Avec Control (2019), cela ne partait pas forcément bien. Disons que les cinq à dix premières heures furent compliquées et hésitantes, mais passé les premiers chapitres du jeu, j’ai finalement plongé dedans. Encore une fois, à ma très grande surprise, car Control, loin d’être un navet, est un jeu étrange développé par le studio Finlandais, non moins étrange : Remedy Entertainment. Il s’agit d’un jeu à la troisième personne dans lequel on incarne une jeune femme, Jesse Faden, explorant des bureaux immenses et surnaturels dans le but de retrouver son frère. La particularité du titre est que votre personnage va se doter progressivement de pouvoirs psychiques et que le bâtiment où vous êtes enfermés, du début à la fin du jeu, est contaminé par une entité paranormale appelée le Hiss. Au-delà de ce point de départ, j’avoue ne pas avoir compris grand-chose. Les dialogues sont lunaires, presque oniriques car l’univers développé dans Control ne se laisse pas apprivoiser facilement, de plus le doublage Français renforce cet aspect avec des voix de fond de couloir et une synchronisation labiale aux fraises. Remedy cultive le mystère comme les Inuits cultivent les ananas, on sent bien que quelque chose cloche entre science occulte, bureaucratie kafkaïenne et paranormal inquiétant. Honnêtement, je pense que c’est voulu. On traverse le jeu un peu comme dans un rêve mais c’est aussi sa force. Proposer quelque chose de bizarre et très personnel finalement. Bref, vous comprenez maintenant pourquoi j’ai eu du mal les premières heures…
On pénètre difficilement dans l’univers de Control, c’est vrai, mais heureusement que la réalisation, la direction artistique et surtout le gameplay sont là pour vous accrocher. Sur ces trois aspects, le jeu possède une identité forte qui m’a entrainé jusqu’au dénouement et même à un certain stade de complétion. La première chose qui frappe quand on laisse une vidéo du jeu sur internet ou que l’on observe des captures d’écran, c’est bien évidemment la direction artistique. Le bâtiment est immense et revêt, de par son architecture surnaturelle, une profusion de décors impressionnante. Des bureaux froids en espace ouvert, en passant par le hall d’accueil à la hauteur sous plafond vertigineuse, jusqu’au salles à la géométrie mouvante et « non euclidienne » comme l’écrirait notre cher Lovecraft, Control est une leçon artistique de tous les instants.
Certes, cela reste des environnements intérieurs, parfois austère (mais à dessein), mais le travail sur les espaces, la profondeur, les lumières, les couleurs et tout simplement sur le design démontre une nouvelle fois les talents de ce studio. D’autant plus dans un jeu où l’exploration est le moteur car Control est une sorte de Metroid Vania en 3D qui ne dit pas son nom. Pour trouver votre chemin ou tous les secrets, il va falloir revenir sur vos pas pour ouvrir des portes inaccessibles au premier passage ou grimper un accès passages surélevés etc. Le classique du genre me direz-vous, mais réalisé avec brio, sans sentiment de répétitivité exacerbé et toujours de manière créative. La créativité est importante car elle caractérise pour moi la maniabilité du titre de Remedy et sa relative profondeur. Jesse est capable, grâce à ses pouvoirs psychiques, de faire des trucs sympathiques que les Jedi de Star Wars ne renieraient pas : attraper des objets ou des ennemis par la télékinésie, léviter dans le ciel, prendre le contrôle mental d’un ou plusieurs ennemis, se téléporter, charger, invoquer un bouclier, etc. Un gameplay très permissif permettant de laisser libre cours à son imagination. Une fois tous les pouvoirs débloqués, le sentiment de puissance rend les combats particulièrement jouissifs : vous attrapez des objets, vous les lancez dans la tronche des ennemis, vous sautez en l’air en lévitation, vous tirez au lance-grenades, vous choper un adversaire que vous capturez, vous chargez les plus récalcitrants au bouclier. Control est bourrin pour mon plus grand plaisir. Attention cependant à ne pas mourir car vous perdez à chaque fois un pourcentage de la monnaie du jeu, vous empêchant par-là d’améliorer vos équipements. En plus de cela, il est possible de doter l’héroïne d’armes à feu reprenant les archétypes traditionnels tout en les personnalisant grâce à des modes mettant en exergue certaines de leurs caractéristiques (dégâts, consommation d’énergie, précision, effets bonus etc.). Ces modes sont classés par niveau en fonction de leur puissance, idem pour le personnage principal (augmentation de la vie etc.).
Un petit côté RPG sans prise de tête, qui ne va vraiment pas loin, mais qui permet de donner de l’intérêt à l’exploration du bâtiment. Pour moi, il s’agit d’un bon point mais dommage d’avoir mis autant de merde à ramasser. L’inventaire est trop petit et l’on passe son temps à vire les chiasses niveau 1 après 20 heures de jeu…
Control possède une quête principale et une dizaine de quêtes de secondaires explorant l’histoire. D’ailleurs, c’est en réalisant ces dernières que l’on constate l’inspiration forte de la SCP Foundation, ce projet collaboratif crée sur internet où l’étrange, le paranormal se voit consigné dans des rapports administratifs absurdes : même logique de contrôle froid, même folie rationnelle face à l’incompréhensible. Dommage en revanche que l’héroïne, Jesse Faden, manque cruellement de charisme. Son visage impassible et sa voix monotone n’aident pas, d’autant que les rares PNJ croisés semblent sortis d’un stage d’impro raté. Leur animation rigide, leurs dialogues récités sans conviction, tout cela jure avec la qualité de la mise en scène générale. On sent que Remedy a tout donné sur l’atmosphère plus que sur la direction d’acteurs…
En conclusion, Control est un jeu étrange, déroutant et intriguant. Difficile de rentrer dedans car on ne comprend rien et ce n’est malheureusement pas les 16 milliards de notes à glaner qui vous aideront à vous immerger dans l’ambiance. Puis difficile d’en sortir avec une compréhension claire de ce qu’on vient de vivre. Mais Je suis certain d’avoir traversé une œuvre singulière, à la frontière du jeu vidéo, de l’art contemporain et du cauchemar stalinien (le bâtiment dans son design intérieur m’a fait penser aux constructions communistes en béton) tandis que le scénario incompréhensible m'a fait penser à la fonction publique française. Et ce seul aspect me suffit pour vous le recommander. Oui, Control est un titre inégal, un peu froid, obscur, mais artistiquement somptueux et doté de combats addictifs. Ce n’est peut-être pas un grand jeu, mais ça en demeure pas moins une bonne surprise à petit prix aujourd’hui. Comptez une trentaine d’heures de jeu pour le finir à 100%.