Avant même d'entrer dans le vif du sujet, je préfère, comme d’habitude, commencer par une petite mise en contexte. Le JRPG sur PlayStation 1 fait partie de mes premiers amours vidéoludiques avec des jeux pour “les grands” oui, vous savez, les “grands de douze ans” qui ont mordu à l'hameçon du marketing de Sony nous vendant une poussée de virilité, car le support fragile d’un CD de 700 Mo, c'était l’avenir ! Beaucoup sont nostalgiques de cette époque et de nombreux remasters et remakes ont depuis vu le jour, notamment avec le style HD 2D si cher à Square Enix. Malheureusement, depuis que FFXVI se réinvente (ou se perd ?), le genre du JRPG n’offre plus de nouvelles licences et est condamné à devenir un genre de niche ciblant les trentenaires nostalgiques. Mais ça, c'était avant !
Pourquoi Clair Obscur est-il le meilleur JRPG de ces dernières années ? Ou plus simplement, pourquoi un studio d’une trentaine de personnes parvient-il à mettre une claque aux seniors de l’industrie dont l'âge d’or est une relique appartenant à la fin des années 90’s ? Je pense sincèrement que nous avons ici droit au Final Fantasy que nous désirons depuis des années, et ce pour une principale raison : il ne confond pas modernité et renouvellement d’une formule. Une des grandes forces de Final Fantasy, c’est le renouvellement de leurs formules en partant d’une page blanche. Nous avons eu droit à l'introduction des jobs, de l’Active Time Battle (ATB), d’histoires et de personnages touchants, l'ère PS1 qui restera légendaire, la modélisation 3D, les premiers doublages avec FFX, et j’en passe encore énormément. Nous étions à une époque où tout était encore à faire, à imaginer, à créer. Malheureusement, l'arrêt de Sakaguchi en tant que créatif depuis FFIX et producteur jusqu'à FFX-2 a marqué un tournant : la série, à quelques exceptions près, décide de ne plus proposer quelque chose de neuf, mais de surfer sur ce qui fonctionne déjà. Ce changement de philosophie s’explique aussi par le rachat de Square par Enix suite au naufrage titanesque du film Les créatures de l’esprit.
Et Expédition 33 alors ? Qu’est-il dans tout ça ? Je dirais avant tout un héritage reprenant ce qui a fait le succès de l'âge d’or du JRPG :
- Les combats au tour par tour.
- Un système picto (pardon, de matérias) qui est l’un des systèmes favoris de FF7.
- Une épopée tragique avec un accent sur la narration et les combats.
- Un monde d’abord très linéaire mais qui s’ouvre à mesure de la progression dans l’histoire.
- Du endgame avec du challenge.
- Une OST exemplaire rivalisant avec Nobuo Uematsu.
Autant d’éléments qui se mélangent naturellement et qui feraient déjà un bon petit JRPG, mais c’est sans compter sur le talent de cette petite équipe qui modernise cette formule.
L’influence du soulslike est énorme et se marie à la perfection :
- Système de campement.
- Respawn des monstres après un repos.
- Système de parade et d’esquive à la fenêtre d'action réduite.
- Lecture des animations et le bon timing sont obligatoires pour réussir.
- Challenge global revu à la hausse.
- Un bestiaire travaillé.
Ensuite, il faut du talent pour donner vie à cet univers. La DA est somptueuse et brille par l’absence totale de HUD, l’histoire ainsi que les personnages sont attachants et tout en nuances, les musiques nous emportent par leurs mélodies. Tout cela au service de l’immersion et de l’émotion. On sent qu’il n’y a pas eu de freins imposés à l'équipe de Sandfall et c'est une qualité que les gros studios n’ont plus aujourd'hui.
Quand je le compare au très bon FFXVI, j’en vois un qui perd son identité en mettant de côté tout aspect de RPG tout en restant sur sa ligne éditoriale qui est de plaire au plus grand nombre. Et de l’autre, Sandfall Interactive vient de prouver qu’avec une petite équipe, on peut frôler l'excellence en mélangeant l'hommage avec des choix modernes et radicaux.
Enfin, j’utilise bien le terme frôler l'excellence car il y a bien des maladresses, comme le manque d’ergonomie dans les menus, la désorientation qui est une conséquence de cette DA et de l'absence de minimap, les phases de plateformes (qui ne sont heureusement pas le cœur du jeu), des bugs de collisions qui m'ont déjà forcé à recharger une partie. MAIS ne restons pas focalisés sur ces détails et dévorons ensemble cette lueur d’espoir pour le JRPG (ou FRPG ?) qui risque bien de faire du bruit aux Game Awards en cette fin d’année (coucou Square Enix ?). Sera-t-il le GOTY 2025 à votre avis ? Rendez-vous ce 11 décembre 2025 ! Les dés sont (déjà) jetés !