Mais c'est Dragon Quest!



Pour reprendre un ancien vidéaste à succès désormais reconverti en journaliste Mediapart et acteur porno à ses heures perdues (si, si!) :


Il y'a deux sortes de jeux vidéos. Ceux qui innovent et font avancer leur médium et les autres.


Et Dragon Quest fait définitivement partie de ces fameux autres. Il en est même le représentant attitré. Le personnage phare dans la lutte contre l'innovation et la nouveauté. Et c'est en ce titre que le jugement de Dragon Quest XI s'avère complexe car ses défauts qui feraient potentiellement passer son chemin à des dizaines de millions sont chacun des arguments de qualité pour une minorité raffolant d'une forme de conservatisme quasi draconique.


Et c'est en cela qu'il est important de prévenir le nouveau venu et le curieux voulant prendre une première bouchée dans cet énorme gâteau que représente la saga dans l'industrie depuis plus de 30 ans. C'est pourquoi, ma critique se penchera avant tout sur ce qui ne va pas dans le jeu du point de vue d'un joueur moderne ayant fait la majeure partie des grosses sorties de ces 10 à 15 dernières années.


Dragon Quest est avant tout façonné pour les fans de Dragon Quest et pourrait au mieux convenir aux joueurs les moins exigeants en la matière. Car le jeu commet intentionnellement de nombreuses fautes qui auraient pu être considérées comme fatales s'il s'agissait de celles de n'importe quel autre titre rangé dans une catégorie de type "jeu de rôle".


Je préviens dès lors le risque d'une utilisation abusive du mot "classique", sans doute le mot qualifiant le mieux cet oeuvre.



Une longue épopée comptant au final que très peu de moments de bravoure.



Il s'agit bien d'un des mes plus grands regrets. Si on avait enduré tout ça pour au final avoir tout de même la satisfaction d'avoir vécu une aventure épique, la fin aurait sans doute justifié les moyens qui ne peuvent définitivement pas être qualifiés de modernes.


Mais les jeu est dénué d'une quelconque ambition narrative. Les cinématiques qu'on aurait pu espérer nombreux du fait de la faiblesse technique du jeu (nécessitant donc moins de travail pour créer des set-pieces et autres cinématiques) ne sont pas au rendez-vous. La narration est en très grande majorité du temps constitué de boîtes de dialogue des plus classiques. Dialogues qui sont très rarement pertinents, l'écriture étant abyssale, les conversations tournent souvent en rond et l'essentiel est communiqué toujours avec 10 fois plus de superflus que nécessaire.


Quelques tentatives de mise en scène sont présentes, surtout au début du jeu avec des séquences telles qu'une escapade en trombe avec un dragon aux trousses mais la promesse n'est malheureusement pas tenue jusqu'au bout et nous avons au total que trop peu de scènes marquantes et non expéditives.


L'histoire ne peut également pas être qualifiée d'originale. D'un classicisme à l'épreuve de toute audace, le jeu dans ses 10 premières heures se contente même de simplement recopier les différents éléments du Héros au mille et un visages que toute personne ayant un tant soit peu feuilleté l'oeuvre de Joseph Campbell s'amusera à pinpointer.


On n'est jamais vraiment surpris mais on se laisse tout simplement porter par l'appel de l'Aventure avec un grand "A". La sauce prendra à condition de se laisser faire en se baignant de l'ambiance "bon enfant" et en mettant de côté nos exigences que le jeu n'essaye même pas de contenter. Les personnages s'avèrent néanmoins être une réussite, ils sont tous assez attachants et on s'en soucie assez pour en avoir quelque chose à faire de leur place dans le groupe.


Et quelques petits twists scénaristiques sympathiques sont néanmoins là et font le nécessaire pour qu'on ne s'assoupisse pas trop longtemps.



Un peu de baume sur la plaie



Là où le jeu arrive à contenter et pas que c'est dans la richesse de ces environnements.


L'élément qui au final contribue le plus au sensation de voyage, c'est le dépaysement. Et Dragon Quest réussit ça avec brio.


Du petit village de départ à la grande cité d'Héliodor en passant par Puerto Valor jusqu'en Arboréa.


DQ XI impressionne par le nombre de villes et villages qu'il nous fait visiter et le voyage en vaut la peine car la présentation graphique présente les choses sous un regard très avantageux.


Le Cel Shading utilisé par Dragon Quest est probablement le meilleur. Il s'agit d'un des jrpg les plus beaux et propres de la génération même si cette beauté de façade cache sous son capot une technologie extrêmement pauvre.


Je ne saurai par où commencer avant qu'une personne me saute dessus en criant que "C'est DQ alors c'est normal"... Mais essayons en commençant par le nombre astronomique de murs invisibles rendant l'exploration des plus anti-immersive. Surtout quand, une fois encore le jeu fait miroiter en début du jeu une fonctionnalité qu'il abandonne totalement par la suite : la verticalité de l'exploration.


Partie intégrante de la campagne marketing, une de choses qui m'avaient le plus emballées était la possibilité désormais d'explorer de façon plus verticale. Un rêve de longue date qui allait devenir réalité, courir sur les toits d'une ville qu'on aurait au préalable passé au peigne fin d'en bas. Deux fois plus d'exploration pour deux fois plus de plaisir... Malheureusement, passé les premières villes et en vérité, seule Héliodor offre une possibilité de grimpette considérable. La feature est petit à petit abandonnée pour au final être totalement oubliée.


Un des nombreux éléments qui me font me demander si le jeu n'est pas sorti dans une relative précipitation.



Un gameplay trop conventionnel



On pouvait clairement s'attendre à quelque chose de plus abouti en ce qui concerne le gameplay. Nous avons ici un tour par tour d'un classique que plus personne n'ose produire depuis plus de 15 ans. Même les plus modestes productions sur console portables se démènent pour créer des concepts nouveaux et sympas comme Bravely Default, entre autres.


Dans Dragon Quest XI, les combats se résument au stricte minimum. Attaque, Objets, Magie, Compétence et l'occasionnel mode Hypertonique intervenant aléatoirement.


Trop simple mais certainement efficace, ça n'empêchera pas de vous ennuyer les 20 à 30 premières heures mais je peux vous assurer que les combats les plus avancés seront un peu plus palpitants.



En résumé :



Les points positifs



  • L'Aventure avec un grand A.

  • Graphismes en cel shading très soignés et propres, servis par une palette de couleurs variées.

  • Dépaysement total avec un nombre mirobolant d'environnements et des villes différentes.

  • Personnages attachants

  • L'idée des montures (même si peu exploité dans le jeu et à des fins souvent triviales)

  • Le concept d'exploration verticale... Même si au final très sous développé et quasi abandonné peu après la première dizaine d'heures de jeu.


Les points négatifs



  • OST catastrophique et indéfendable.

  • Une histoire pas franchement passionnante avec que trop peu d'événements mémorables.

  • Une narration totalement dépassée et une écriture souvent aux ras des pâquerettes.

  • Mise en scène d'un autre âge.

  • Le protagoniste silencieux et sans personnalité n'est plus à refaire, surtout quand le jeu ne propose aucun choix de dialogue. Une absence rendant absurde le concept même du héros "page blanche" dans un jeu de rôle. Le fait que le protagoniste ait que trop peu d'expressions faciales le rend encore moins attachant qu'un Link sur NES.

  • Trop facile, le jeu fait tout pour que vous vous en sortiez avec le moins de frustration que possible.

  • L'idée absurde qu'on ne puisse véritablement bénéficier de quasi aucun costume alternatif pour nos personnages, à l'exception de quelques rares alternatives. Les équipements ne sont pas visibles sur les personnages, une hérésie.



Conclusion



Finalement, je découvre qu'un Dragon Quest, ça se quitte avec soulagement, mais aussi avec le cafard d'un doux spleen. J'ai dû me faire un peu violence pour plonger dans DQXI, mais je me sens au final suffisamment récompensé de mon investissement malgré toutes les limites de la proposition.


Ce n'est pas un jeu qui fera date. Nous sommes loin de l'aventure inoubliable marquant son genre au fer rouge mais Dieu que c'est sympathique et d'un shoot singulier de nostalgie !


Vive Dragon Quest!

CanKrum
6
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le 2 oct. 2018

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