J'aime beaucoup les jeux FromSoftware. Je n'ai pas joué à tout ce qu'ils ont fait, mais Dark Souls 3, Bloodborne et Sekiro sont trois jeux que je trouve grandioses, chacun à leur manière. Et bien qu'Elden Ring semblait partie pour l'être tout autant, le coup de foudre n'a cette fois-ci malheureusement pas retenti. Qu'on s'entende bien, Elden Ring est un très bon jeu, et il fait beaucoup de choses très bien. Sauf que, et c'est bien dommage, les quelques maladresses qui sont à l'oeuvre ont pour ma part beaucoup trop entâchées mon expérience. Qu'est-ce qui a merdé alors ?


Je n'ai pas envie de dire que c'est le passage en monde ouvert. Enfin si, mais pas directement. En fait, je trouve le parti pris de base assez respectable. Même si je ne suis pas le plus friand de ce genre de structure de jeu, j'étais très intrigué par la façon dont le studio, qui a un réel savoir-faire ludique, allait utiliser cette nouvelle dimension. Et ça commençait si bien ! Quelque chose qui m'a directement frappé, c'est la similarité du traitement de l'univers avec Shadow of the Colossus. Déjà au niveau de l'utilisation du sentiment d'immensité. Que ce soit dans l'entre-terre ou dans les plaines interdites, le monde explorable semble être un colosse à part entière et on se sent minuscule lorsque l'on galope le long de ses chairs. Le parallèle ne s'arrête pas là. Dans les deux jeux, nous venons de l'extérieur et notre avatar fait le choix de s'aventurer dans les ruines d'une civilisation à l'histoire trouble et de détruire les derniers témoins de son histoire pour y accomplir sa destinée. Sauver un être qui lui est chère ou devenir seigneur du monde. Enfin, la monture est traitée comme un personnage également. Les sentiments que nous procurent Agro ou Torrent sont bien différents, mais c'est justement ce qui nous fait noter qu'ils ont une personnalité et qu'ils ne sont pas un simple véhicule.


Pourtant, et c'est là que démarre les problèmes, même FromSoftware arrive à tomber dans les pièges du triple A moderne, contrairement au jeu de Ueda qui était sorti à une époque où ces pièges n'existaient pas encore. Elden Ring trébuche. Elden Ring a peur du vide.


L'entre-terre, qu'est-ce que c'est ? C'est beaucoup de choses. On arrive dans une zone immense avec un gigantesque château à l'horizon. Déjà, wow. Deuxième wow quand on se rend compte que tout une île avec un temple ambulant et un deuxième château nous attend tout au sud. Mais c'est pas fini ! Parce que si on s'aventure à l'Est, on découvre une zone désertique et marécageuse s'étendre à perte de vue. Ca, c'est l'Est. Au nord vous avez un immense lac brumeux surplombé parce qui ressemble à l'école d'Harry Potter. Impressionné ? Désolé, mais accrochez-vous encore un peu, parce que vous avez aussi une capitale gigantesque à explorer au sein de laquelle repose la carcasse d'un dragon démesurée. Il y a des montagnes enneigées, une zone secrète avec un arbre géant et vous devez descendre par ses racines, et une ville flottante orbitant autour d'une tornade. Content ? Parce que j'ai oublié de vous parlez de toutes les zones secrètes qui vous font parcourir des citadelles reposant dans des cavernes avec des étoiles sur les murs. Il y a des zones secrètes dans les zones secrètes, et des zones secrètes dans les zones secrètes dans les zones secrètes. C'est ça l'entre-terre. Et vous savez quoi ? C'est vertigineux mais c'est génial. Il y a vraiment ce sentiment de débarquer dans un lieu inconnu pour poursuivre des ambitions qui nous échappent, et le fait de toujours se sentir plus minuscule dans notre quête de puissance viens renforcer ce puissant sentiment de romantisme. Ca, c'est si le jeu s'était arrêté là. Le jeu ne s'arrête pas là. C'est là qu'il merde.


Le jeu merde parce que le jeu n'a pas assumé son immensité. Le jeu s'est rendu compte de sa démesure et a pris peur que des joueurs trouvent que ça fasse vide. Et pour contredire ces joueurs avant même qu'ils aient pu dire mot, le jeu a fait le choix de s'adonner à la pratique de Game Design la plus profane qui existe : le remplissage.


Elden Ring rempli partout, dès qu'il peut. Elden Ring met une caverne par-ci, un donjon par là. Vous vous souvenez de Skyrim, ce jeu un peu nulle avec des grottes partout ? Bah voilà, Elden Ring fait la même chose, et par la même occasion transforme son monde pourtant si beau en gruyère à merde. Les donjons sont pas fun, la structure est à chaque fois la même, va actionner le levier, raccourci jusqu'au boss, hop, suivant. Les mines, pareil, pas ouf. Et comme ces segments de jeu dont on a vite ras-le-bol débordent tellement ils sont nombreux, on fait le choix conscient de les éviter dès qu'on les trouve. Oui mais, vous me direz, ces segments sont optionnels, non ? C'est du bonus ! Peu importe. Quand en tant que joueur, tu fais le choix d'éviter une section de jeu afin de passer un bon moment, c'est qu'il y a un problème.


Shadow of the Colossus n'était pas parfait non plus, il y avait bien les copié-collé de temple avec des lézards. Mais ces sections arrivaient à être assez brèves et discrètes pour réussir à se faire oublier. Là, non seulement cette surcouche de contenu imbibe le jeu, mais par conscéquent elle dilue son goût. Elle dilue son goût parce qu'elle contredit le sentiment que l'on est sensé ressentir en découvrant le monde. L'entre-terre se veut être le vestige d'une apocalypse dont les plaies peinent encore à se refermer. En celà, le vide aurait été un outil émotionnel puissant pour retranscrir le sentiment de vertige post-apo. Mais ce fourmillement de contenu annexe gamifie l'expérience et rend donc le monde moins organique, mais surtout il nous donne l'impression que ces ruines grouille encore de vie.


C'est encore pire quand on sait ce qui accompagne le bourrage de contenu : les boss copié-collé. Les donjons m'avait déçu, les boss m'ont mis en colère. Il y a ce moment sublime de la quête de Ranni où après avoir parcouru un mille-feuille de zones cachés, on arrive devant un boss horrible et merveilleux, mais surtout mémorable. Enfin, mémorable il aurait pu l'être s'il avait été unique. Apparaissant à un moment spécifique pour raconter quelque chose de spécifique. Sauf qu'ils ont refoutu le même boss à la fin d'un autre donjon. Ce qui semblait être la rencontre d'une fois devient un moment récurrent. Et le jeu fait ça SANS ARRET. Le jeu parle plus que ce qu'il n'a à dire et au lieu de là boucler quand il a fini son discours, il répète les mêmes phrases en boucle ! On croirait écouter Donald Trump sérieux.


Et le résultat, bah c'est une perte d'identité. Une perte d'identité du monde ouvert qui en en faisant trop se diminue et paraît plus petit qu'il ne l'est, et une perte d'identité de l'univers qui en répétant les mêmes boss et les mêmes ennemis semble faire le tour de son mythe assez rapidement. Dans Dark Souls 3 et Bloodborne, on avait le sentiment de ne voir qu'un fragment de ce que leurs univers respectifs contenaient, là c'est l'inverse. Dommage.


Si FromSoftware se réessaye au monde ouvert à l'avenir, j'espère que le studio ne répètera pas la même erreur et proposera quelque chose de plus concis et donc de bien plus immense. J'espère que Miyazaki saura embrasser un concept cher à Fumito Ueda : Le design par soustraction. Faire plus en faisant moins.

Panineohm
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le 6 nov. 2022

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