Prévu initialement pour sortir en deux parties, sous forme d'extensions pour Dishonored 2, La Mort de l'Outsider (ou Death of the Outsider dans la langue de Jeremy Corbin), témoignant de la volonté d'Arkane de toujours rehausser ses ambitions, s'est très rapidement transformé en un stand alone prévu pour ce même second opus. Il ne faut donc absolument pas percevoir l'œuvre que nous avons ici comme un « Dishonored 3 » sous peine d'en ressortir déçu ; sans non plus se contenter de le comparer à une banale extension (quoique deux des trois extensions du premier Dishonored se révélaient excellentes) : La Mort de l'Outsider étant perçu comme bien plus que ça de la part du studio.


Bref, que vaut le stand alone qui nous fait face ? Que vaut le Dishonored qui semble avoir mis en pause, si ce n'est clôturé, la série pour un long moment ?

Commençons par les choses simples, les évidences mêmes : La Mort de l'Outsider se reposant sur le moteur de Dishonored 2 (le Void Engine plus précisément), aucun bouleversement n'est à noter de ce côté-là. Le titre se révèle d'ailleurs mieux optimisé que son aîné… qui s'en était pris plein la gueule lors de sa sortie à cause de ça ; même s'il me paraît important de préciser que j'ai eu droit à deux bogues un peu chiants, dont un m'obligeant à recharger une ancienne sauvegarde.

Rien à dire non plus côté direction artistique, côté univers, côté détails : c'est toujours un plaisir de retrouver Dishonored rien que pour ça. Le titre ne jure absolument pas avec son aîné, le jeu ayant été, de toute façon, conçu par les mêmes personnes.


Death of the Outsider est donc l'occasion pour le joueur de redécouvrir Billie et Daud (le personnage le plus intéressant de la saga selon moi), l'élève et le maître, deux personnages étant déjà apparus simultanément dans La Lame de Dunwall. J'apprécie la manière qu'a Arkane de réutiliser son lore, d'exploiter ses personnages plutôt que d'en créer des inconsistants ad vitam æternam. Là, je sors de Wolfenstein II: The New Colossus, franchement, le coup des personnages tirés d'un comics insignifiant de l'univers du jeu, merci mais non merci. Ce qui est intéressant aussi, c'est le fait qu'ils n'imposent pas aux joueurs le fait d'avoir torché les DLC du premier Dishonored ni d'avoir lu les bouquins pour comprendre l'histoire. C'était déjà le cas avec le 2 qui ne nécessitait pas d'avoir joué au premier épisode afin de comprendre les tenants et aboutissants… cela dit, La Mort de l'Outsider étant un stand alone du 2, je recommande très fortement le fait de jouer à ce dernier avant de commencer le jeu auquel nous avons affaire aujourd'hui.


Cependant, difficile de ne pas être surpris par certains choix de narration, encore plus quand on sait que le studio a recruté d'autres écrivains, ne faisant initialement pas partie de l'équipe (Hazel Monforton et Anna Megill), spécifiquement pour le projet. En effet, Dishonored La Mort de l'Outsider a tendance à se montrer trop direct avec le joueur, à avoir une narration parfois trop abrupte. En tous cas, que ce soit comparé aux deux épisodes de la série ou même face à l'aventure additionnelle du premier, LMdlO (Les Mystères de l'Ouest ?) débute sans trop fioritures : nous incarnons Billie Lurk et il va falloir sauver Daud ! La saga n'a pourtant jamais brillé pour ses introductions (ni pour ses fins d'ailleurs), mais il est tout de même surprenant de voir que cet épisode arrive malgré tout à régresser sur ce point bien précis.

Cependant, même une fois l'introduction passée, une fois la moitié du jeu parcouru plus précisément, certains choix peuvent se révéler surprenants.

Par exemple, la mort de Daud, annoncée par l'Outsider vers la fin du troisième niveau, nous l'est divulguée lors d'une cinématique in game, et l'on pourrait croire, vu la mise en scène de cette même cinématique, que l'annonce de sa mort n'est qu'une tromperie de la part de l'Outsider (c'est ce que j'ai cru en tout cas)… néanmoins, sa mort nous est bien confirmée lors de la cinématique animée de fin de niveau. Disons que certaines annonces, les révélations en règle générale, manquent d'impact. Bien sûr, il me semble tout de même de préciser deux choses : premièrement, Daud réapparaît à la toute fin du jeu et tient même un rôle pour l'une des deux fins ; deuxièmement, ce n'est pas pour l'impact de leurs potentielles révélations que nous aimons les immersive sim, mais bien par leur manière de nous raconter une histoire à travers leur environnement, à travers l'exploration… et concernant ce dernier point, même si je ne placerai pas La Mort de l'Outsider au niveau de son aîné, il n'a pas non plus à rougir devant lui.


Au niveau du gameplay, là encore, on retrouve ce qui fait la force de la série, mais il faut tout de même, là encore, noter quelques différences avec les autres épisodes de la saga. Un point qui pourrait paraître banal, mais que j'ai, au contraire, trouvé rafraîchissant, peut-être même libérateur, concerne l'énergie du grand vide (notre jauge de mana quoi) ; en effet, dans LMdlO, celle-ci se régénère automatiquement, plus besoin donc du remède spirituel de Piero ou de la solution Addermire pour pouvoir recharger ses batteries. L'intérêt de cette modification est double : premièrement, cela laisse encore plus la possibilité au joueur d'explorer, de tenter des trucs qu'il n'aurait pas tentés si le mana était limité ; ensuite, cette absence de cumulation de potions de mana empêche les joueurs radins comme moi de n'absolument rien consommer durant les neuf dixièmes de l'aventure pour ensuite tout gaspiller bêtement une fois arrivé à la fin, ou d'utiliser toutes ses potions de mana afin de « tricher » lors d'une séquence particulière.


Choix bien plus significatif côté gameplay : le titre est bien plus tourné action. Bien sûr, il ne s'est pas transformé en un bête et méchant jeu d'action, mais il faut bien comprendre que l'on s'éloigne d'un Dishonored 1 ou d'un Dishonored 2, pour lesquels le pacifisme primait. Ainsi, La Mort de l'Outsider est l'occasion de découvrir les contrats, des sortes de quêtes secondaires… pas forcément tournées infiltrations. Ainsi, si quelques-uns des contrats vous demanderont de se la jouer sans faire de bruit ni de victime, d'autres, au contraire, auront bien plus de chance d'aboutir si vous faites fi des victimes… en fait, disons le clairement, certains vous imposeront de faire un véritable carnage !

Quand on connaît, ne serait-ce qu'un minimum, la saga, on peut qu'être surpris par ce genre de « quêtes ». Et on ne peut être d'autant plus surpris quand on se rend compte que notre manière de jouer n'influe absolument pas sur la suite du scénario : Billy la cruelle aura droit à la même fin que Billy la colombe. Alors oui, le personnage a déjà eu droit à son arc de rédemption dans le second volet, mais je pense qu'un juste milieu aurait tout de même pu être trouvé : faire prendre conscience au joueur la portée de ses actes sans lui barrer l'une des fins aurait, je pense, été possible. D'ailleurs, cette tournure action, cette absence de la prise en compte de la violence, se reflète au sein même des succès du titre. Si vous allez être bien récompensé par un achievement pour avoir terminé le jeu sans vous faire repérer une seule fois, vous n'aurez cependant rien à gagner en le faisant sans tuer personne.


Enfin, si Dishonored La Mort de l'Outsider possède lui aussi ses fameuses cibles à assassiner, il faut tout de même noter que ces mêmes cibles ont été reléguées au second plan avec cet épisode. Par là, il faut comprendre que là où les deux premiers épisodes de la saga nous imposaient de neutraliser des cibles, le stand alone, lui, nous permet carrément de passer à côté de l'écrasante majorité d'entre elles sans qu'il y ait la moindre conséquence. Cela est bien évidemment dû au changement de ton du titre. Nous n'incarnons plus un personnage symbolisant la vengeance, quelqu'un sur la « défensive », mais bel et bien l'assaillant, celui qui, de son propre chef, veut mettre fin aux agissements de l'Outsider par tous les moyens. M'enfin bon, de vous à moi, j'aurais quand même apprécié que le titre ait droit à SA cible à assassiner.


Que vaut Dishonored La Mort de l'Outsider ? Sans aller jusqu'à dire que je suis déçu, il faut tout de même bien admettre que c'est l'épisode qui me marquera le moins de toute la saga, aventure additionnelle du premier Dishonored comprise. Ça ne veut pas dire que le titre auquel nous avons affaire aujourd'hui est mauvais, bien au contraire même. Même si la note que je lui aie attribuée, à savoir 7 (s'il n'y a pas eu de changement entre-temps), fait de lui l'épisode narratif le moins bien noté de toute la saga, je dois reconnaître tout de même qu'on était plus proche du 8 que du 6, et que j'ai même hésité pour la note. Mais voilà, malgré des passages forts sympathiques, tel que le braquage de banque par exemple, La Mort de l'Outsider ne m'a pas procuré autant de surprise que n'importe lequel des autres épisodes (là encore j'inclus les DLC du premier).


Reste à attendre Dishonored 3... sérieusement ?


On sait que Arkane n'a jamais été friand des suites à outrance. En effet, Dishonored, avec sa suite et son stand alone, fait exception à la règle.

Il y a bien Dark Messiah of Might & Magic, perçu comme une suite d'Arx Fatalis par de nombreux membres du studio, mais dans l'ensemble, force est de constater qu'Arkane a toujours préféré se concentrer sur de nouvelles licences plutôt que de faire des suites, quitte à se casser la gueule et à annuler de nombreux projets.

Mais si l'existence d'un Dishonored 2 avait du sens, ne serait-ce que pour ses ajouts substantiels, avec La Mort de l'Outsider, il faut regarder autre part… et à vrai dire, il ne faut pas regarder bien loin, le titre suffit. Car avec l'œuvre dont il est question ici, si Arkane a tout de même souhaité placer quelques idées ici et là ; idées qu'ils n'avaient pas pu insérer correctement dans les précédents épisodes. Le but des développeurs, à l'inverse de l'extension Mooncrash de Prey, ne fut pas de prototyper une nouvelle expérience en vue d'une nouvelle licence (à savoir Deathloop), mais bel et bien de tuer le maître, de mettre fin à la saga… de nous rappeler explicitement l'un des buts qu'ils nous avaient révélés après la sortie du premier Dishonored et que je vous ai déjà indiqué plus haut : éviter les suites à outrance[1]. Sans Outsider, pas de Dishonored, il ne faut, au fond, pas chercher plus loin.

Et pour le coup, le message en lui-même a été parfaitement reçu.

Et pour le coup, même si la saga n'a jamais brillé pour ses fins, force est de constater que La Mort de l'Outsider est pour le coup celui qui s'en sort le mieux.



[1] Bien sûr, rien n'empêche qu'une nouvelle grosse tête du studio, voire même un Bethesda ou un Microsoft, décide de « forcer » un Dishonored 3 ; ou encore qu'un quelconque vice permette à un studio qui n'a rien à voir avec la saga de se pencher sur sa version de Dishonored.

MacCAM

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