Un joyau finement exécuté à l'audace paresseuse

D'une opinion négative forgée par le divinity original sin 1, se construit petit à petit pour ma part une considération positive d'un formidable joyau technique aux éclats fortement disparates. Me positionnant immédiatement comme un étranger à ce type de jeu de rôle, trop éloigné de mes préférences personnelles, j'évite ainsi la critique gratuite et envieuse du voyageur perdu dans une ruelle trop sombre pour lui.


Techniquement, c'est un bon jeu; ou plutôt un excellent jeu; ou plutôt un jeu exceptionnel, en apparence. En creusant, l'on aperçoit vite quelques imprécisions, de fortes erreurs de logique, comme des clés, essentielles à la quête principale, posées au sol au milieu de nulle part, qui, dans un jeu où l'exploration est poussée en avant par une absence d'indications concrètes sur la carte, agace parfois, ou encore, un pnjj qui par exemple m'indique, après que je l'ai sauvé, qu'il connait des gens qui peuvent m'aider et qu'il va faire le nécessaire pour me remercier, alors que 3 dialogues avant il me disait que si je le sauvais, il pourrait me recommander auprès de gens qui peuvent m'aider, comme si parfois les dialogues étaient gérés indépendamment les un des autres par une ia amnésique. D'autres détails, plus gênants, comme l'absence de règle en combat pour mesurer les distances, ce qui donne lieu à des situations ridicules où l'ennemi est 0,1m trop loin de moi pour que je puisse le toucher.


Mais au delà du détail, car techniquement, ce jeu attire, à la manière d'un gros AAA un peu creux mais qui fait saliver tout élitiste invétéré, on trouve une proposition de départ quelque peu discutable. Une expérience jeu de rôle sur table, avec les avantages, et les inconvénients, une adaptation brute sans tri de ce qui fonctionne ou pas. Un système de combat aux performances médiocres, davantage conçu pour le divertissement que pour la réflexion profonde, c'est à dire pour une table de quatre joueurs qui sont la pour vivre une aventure ensemble plutôt que pour un joueur seul face à la machine attendant d'être mis en défaut par des fonctionnalités informatiques acérées. Une portée de 400m, des déplacements de 7km qui interdisent toute anticipation minutieuse et détaillée, une carte beaucoup trop grande pour pouvoir supporter la micro-gestion et des milliards de compétences toutes plus déséquilibrées les unes que les autres. Un système de combat qui impressionne de par l'envergure de ses environnement ou la multiplicité de ses possibilités, mais désole fortement dès qu'on rentre dans le détail.


Cependant, puisque ce système a été conçu pour être divertissant, je le prend comme tel et me satisfait de la difficulté normale, me permettant de me concentrer sur ce qui justifie mon investissement sur ce jeu, à savoir la narration, et l'interaction narrative.
Et la, c'est un coup de maître. Des choix de dialogues à ne plus savoir quoi en faire, et ce sans renier sur la qualité d'écriture, une histoire qui place le joueur dans la peau d'un aventurier, comme il en existe d'autres, qui devra lutter pour survivre, plutôt qu'un pseudo sauvetage de monde générique du super élu, comme c'était le cas dans le premier original sin. Le personnage découvrira peu à peu son potentiel hors norme et sera placé élégamment sur la route de la quête principale. Autre surprise, une solution gracieuse au célèbre dilemme "possibilités d'interaction/profondeur de personnalité" qu'est ce système de personnage unique, personnage doté de sa personnalité propre, d'un doublage partiel et d'un background propre, qui ne changera pas les choix de dialogues standard, communs à tous, mais qui ajoutera régulièrement quelques choix propres au personnage, une sorte de juste milieu savant entre la profondeur psychologique d'un witcher 3 et la pléthore de choix d'un baldur gates.


Et encore une fois, la lenteur extrême que l'on doit à un jdr sur table copié collé, une lenteur qui ne cesse d'écraser le joueur avec ses innombrables pnj qui se servent pas toujours à grand chose et ses cartes de 4mètres qui se parcourent en 50heures tant il faut taper la discute avec toute la population chinoise toutes les 3minutes. Mais serait ce pour autant un point négatif? Car une lenteur qui s’inscrit dans la logique d'une proposition de départ claire et maîtrisée, qui offre une grande qualité d'immersion ainsi qu'un terrain de jeu ludique et rafraichissant, ne peut être sérieusement considérée comme un défaut. Au contraire, elle me délivre une expérience de jeu inhabituelle et de fait, dépaysante.


Un point nettement plus difficilement défendable serait plutôt l'impossibilité pour le groupe entier de rejoindre une conversation. Je choisis un seul personnage, et seul ce personnage aura la capacité d’interagir. Pas de possibilité pour les compagnons de compléter l'échange avec des connaissances qu'eux seuls maîtrisent, comme dans dragon age, seulement une expérience witcher avec 3personnages derrière qui attendent sagement que le chef ait fini son boulot. Et en plus de la médiocrité des variations lors des phases de dialogues par rapport à dragon age, il faut sans cesse sélectionner le bon personnage avant chaque dialogue pour éviter de se faire avoir sur les jets, et c'est assez fatiguant...


J'ajouterais à cela des absences ou des déséquilibres divers, peu intéressants à commenter, pour finalement obtenir un jeu étonnamment agréable à jouer. Moi qui était resté sur l'idée que Larian avait fait une bioware après divinity 2 : ego draconis, original sin 2 me réconcilie fortement avec cette franchise. Et bien que la recette ne m'ait pas totalement convaincu, je n'ai aucun doûte sur la joie qu'il est capable d'apporter à un rôliste pur souche. Mais pour ma part, les combats faiblards, qui représentent facilement la moitié du jeu, m'empêchent de considérer ce jeu comme excellent, mais plutôt comme un bon jeu, plaisant à jouer, et moins austère de part son budget colossal que la plupart des jeux du genre.

eyeln
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le 16 janv. 2021

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eyeln

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