Pour nous, simples mortels, la vie jusqu’alors menée par Kratos, grand philosophe à ses heures perdues laissait pantois. Est-ce encore utile de présenter son CV ? L’homme vint de Sparte, berceau des soldats d’élite de l’armée grec. Aveuglé par sa haine, il perdit sa famille sur le champ de bataille. Il terrassa alors les Dieux les plus iconiques de l’Olympe en guise de représailles.
En résumé, la vie de Kratos s’apparentait jusqu’à maintenant à un trip sous mauvais shit plutôt qu’à un long fleuve tranquille.
Ce personnage, c’est avant tout une histoire de contradiction.
Sa haine pour les Dieux est viscérale, c’est pourtant devenu sa nature. Son leitmotiv le plus sacré est avant tout la discipline et le rejet des émotions. C’est toutefois quand il lâche les chevaux et déchaîne un océan de violence que sa légende prend véritablement vie.
Depuis son existence, Kratos, accessoirement Dieu de la guerre, n’est pour ainsi dire qu’un vecteur vivant de la colère, un catalyseur de force pur, rien de plus.


Mais la violence a parfois ses limites. Après un épisode intitulé Ascension, qui aurait dû avoir comme sous-titre « l’épisode de trop » , la licence s’est remise en cause.
Comment relancer l’une des icônes la marque Playstation sur une console qui n’avait pas encore eu le privilège d’accueillir le divin chauve ? En un mot : reboot.
Car oui, la nature de ce projet est irréfutable.
Certes, le jeu fait scénaristiquement suite à God of War III. Le reboot n’est donc pas total.
Néanmoins, c’est ce sentiment qui transpire des premiers pas dans ce God of War.
Les changements sont nombreux, le plus important est sans doute le nouveau contexte : la mythologie grecque cède sa place aux légendes nordiques.
La caméra, proche et placée derrière le personnage suit dorénavant la mode des expériences narratives récentes proposées par Sony.
Bye-bye les iconiques lames du chaos, il faudra maintenant latter tout ce qui bouge avec une hache, dont le fonctionnement rappelle le marteau de Thor. En écho, à ce dernier changement, le système de combat fût totalement revu.

Le rythme de jeu est également différent, plus posé et enclin aux dialogues avec la principale curiosité du titre : la gestion de la paternité par Kratos.


L'homme a bien changé depuis son parricide à la fin de GoW III, l'age se ressent à la fois physiquement, mais également dans son détachement vis-à-vis d'à peu près tout.
Le jeu démarre dans une bonne humeur indéniable. Kratos et Atreus, son fils, viennent rendre un dernier hommage à la mère de ce dernier. Son dernier voeu, qui permettra par la même occasion de rapprocher ce père jusqu'alors trop absent et son fils, consiste à disperser ses cendres sur la plus haute montagne de Midgard.
Evidemment, comme dans tout récit faisant la part belle au voyage, le scénario du jeu est basé sur les rapports fluctuants entre les deux personnages.
Atreus est tout ce que Kratos n'est plus, ou bien même n'a jamais été. Spontané, imprévisible et s'émerveillant des mythes exposés devant ses yeux.
Cette opposition, combiné en prime à une incapacité de la part de Kratos à laisser tomber l'armure et montrer ses sentiments envers son fils (main sur l'épaule retiré très rapidement par ex) est la clé de cette histoire.
Kratos est, au mieux pour son fils, soit un professeur, soit un réel tyran. La légende raconte qu'il ne connait toujours pas le prénom de son fils, préférant l'appeler "boy".
Le fantôme de Sparte a un rapport pragmatique avec Atreus, peu importe la méthode employée pour le faire grandir, du moment que son fils se comporte comme il l'entend.
Atreus quant à lui ne changera pas réellement de braquet pendant tout le jeu, il cherche sa place dans cette histoire. Le directeur créatif du jeu affirme que ce God of War ne parle que d'identité.
C'est effectivement le cas pour à la fois Kratos et Atreus. Le premier est toujours hanté par son passé et cherche à échapper à sa condition, alors que le gamin lui essaye de cerner ses propres limites.


Peu importe ce qu'on pense de l'histoire, loin d'être aussi extraordinaire que laisse présager la lecture des tests, la mise en scène est a contrario assez inattaquable.
La réalisation est sublimée par un plan-séquence constant, la caméra ne lâche jamais l'action, peu importe ce qui se passe à l'écran. Le jeu joue énormément sur le focus de la caméra, pour mettre en valeur les réactions de Kratos ou d'Atreus.
Alors oui, voir un GoW tenter de se faire une place dans le monde des jeux d'action narratifs pourra inquiéter les fans de la première heure.
Ces doutes légitimes seront vite écartés, dès le prologue en fait avec une séquence de baston dont la longueur et la patate feront certainement date dans l'histoire de la licence, contre un perso sortant tout droit du Hellfest.
Certes, le jeu est beaucoup moins basé sur le gigantisme des ennemis par rapport aux précédents jeux, c'est une réalité. Il a malheureusement tendance aussi à recycler pas mal d'ennemis (en changeant juste leurs skins...), notamment les trolls qui se combattent toujours de la même manière.
Néanmoins, ce God of War s'arme cette fois-ci d'un système de combat totalement grisant.
Et pourtant, les toutes premières heures de jeu sont loin d'être engageantes : moves répétitifs, lourdeur dans les contrôles, on se dit que la lassitude va vite arriver.
Et bien que nenni. L'aspect RPG du jeu, avec un arbre de talent permettant d'améliorer tous les types de combat, permet rapidement de diversifier ses attaques.
On obtient donc en bref un contre dévastateur, des attaques magiques avec une patate d'enfer ou bien encore des combos qui laissent complètement sur le cul en terme d'animations...
Au bout de quelques heures, une fois le rythme des combats bien assimilé et les skills débloqués, on s'éclate véritablement avec le gameplay.


Le feedback manette en main n'est pourtant pas la qualité première du jeu. Est-ce vraiment utile de tomber dans un concours de superlatifs en parlant des graphismes de ce God of War.
Le III était déjà l'une des plus grosses claques graphiques de la PS3, avec un prologue qui rentabilisait à lui seul le prix de la machine.
Ce nouvel opus ne trahit pas la tradition, le résultat est tout simplement dantesque. Même en y jouant sur une PS4 première du nom peut être un brin fatiguée, le jeu ne bronche pas.
C'est techniquement irréprochable, le framerate est constant 99,9% du temps, même si la PS4 se transforme en contrepartie en un Airbus A380.
Et que dire de la partie artistique... Très difficile de savoir par quoi commencer. Pour être bref, même les armures de Kratos, le rendu du métal, du cuir, c'est incroyable de constater à quel point cela a l'air vivant.
La finesse des traits pourtant bourrus de Kratos laisse tout autant sur le cul, ainsi que les nombreux environnements (bien plus diversifiés qu'on ne l'imagine!) que le jeu nous laisse parcourir.
Il existe quelques moments qui occasionnent un réel décrochage de mâchoire non remboursé par la sécurité sociale.


La mythologie nordique apporte un vrai vent de fraîcheur (riez) indéniable à la licence. Je ne vais pas m'improviser spécialiste de ces mythes, mais tout le lore incorporé dans le jeu, par le biais des récits racontés par un troisième personnage apporte une vraie plus-value. Les différents personnages clés de cette mythologie sont certes probablement très librement adaptés, so what ?
C'est le propre d'une adaptation d'effectuer une relecture subjective.
Le jeu insiste peut être un peu trop sur un certain teasing des personnages les plus attendus. Thor par exemple, constamment mentionné pendant tout le jeu, fait saliver le joueur alors que... Voilà.
C'est pareil avec d'autres personnages, ce qui est désagréable en réalité, c'est de sentir à quel point le studio garde des cartouches de côté pour les prochains jeux.
Ce sentiment devient même une évidence quand le scénario, par le biais d'excuses toutes plus reloues les unes que les autres, nous empêche de nous rendre à un certain endroit. Préparez-vous à faire plusieurs allers-retours frustrants, un running gag décevant et assumé à demi-mot par le jeu...


Ajoutez à cela une histoire cousue de fil-blanc, dont les rebondissements sentent méchamment le réchauffé compensés la plupart du temps par une mise en scène 5 étoiles.
Le jeu a malgré tout pour lui cette ambition de raconter quelque chose, d'emmener le joueur dans le voyage qu'il propose. La musique est d'ailleurs complètement craquée. Bear McCreary, déjà auteur d'un taf formidable sur la non moins géniale série Battlestar Galactica, propose une partition fabuleuse.
Soutenue par des choeurs qui prennent aux tripes et une sonorité dantesque, la BO du jeu est une totale réussite et amplifie encore plus le côté qualitatif du jeu.


Plus qu'à espérer qu'un jeu aussi peaufiné (le temps de développement se ressent complètement) et soutenu unanimement par la presse trouvera son public, dans une époque où les jeux solos ne sont plus en odeur de sainteté.
Ce serait terriblement dommage, et surtout très mauvais signe pour l'avenir du genre...


Malgré quelques réserves (oui c'est possible) qui feront de moi surement un enfant gâté, God of War ce reboot à peine camouflé coche quasiment toutes les cases de la grosse prod parfaite.
Visuellement resplendissant, jouissif à jouer, fascinant à explorer et bien plus ouvert et libre qu'on pourrait le croire, Santa Monica Studios a réussi son pari sans équivoque.
Point noir : nous faire autant saliver concernant les futures suites, il y a pire.


PS : n'oubliez pas de revenir à votre maison comme dirait Cartman, le jeu oublie de le signaler. Vous le regretterez pas.

Strangeek
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes E3 2016 : Les jeux les plus marquants et Les meilleurs jeux vidéo de 2018

Créée

le 1 mai 2018

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Strangeek

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