipements, pèsent un certain poids, et le poids des personnages est très limité. Ainsi, il n'est pas évident du tout d'être paré à toute éventualité. Et ça, ce n'est que le début. Car même si t'as réussi à acheter et équiper une dague, une hache, une lance, une épée, un bâton et un arc, et à avoir monté en niveau un mage pour aussi causer des dommages de glace et de feu, l'ennemi peut très bien n'être sensible qu'à… euh… un logo vert et blanc. Mais au moins, quand tu seras au niveau 30, tu pourras exploiter la faiblesse de cet ennemi de niveau 5.


Les premiers pas sont donc déroutants. Les commandes Brave et Default, signatures de la série (je n'ai joué qu'à celui-là) et également repris dans Octopath Traveler, sont faciles à appréhender. On démarre le combat avec un compteur de Brave pour chaque perso, et à chaque tour on gagne un Brave. Brave permet d'enchaîner plusieurs actions d'un personnage, Default permet de passer son tour, en se défendant et de gagner un Brave. C'est comme un compte en banque, tu peux dépenser tes Brave, tu peux même être à découvert, mais après tu es obligé de rembourser (et donc de subir les assauts sans pouvoir réagir). Comme tout aspect de ce jeu, c'est mal fini, par exemple tu peux ajouter des Brave (en appuyant sur la touche R), mais si tu te rends compte que pour la 5e action t'as plus assez de PM (ta reserve pour les attaques spéciales), tu peux pas annuler juste le 5e. Il faut annuler les 5 et tout refaire (chercher l'action, sa destination, etc.). Mais ça, c'est chiant sans être grave. L'équipement par contre…



L'équipement et les mathématiques



Le moins qu'on puisse dire, c'est que la gestion de l'équipement est complexe.
Chaque personnage a les mêmes caractéristiques, et sa classe principale peut se changer à la volée et va modifier ses caractéristiques avec des coefficients (6 différents). Chaque personnage a 6 emplacements, main gauche, main droite, corps, tête, et deux gri-gri.
Chacun de ces équipements impacte le poids, mais peut également influer sur tout, en positif comme en négatif : PV, PM, visée, attaque et attaque magique, défense et défense magique, esquive, rapidité, guérison, coup critique, chance d'être visé… et ces notions sont parfois interdépendantes, le poids réduit la vitesse et augmente la chance d'être visé par exemple, une arme dans la main gauche parfois n'apportera rien et un bouclier fait baisser les stats… Donc constituer un équipement demande de bonnes notions d'algèbre, une sacrée dose de prise de tête, et procure une violente envie de laisser tomber.
Mais y'a une fonction qui choisit à ta place l'équipement (les 6 à la fois) du perso. C'est une manière comme une autre de corriger un fonctionnement foireux. On te dépossède de ton initiative, parce que de toute façon c'est trop tordu. Parfois, tu choppes un nouvel équipement, et tu vois si le jeu l'attribue au perso ou pas. Intuitivement, tu l'aurais fait, mais ce que t'avais pas vu, c'est que ça augmentait le poids, ce qui réduit ta vitesse, et que ton chapeau t'apportait autant d'attaque et qu'il aurait fallu changer de chapeau parce qu'il devient trop lourd… et comme t'en as 30 et que chaque perso peut s'équiper avec tous les équipements du jeu, ben… y'a pas que le chapeau qui est trop lourd là, autant laisser le jeu se débrouiller avec ses calculs.
Bon point d'ailleurs, l'inventaire n'est pas limité en taille.
Mauvais point par contre, à cause de cette contrainte de poids, il faut tout garder (car un truc pourri mais léger du début du jeu ça peut servir), et ça fait des centaines de trucs qui se combinent. Et puis j'ai pas parlé des variables cachées (chance — on te dit jamais à quoi ça sert d'ailleurs —, probabilité de vol…).



Ça devient plus simple



À partir du troisième chapitre (15-20 heures de jeu je crois), on peut acquérir des classes qui permettent de passer outre les pics de difficulté insensés qui jalonnent le titre, mais du coup on se prend à rouler sur le jeu avec une tactique unique sans ne plus jamais, jusqu'à la fin du jeu, la faire évoluer car c'est la seule qui fonctionne à coup sûr, tout le reste, c'est super risqué. Oui, je suis faible, quand un jeu est injuste, je choisis la facilité pour quand même aller jusqu'au bout. La magie ? Très faible et couteux en resource (puis y'a genre 5 éléments mais chaque classe n'en couvre qu'un ou deux). L'altération de statut ? Les boss sont le plus souvent immunisés et on a pas le luxe de perdre un tour pour s'en rendre compte. Reste les attaques physiques directes, et pour ça il y a quelques rares classes qui deviennent des incontournables et on en restera là. Pourtant, chaque perso a une classe principale (avec des attaques qui lui sont propres et la modification de stats) et une secondaire (avec les attaques seulement). Sur la fin, j'avais un soigneur qui soigne (et ne fait rien d'autre), un défenseur qui défend (et ne fait rien d'autre), et deux bourrins qui bourrinent. Tu la sens la subtilité tactique ?



Parfois c'est joli



On se rince l'œil sur les villes, qui elles sont visuellement très réussies. Ce sont des illustrations 2D plaquées sur un décor en 3D (caméra auto), du coup ça a beaucoup de charme et à tout moment on peut zoomer en arrière pour admirer la ville. Et les musiques sont vraiment pas mal (même si c'est pas au niveau d'Octopath Traveler). Malheureusement le cœur ça reste la carte laide et hostile, et les donjons labyrinthiques, sans boussole et sans âme, avec des pièces vides et des éléments de déco placés aléatoirement…



Non mais c'est pas fini ?



Le pire, sans doute, c'est que je suis allé jusqu'au bout, que j'ai monté tous mes personnages, toutes les classes (il y en a beaucoup mais je ne préfère pas dévoiler les rares surprises du jeu), au niveau maximum, en rencontrant encore sur la fin des combats qui, si je n'avais pas utilisé mes attaques de tricheur, se seraient mal finis. Et le boss de fin, je l'ai tué sans qu'il puisse me toucher. En peut-être 5 coups il était fini. Et ça s'est terminé comme ça. Le jeu est tellement mal dosé que j'ai perdu un temps fou sur des combats de brousse ardus, tout ça pour qu'enfin un boss légitimement fort se fasse défoncer car t'as été obligé de monter en niveau dans un coin pendant des heures pour arriver jusqu'à lui.
Et là je me suis encore dit « ah, c'est fini ? ». Parce que du début à la fin, je sais pas où j'en étais, j'ai jamais réussi à me battre correctement, je n'ai gagné qu'en "trichant". J'ai pas pu, alors que j'ai voulu, faire des stratégies. Pire encore, vers les 3/4 du jeu on obtient un pouvoir très utile, qui a comme contrepartie d'annuler chaque altération positive de statut en combat. Si ça c'est pas un encouragement à ne pas jouer correctement…



Le con court les quêquêtes



J'ai pas parlé des quêtes, elles sont souvent uniquement conçues pour faire perdre du temps : va couper tel brin d'herbe indiqué sur la carte, reviens me voir, je te dirai d'aller casser un rocher au fin fond d'un donjon que t'as déjà fini y'a 2 heures, et si t'es sage t'auras une épée que tu peux acheter juste à côté ou que t'as déjà. Les coffres comme les quêtes n'offrent quasiment jamais d'objets inédits. J'ai oublié de dire qu'on peut pas se téléporter. Enfin, plus exactement, sur la carte, c'est impossible. De ville en ville, on peut, mais on arrive sur la carte. Donc à chaque fois qu'on veut se téléporter, il faut aller voir le transporteur dans le village, ensuite le jeu charge la carte, et il faut entrer dans l'autre village qui va charger aussi. Et le chargement peut prendre 10 secondes. 10 secondes, c'est rien, c'est rien sauf quand tu as déjà traversé la pampa pendant 20 minutes pour couper ta brindille, arpenté un vieux donjon que tu connais par cœur en évitant les ennemis car ça t'apportera pas un gramme d'expérience… tu retraverses la pampa pour charger la ville la plus proche, voir le transporteur, qui charge la carte, pour charger la ville, et Jean-Michel Quêquête te demande de recommencer ailleurs donc tu vas voir le transporteur. Prout.



C'est bien ce que je dis, c'est pas fini !



Et puis zut, y'a aucun sentiment de progression. J'ai jamais eu l'impression d'avoir compris, d'avoir joué finement ou intelligemment, d'avoir créé mon style, d'avoir façonné mes personnages. Et là je rentre en spoiler pour un véritable acte manqué (ça révèle l'identité d'un personnage important).


Vers les 3/4 du jeu, on découvre que l'un des quatre protagonistes est une fée. Elle a des pouvoirs, elle peut voler, elle sauve même quelqu'un comme ça. Mais… si t'as pas vu la cinématique, c'est comme s'il ne s'était rien passé. Non, tu vas pas pouvoir voler sur la carte ou accéder à des lieux inaccessibles. Non t'as pas de nouveaux pouvoirs, de nouvelle classe. C'est une fée, ça permet de faire avancer l'histoire. Elle change même pas visuellement en dehors de la cinématique.


Donc en plus le gameplay est déconnecté de l'histoire.



En conclusion, c'est dommage



Il y a pas mal de choses dont je n'ai pas parlé, mais le texte me paraît déjà super long, en plus je fais que de me plaindre :P
J'ai fini le jeu à 100% (enfin je crois… ah oui, j'ai pas dit, y'a pas de journal de quêtes non plus) en environ 80 heures. J'ai bien davantage apprécié Dragon Quest XI et Octopath Traveler dans cette veine. J'irais pas jusqu'à dire que Bravely Default II est un très mauvais jeu, mais pour moi il lui manque vraiment une période d'affinage qui aurait pu tout changer. C'est vraiment dommage, j'adore les JRPG traditionnels. Mais traditionnel ça veut pas dire tout rouillé.

Yohmi
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le 22 mars 2021

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Yohmi

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